Un professeur d'université décrypte la présentation par les médias de la question du réchauffement climatique.
Par István E. Markó, depuis Louvain, Belgique.
S’il est une chose particulièrement irritante, c’est bien l’attitude de certains médias francophones par rapport aux problématiques climatiques et écologiques. S’agit-il de lacunes scientifiques, d’une attitude partisane vis-à-vis d’une croyance particulière, ou, plus simplement encore, d’une réelle volonté de désinformation ? La question se doit d’être posée.
J’ai toujours pensé qu’avant de relayer une quelconque information, il appartient à l’équipe journalistique de suivre une série d’étapes. Parmi celles-ci, il faut, non seulement lire le texte original – même s’il est écrit dans un jargon difficilement compréhensible pour le commun des mortels – mais surtout, le comprendre. Ces deux opérations, dont la difficulté ne doit pas être sous-estimée – certains articles scientifiques sont d’une herméticité rare, même pour les spécialistes du domaine – sont cruciales à la bonne transmission de l’information. Ce travail délicat nécessite souvent le recours à l’avis de plusieurs scientifiques, ainsi qu’une recherche bibliographique poussée, afin de recouper les diverses sources d’information et de vérifier leur exactitude. Par la même occasion, ce travail bibliographique met en lumière l’originalité et la pertinence de l’information qui sera ainsi relayée.
Écrire un article scientifiquement correct, tout en restant compréhensible pour tout le monde, est un exploit qui mérite l’admiration la plus sincère. Rédiger un tel document sans y introduire de biais personnels, politiques ou dogmatiques, est une gageure des plus difficiles à tenir. Rares sont ceux qui y parviennent. Ajoutons-y la terrible poussée de certains lobbys, le manque de temps, la nécessité d’être les premiers à divulguer l’information, la réduction des moyens et la recherche du sensationnel à tout prix, et la pression devient vite intolérable.
Si cette démarche est scrupuleusement suivie par les journalistes sérieux, d’autres semblent s’être lancés dans une course à l’échalote idéologique, quitte à raconter les pires bêtises, voire les mensonges les plus éhontés. Triste monde que le nôtre qui véhicule ainsi une quantité grandissante d’inepties ! Malheureux sont les journalistes qui confondent science et idéologie, car leur réputation finit par en pâtir, et à nuire par amalgame à l’ensemble de leur corporation.
Les exemples d’un tel manque de professionnalisme dans le domaine climatique et écologique sont légion. À titre d’illustration, rappelons l’exubérante floraison d’articles catastrophistes sur la fonte exceptionnelle des glaces de l’Arctique, que nous avons dû subir cet été. S’il est vrai que la fonte des glaces arctiques a été particulièrement rapide cette année, l’imputer au désormais omnipotent Réchauffement Changement Climatique (sic), relève d’une légèreté peu admissible. En effet, il suffisait de lire jusqu’au bout l’article original, publié par le Pr. M. Serreze, pour y trouver, dans le dernier paragraphe, l’explication du phénomène : une combinaison d’événements naturels et non la conséquence de l’activité humaine. Les loups hurlant avec les loups, les moutons bêlant avec les moutons, la presse « sciento-politique » est devenue, l’espace de plusieurs semaines, la caisse de résonance des alarmistes, catastrophistes et écologistes les plus véhéments. Il suffisait pourtant de faire son métier correctement.
Voguant sur ce petit tsunami médiatique, ces mêmes journalistes sensationnalistes n’ont pas manqué d’ignorer avec superbe, voire de dénigrer, ceux qui leur opposaient une version contradictoire, scientifiquement étayée. Bien entendu, ces mêmes véhicules officiels ont oublié de mentionner qu’à la même période, les glaces de l’Antarctique ont atteint un record historique. En d’autres mots, si au Nord, les glaces de l’Arctique ont fondu avec une rapidité exceptionnelle, au Sud, il n’y en a jamais eu autant. Ajoutons qu’aucun de ces médias n’a signalé, avec une fougue similaire, que la vitesse à laquelle les glaces du Pôle Nord se reforment est exceptionnellement rapide, dépassant de loin celles des autres années. Il y a davantage de glace aujourd’hui qu’en 2006 ou 2007. Sur la dernière décennie, seules trois années (2003, 2004 et 2009) ont compté plus de glace en Arctique que 2013 ! Mais sur ces points, qui visiblement dérangent, les médias adeptes de la sciento-politique restent silencieux. Déontologie, quand tu nous tiens !
