Deux styles de voyage prolongé
Par voyage en résidence, j'entends un séjour à l'étrange dont la grande majorité (disons plus de 80% du séjour) est effectué en résidant à un seul endroit, à partir duquel l'exploration se fait. C'est le voyage en rayonnement (des visites autour du point de résidence).
Par voyage en déplacement, j'entends un séjour à l'étranger dont la grande majorité est effectuée en se déplaçant constamment d'un lieu à l'autre, effectuant donc les explorations au fil de ces déplacements. C'est le voyage en ligne (trajet "linéaire" sans point central).
Quelques cas de figure (tirés de mes voyages)
Les expérience personnelles sur lesquels je m'appuie pour ces réflexions sont les suivantes, et elles fournissent de bons exemples-types des deux genres de voyage dont on parle ici.
Pour les fins de cette réflexion, j'exclus d'emblée tous les séjours de moins d'un mois, puisque dans les cas de courts séjours, la différence entre les deux genres de voyage n'est pas vraiment marquée. En effet, pendant un court séjour (10 jours, par exemple), la résidence est un peu l'équivalent d'un des points d'un trajet en déplacement, et le temps de résidence ne produit des effets qu'avec les séjours plus long pendant lesquels le voyageur est réellement installé à un endroit fixe.
Au Vietnam, lors d'un voyage en déplacements, 2008.
Ainsi, parmi mes voyages, mes séjours prolongés en Équateur (Quito, 2004), en Espagne (Séville, 2010) et en Angleterre (Leeds, 2012-2013) sont des cas types de voyages en résidence, alors que mes séjours en Amérique du Sud (2007), en Asie du Sud-Est (2008-2009) ou encore dans les Balkans et en Europe de l'Est (2011) sont de bons exemples de voyage en déplacement.Il y a des cas hybrides; comme mon séjour au Guatemala en 2009-2010, qui a été caractérisé par une période de résidence (en deux points différents; La Antigua et Xela), accompagnée de quelques longues périodes de déplacements (Honduras, Chiapas).
Enfin, notez que ce classement est plus une affaire de mode de vie sur place (y être installé) que de longueur de séjour (à part pour les très courts séjours, que je ne considère pas ici). Par exemple, j'ai séjourné moins longtemps à La Antigua en 2009-2010 que je n'ai passé de temps à Paris (en 2006 et en 2008), mais contrairement au Guatemala, je n'ai jamais été installé à Paris, j'y étais toujours de passage, parfois pour plusieurs jours, en début ou fin d'un long séjour, mais toujours dans une perspective de séjour en déplacement.
Les avantages des deux style de voyage
Le voyage en déplacement
Admirant Sarajevo, voyage en déplacement, 2011.
L'avantage le plus clair de voyager en se déplaçant en permanence, c'est évidemment l'étendue géographique couverte par le voyage, la diversité des lieux et sites visités et des cultures explorées. Quand on effectue un séjour de près de trois mois qui nous fait traverser une partie de la Hongrie, de la Croatie, la Bosnie, avec des incursions en Italie et en République Tchèque, il y a une importante variété de cultures, d'histoires et d'architecture qui se trouve explorées dans un même séjour.On ne s'ennuie guère lors de ces séjour, et le voyage procure généralement un important lot d'imprévus et d'improvisation au fil du trajet, pour peu que le voyageur n'ait pas fixé d'avance son itinéraire ou le nombre de jours qu'il passera à un endroit précis.
Il découle de ces improvisations un fort sentiment de liberté. Lors de voyages en déplacements, on décide pratiquement au jour le jour où aller, rester où on est un jour de plus, partir plus tôt que prévu, changer de plans, voir même de région ou de pays. Difficile d'être plus libre que ça et c'est un sentiment extrêmement puissant et agréable. C'est essentiellement la recherche de ce sentiment de liberté qui donne envie de repartir une fois de retour au pays.
