Le monde à l'endroit – Ron Rash

Par Theoma

« Tu sais qu’un lieu est hanté quand il te paraît plus réel que toi. »

Travis Shelton, 17 ans, découvre un champ de cannabis en allant pêcher la truite au pied de Divide Mountain, dans les Appalaches. C'est un jeu d'enfant d'embarquer quelques plants sur son pick-up. Trois récoltes scélérates plus tard, Travis est surpris par le propriétaire, Toomey, qui lui sectionne le tendon d'Achille, histoire de lui donner une leçon.

Une écriture granitique, contemporaine, enracinée dans la terre. Un auteur inspiré par son pays. Le paysage vibre, la nature est évoquée à la perfection. On ressent les clapotis émis par la rivière, le bruit du vent. On a le souffle coupé par les grands espaces.

Des vies cabossées, des personnages fissurés, la corrosion du monde, la faiblesse et la violence des hommes, la fin de l'insouciance, la recherche du père et de sa place dans le monde. Une tension permanente. Un roman d'une superbe âpreté. Féroce et perturbant.

Malgré tout, je suis restée passablement en-dehors. J'ai davantage été soufflée par le style que par l'histoire. Qu'importe ! Je vais m'empresser de découvrir les autres titres de Ron Rash, dont notamment, l'incontournable Un pied au paradis.

Seuil, 280 pages, 2012, traduit avec inspiration de l'anglais par Isabelle Reinharez

Extrait

« Quand il était petit, la mère de Léonard s'était souvent assise dehors sur les marches de leur ferme, restant parfois une demie heure les yeux fixés sur les montagnes qui s'élevaient au-delà de leur pré. C'est si joli que ça m'emporte loin de moi, lui avait-elle expliqué un jour d'une voix douce, avec l'air de lui confier un secret. Une bible ou la messe ne lui suffisait pas toujours, lui avait-elle avoué. Voilà pourquoi avant tout, il faut un monde, avait-elle ajouté. Dans les jours qui avaient suivit le départ d'Émilie et de Kéra, Léonard avait tenté de voir le monde comme l'avait vu sa mère. Il avait pris sa voiture pour aller au bord de la Calumet River, l'unique endroit où il y avait assez d'arbres pour dissimuler un paysage semblant avoir été aplani par un rouleau à pâtisserie géant. Il s'était assis sur la berge et avait scruté les peupliers et les bouleaux, les aulnes noirs et les hamamélis blottis sous les arbres plus grands, l'eau lente et brune, en s'efforçant de trouver la même paix intérieure que sa mère, des années auparavant, sur les marches de la galerie. »

Les avis de... Aifelle,Papillon, Jostein, Aproposdelivres...

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