Des contre-vérités remarquables – voire des mensonges éhontés – peuvent également voir le jour lorsqu’il s’agit d’attirer le chaland. Un superbe exemple est le titre d’un article de l'AFP récent paru dans la version électronique du journal Le Figaro : « Hausse des températures mondiales ». Voilà qui est parfait pour effrayer – et remettre dans le droit chemin de la doxa « réchauffiste » – une population plus inquiète aujourd'hui pour sa facture énergétique que pour le sort de la Planète en 2100. Il est vrai que se chauffer correctement l’hiver devient un défi colossal – et parfois insurmontable – pour un nombre grandissant de citoyens européens, ceci, à cause des nombreuses décisions politiques aux visées écologiques.
Non seulement le titre de l’article est mensonger, mais son contenu est rédigé d’une manière telle qu’elle envoie au lecteur un message tronqué, au contenu fallacieux et parfois erroné. Examinons ces points un par un.
1. Le titre est mensonger. James Hansen (Goddard Institute, NASA), l’un des plus ardents défenseurs du Réchauffement Climatique dû au CO2 anthropique, vient de reconnaître publiquement – à son corps défendant, certes - que les températures moyennes du globe n’augmentent plus depuis près de 15 années ! Cette information est corroborée par le GIEC lui-même, comme on peut le voir à la Figure 1a et le lire dans la version non-officielle du rapport AR5 du GIEC (Groupe d’experts intergouvernemental sur l’évolution du Climat), qu’une fuite « heureuse » a rendue publique.
Figure 1a
Figure 1a. Variation de l’anomalie de température en fonction du temps (AR5, GIEC). Les traits noirs représentent les températures observées tandis que les surfaces colorées reprennent les divers scénarii calculés par modélisation. Remarquez le manque de prédictabilité des modèles.
Figure 1b
Figure 1b. Expansion de la variation de l’anomalie de température en fonction du temps sur les 25 dernières années (Centre Hadley Centre de l’Office Météorologique Britannique). Le plateau est particulièrement visible.
Comment un journaliste de l'AFP peut-il écrire une telle ineptie ? Comment peut-il se permettre de ne pas vérifier la véracité de ses dires ? Mystères…
2. Le contenu est présenté de manière fallacieuse. Le premier paragraphe débute en ces termes : « Huit des neuf années les plus chaudes enregistrées sur le globe depuis le début des relevés de température en 1880 se sont toutes produites depuis 2000, a indiqué aujourd’hui la Nasa. L’année 2012 a été la neuvième la plus chaude… ». Est cité, à titre de référence, l’Institut Goddard pour les études spatiales de la NASA. Tiens, le même institut que James Hansen ! Analysons ce paragraphe en détail. Après tout, c’est le premier et donc le plus important, avec le dernier.
Ce paragraphe nous indique que les années actuelles comptent parmi les plus chaudes depuis le début des mesures. En tant que tel, ce n’est évidemment pas faux. Rappelons-nous cependant que les températures récentes, ayant atteint un plateau et évoluant sur celui-ci, il est normal qu’elles soient plus élevées que celles des 25 années précédentes (Figure 1b). Toutefois, cette affirmation masque la réalité actuelle, c’est-à-dire l’arrêt du réchauffement depuis près de quinze ans ! Cette observation, une fois de plus contraire aux prédictions du GIEC, gêne au plus haut point les chantres du Réchauffement Apocalyptique. L’embarras est de taille puisque cet arrêt du réchauffement climatique, non prévu par les modèles climatiques au coût exorbitant et sur lesquels se base l’actuelle politique énergétique, est toujours inexpliqué.