Le voyage en résidence
Travaillant, écrivant (ou bloguant? hehe), de ma terrasse
de Xela, lors d'un voyage en résidence au Guatemala, 2009.
À Potosi, Bolivie, avec tout mon bagage (d'un séjour de
quatre mois), me rendant prendre un bus pour un
trajet de 12 heures vers Tarija, voyage en
déplacement, 2007.
Enfin, le voyage en résidence coûte généralement moins cher que le voyage en déplacement (pour une même période et dans un même pays/région). En effet, on y expériment moins de déplacements, mais aussi la nourriture est moins souvent achetée sur le pouce, à cause de l'impossibilité de faire beaucoup de provisions en déplacement, et généralement, on y visite moins de sites, donc paye moins de coûts d'entrée. Enfin, le voyage en résidence permet parfois d'économiser sur le coût d'hébergement également (louer à la semaine ou au mois coûte moins cher qu'à la nuit, même en auberge).
Les inconvénients des deux styles de voyage
Le voyage en déplacement
À Bratislava, Slovaquie, lors de mon second court
séjour, voyage en déplacement, 2011.
À Madinat Al-Zahra, site archéologique visité seulement
lors de mon second passage à Séville, voyage en
résidence, 2010.
Les nombreux déplacements sont aussi en eux-mêmes un inconvénient et grugent une partie de ce qui est le plus précieux quand on se déplace beaucoup: le temps. Cet inconvénient couvre à la fois le budget (plus coûteux), les longs trajets et le confort de voyage (un trajet de douze heures de nuit dans un vieux bus sur une route en terre battue est rarement un moment très agréable à vivre), et ces déplacements ajoutent un élément de fatigue physique lors des longs voyages en plus d'ajouter des éléments d'organisation au voyage en question. Par exemple, si vous prévoyez vous déplacer le lendemain de votre arrivée, mieux vaut vous informer aujourd'hui des horaires de trains ou de bus, ce qui enlève de précieuses minutes (parfois heures, hum) à votre journée d'exploration.
Le voyage en résidence
Le principal défaut d'un voyage en résidence tient d'un paradoxe; en s'installant à quelque part pour en faire son chez soi, on perd le sentiment d'être en voyage, malgré le fait de se retrouver à des milliers de kilomètres de son pays, et de se retrouver plus souvent qu'autrement dans une culture complètement différente.
Ceci a une importance majeure, parce que sans ce sentiment d'être en voyage, la routine du quotidien prends souvent le dessus sur celle du voyage, ce qui résulte généralement en un voyage où l'on visite moins de villes, moins de lieux et de sites, malgré le temps passé sur place, et malgré les opportunités. Mon plus récent séjour, à Leeds, est un bon exemple de ce facteur. Je suis loin d'avoir exploré l'ensemble du centre de l'Angleterre, je n'ai même pas exploré tout le Yorkshire, souvent pris dans ma routine de vie, mon travail et mes habitudes, une fois installé en résidence. J'avais expérimenté le même effet lors de ma résidence à Séville.
À Belem, Lisbonne, au Portugal, visité dans le cadre du
même voyage en déplacement qui m'a vu ignorer Madinat
Al-Zahra, 2006.
Le second inconvénient majeur du voyage en résidence découle de son concept même; le lieu de résidence comme encrage devient aussi un lieu d'attache et tout ce qui en est éloigné devient moins accessible que lors d'un voyage en déplacement. Faire trois trajets de huit heures de transport en une semaine lors d'un voyage en déplacement permet de couvrir beaucoup de distance, et donc d'atteindre des lieux plus éloignées les uns des autres qu'avec une résidence d'où on voyage en rayonnement.
Edimbourg, le point le plus éloigné de Leeds que j'ai
visité pendant mon séjour en résidence, 2012.
Quel est donc le voyage idéal?
Suite à ces réflexions, on peut donc se demander lequel des deux types de voyage est idéal... ce qui sera le sujet d'un prochain billet.
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