Fumée blanche, retentissement à toutes volées des cloches de la basilique St-Pierre, « Habemus Papam » prononcé par le cardinal Jean-claude Lautran du haut du balcon principal de cette dernière, tous annonçaient qu’un nouveau pape, chef de l’église catholique, avait été élu au cinquième tour de votation par les 115 cardinaux réunis en conclave dans la chapelle Sixtine.
Malheureusement, l’annonce de son nom fut un « flop » car le cardinal Lautran a complètement failli à la tâche importante qu’on lui avait confiée, soit celle d’annoncer aux fidèles du monde entier le nom du nouveau pape. Il l’a balbutié et nous ne l’avons pas compris. L’attente, avant que son nom soit finalement confirmé par Radio-Vatican, parue longue. C’était celui du cardinal argentin Jorge Bergogli, 76 ans, qui avait choisi le nom de François. Pas François 1er, mais François tout court. Négligé des bookmakers britanniques, ce fut une surprise.
Mais François ne prit que quelques minutes pour se faire connaître. En un tour de main, presque par pure magie de communication, il nous a ébahis et le désappointement initial qui nous traversa, puisque notre cardinal préféré n’avait pas été choisi, s’envola subitement. "Les cardinaux sont allés me chercher au bout du monde pour être l’évêque de Rome" dit-il. Il improvisait, souriait, saluait la foule et dégageait une chaleureuse sympathie. Il était réconfortant. Avant de donner sa première bénédiction papale aux fidèles, il leur demanda d’être béni par eux. Il se plia et appuya sa tête sur la balustrade. Aussitôt, une absence totale de bruit et une émotion profonde enveloppa l’immense place St-Pierre et ses 60 000 fidèles. On en vit les doigts croisés en prière et la larme à l’œil, implorer le Seigneur d’aider ce nouveau chef de l’Église catholique. Combien de fois une telle situation s’est-elle produite dans ce gigantesque endroit où il y a toujours des gens ? Pas souvent, sûrement. Je me rappelle d’y être allé vers 2hres le matin pour voir l’éclairage de la basilique et celui des statues de saints qui trônent sur le haut des colonnes de marbre qui entourent la place. J’avais été fortement étonné d’y entendre les murmures d’au moins un millier de personnes.
Puis les commentateurs de la télé, remis de leur surprise, récupérèrent les données sur la vie du pape François et en donnèrent les grandes lignes. Sa vie simple fut particulièrement soulignée. Fils d’immigrés italiens, il naquit à Bueno Aires. Technicien, philosophe, détenteur d’un doctorat, il se joint à la Compagnie de Jésus, les jésuites, et est ordonné prêtre à 33 ans. Peu bavard, on le dit timide, disponible et humble. Durant sa jeunesse, il subit l’ablation d’un poumon. Il devient évêque, archevêque, cardinal nommé par Jean-Paul II, primat de l’Église d’Argentine. Il aime la lecture (Dostoïevski..) l’opéra comme tout ceux qui ont du sang italien et est un supporteur indéfectible de l’équipe de football (soccer) San Lorenzo.
Tout comme Jean-Paul II et Benoit XVI, il s’est opposé fermement au mariage gai, à l’avortement (interdit en Argentine) et au droit des transsexuels de changer de sexe à l’état civil. Il a cependant critiqué les prêtres qui refusaient de baptiser les enfants nés hors-mariage, allant même à les qualifier d’hypocrites.
François vivait comme ses paroissiens dans un logement simple et non au somptueux palais cardinalice, voyageait non accompagné dans les transports en commun, préparait ses propres mets, vivait le plus près possible des pauvres et des indigents pour mieux les écouter, les comprendre, les soulager. Tout comme le faisait l’ami des pauvres Saint-François-d’Assise, auquel il a emprunté le nom pour bien marquer le sens qu’il veut donner à son pontificat.
Bon pasteur, il n’a pas craint de s’élever contre les puissants pour leur rappeler leurs responsabilités sociales envers les classes miséreuses du pays. Théologien, premier pape issu de la Compagnie de Jésus, il devient le premier pape de l’Amérique du Sud où vivent maintenant près de 48% des catholiques du monde, et encore… Tout ce que nous apprenions nous démontrait que les sages cardinaux avaient choisi le bon homme.
Après sa présentations au balcon de St-Pierre, il refusa de prendre une auto privée qui lui était offerte mais opta, habillé de blanc, d’embarquer dans le bus qui ramenait les cardinaux à leur hôtel. Plus tard, de sa chambre, il appela directement le directeur des Jésuites à Rome et parla au réceptionniste, au secrétaire du directeur et à ce dernier. Toujours dans la plus grande simplicité. C’est là que le jeune jésuite-réceptionniste, prenant l’appel du pape qui s’identifia comme le pape François, crut en une mauvaise farce et lui dit : « ah oui, eh bien moi je suis Napoléon ». Quelle ne fut pas sa surprise lorsqu’il réalisa que c’était bien le pape François au téléphone ! Le lendemain, François alla lui-même récupérer sa valise à l’hôtel, où il logeait durant le conclave, paya sa facture et remercia les dirigeants pour leur hospitalité, toujours vêtu de blanc.
Devant les cardinaux, réunis pour sa première messe à la chapelle Sixtine, il refusa le texte préparé par le Vatican pour l’homélie et décida de l’improviser. Habillé de vêtements liturgiques simples le pape François parla en italien et non en latin comme le veut la coutume et il n’y est pas allé avec le dos de la cuillère. « Celui qui ne prie pas le Seigneur, prie le diable ». « Si l'on ne suit pas le Christ, l'Eglise n'est qu'"une pitoyable ONG ». Ce qui a fait dire à Jean-Marie Guénois, journaliste spécialiste des questions religieuses au Figaro, "Jamais un pape – même Jean Paul II – n'a osé parler aussi crûment en public". Il estime que le nouveau pontificat « s'annonce décapant, …une critique acerbe d'une Église sans âme ». François a tenu un discours traditionnaliste d’un simple curé de paroisse qui va provoquer les milieux de gauche. « ce pape va nous "dérouiller" dans le bon sens pour que nous puissions voyager plus léger », ajoute un autre tweeter.
« Le protocole voulait qu'il parle assis, mitre en tête et crosse en main », il « a parlé sans mitre, sans crosse, et debout (...) comme un simple curé de paroisse ». D'où l'enthousiasme que la venue du pape François suscite chez les catholiques et l'intérêt qu'il éveille chez les non-catholiques.
Nous vivons à l’ère du low-cost qui offre aux consommateurs des prix attractifs pour des services réduits à l’essentiel. Le pape François propose une église attractive qui offrira l’essentiel. Un pape moderne qui même en continuant de respecter intégralement les préceptes religieux de l’Église, comme ses prédécesseurs, saura mieux les faire comprendre, voir accepter, grâce à une approche simple, sympathique, accessible, réaliste et compréhensible.
Ce fut un choix audacieux, une vraie surprise. Je crois que nous, catholiques, ne serons pas déçus.
Claude Dupras