À la lecture de cet article, présenté d’une manière spécieuse, un public non averti – la grande majorité d’entre nous – sera aisément trompé et croira forcément que la température du globe a de nouveau augmenté en 2012 ! Or, il n’en est rien ! Même l’Office Météorologique Britannique a été obligé de reconnaître l’invalidité des prédictions de ses modèles climatiques et de revoir à la baisse la prétendue augmentation de température. Les deux figures ci-dessous se passent de commentaires tant elles sont édifiantes.
Figure 2a
Figure 2b
Variation de l’anomalie de température en fonction du temps. La figure 2a reprend en bleu les prédictions du Hadley Centre du Met Office Britannique. La figure 2b reprend les mêmes prédictions, mais revues et corrigées à la lumière du plateau de températures observé depuis une quinzaine d’années. Remarquez que cette nouvelle prédiction indique une stagnation des températures jusqu’en 2020.
Qu’un tel revirement de situation, qui tient du scandale scientifique, n’ait pas fait la une des journaux francophones pourtant si désireux de sensationnel, ou au minimum interpelé les politiques, est pour le moins surprenant.
3. Le message est erroné. La stagnation de la température est d’autant plus embarrassante, qu’entretemps, la quantité de CO2 dans l’atmosphère continue de croître. Elle a atteint en 2012 un record historique démontrant, s’il le fallait encore, le manque de couplage entre ces deux facteurs climatiques. C’est pourquoi la remarque du climatologue Gavin Schmidt : « La planète se réchauffe et la raison est que nous continuons d’émettre de plus en plus de dioxyde de carbone (CO2) dans l’atmosphère » est ahurissante de mauvaise foi.
Rappelons de nouveau les faits : de 1940 à 1975, la température moyenne du globe a diminué, de 1975 à 1998, elle a subi une hausse, depuis, elle s’est stabilisée. Si la température joue au yoyo, il n’en est pas de même de la concentration en CO2 dans l’atmosphère. Celle-ci n’a pas cessé d’augmenter paisiblement et de manière continue. Visiblement, ce gaz qui est l’aliment des plantes n’a que faire des variations de la température du globe. Quant à l’affirmation de Gavin Schmidt, elle reflète probablement son désespoir le plus profond.
En effet, il sait pertinemment que plus le temps passe et plus la théorie du réchauffement climatique attribué à la production de CO2 par l’homme s’effrite. Nombreux sont ceux qui osent aujourd’hui contester ouvertement cette théorie des plus douteuses. Chaque minute qui passe, durant laquelle la température moyenne du globe n’augmente pas, l’érode sans pitié. Sans elle, l’édifice construit sur de la pseudo science s’écroulera et révèlera la sinistre mascarade qui s’est jouée depuis tant d’années.
Il est donc remarquable de constater à quel point le choix judicieux d’un langage approprié lors de la présentation d’une information peut véhiculer un message erroné et fausser la perception du lecteur. Ajoutons qu’en général, on ne lit pas un texte électronique avec la même concentration qu’un document papier, mais plutôt qu’on le survole rapidement.
La synergie entre un journaliste imbécile et un scientifique imbécile peut produire des choses remarquables. Exemple: goo.gl/Josfb
— Stéphane Foucart (@sfoucart) 16 décembre 2012
Signalons, pour terminer, qu’à court d’arguments pour étayer leurs thèses, les journalistes adeptes de la sciento-politique n’hésitent pas à recourir à l’insulte comme moyen suprême pour avoir le dernier mot. Un exemple particulièrement intéressant est celui de M. Stéphane Foucart du journal Le Monde, qui écrit à propos d’une interview récente de l’auteur de ce billet : « La synergie entre un journaliste imbécile et un scientifique imbécile peut produire des choses remarquables ». Je laisse au journaliste Jean-Paul Duchâteau (La Libre Belgique), qui m’a interviewé, le plaisir d’apprécier cette remarque toute en finesse et en subtilité, caractéristique des cimes vers lesquelles M. Foucart a contribué à porter le débat climatique, en France, avec l’aide de son compère en injures Sylvestre Huet (Libération). Quant à moi, je continuerai à m’en tenir aux faits scientifiques.
---
Professeur à l’Université catholique de Louvain, Belgique, l'auteur s’exprime à titre personnel.