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Epouses et assassins de Kwei Quartey

Publié le 17 mars 2013 par Busuainn_ezilebay @BusuaInn_Ezile

Epouses et assassins de Kwei Quartey
Kwei Quartey  est un écrivain ghanéeo-étatsunien qui écrit des polars dont l'action se déroule au Ghana, avec comme personnage central l'inspecteur Darko.
Epouses et assassins de Kwei Quartey Darko est typique de la classe moyenne (et néanmoins émergente) africaine, en lutte avec les croyances ancestrales et les pratiques de sorcellerie, comme dans Epouses et Assassins avec les trokosi.
Les trokosi sont des jeunes vierges offertes aux potentats locaux pour effacer une dette, réelle ou imaginaire, d'une famille. Ces jeunes filles sont en quelques sortes, sacrifiées dans le but et l'espoir d'arrêter les “malédictions” s'abbatant sur la dite famille. Comme le sida dans Epouses et Assassins présenté comme outil de représailles.
Darko est marié à une institutrice et vit à Accra. C'est un urbain récent, de première génération. Il est originaire de la Volta région  Comme moultes ghanéens, il a migré vers la cité. Aujourd'hui, plus de 50% de la population ghanéenne vit en ville. L'inspecteur est en quelque sorte un creuset cette société dans laquelle il vit. Il en concentre toutes les contradictions, mutations et paradoxes, vécus, subis ou rêvés et même quelques fois espérés...
Par exemple, officier de police d'un état qui interdit le cannabis, il en est lui même consommateur. Par son statut de policier middle class, il est directement et personnellement exposé à la pauvreté et à l'absence de moyens médicaux de son pays, au travers de la maladie de son fils unique qui ne peut être soigné au Ghana et pour lequel il faut faire des économies substantielles en vue d'une éventuelle opération en Angleterre ( la “grande soeur” du Ghana, l'ancienne puissance coloniale).
L'écriture de Kwei Quartey tire son essence de sa connaissance intime du Ghana (où il a grandit), tout en laissant place à la poésie, parfois, l'humour, souvent et une vision objective de cette société ghanéenne en pleine mutation, en mouvement (rapide) et évolution constante, par certains aspects (car pour d'autres, ce n'est vraiment pas le cas ! Toujours cette incessante oscillation entre traditions figées et modernité déclarée).
Dans Epouses et Assassin, la Volta région (à l'est du pays) sert de cadre à l'intrigue.
Quelques mots sur l'histoire
Darko inspecteur de police à Accra est envoyé dans la Volta région (d'où sa mère est originaire), car il parle la langue Ewé, pour enquêter sur la mort d'une jeune fille.
Cette jeune femme à tous les atours de la jeune fille ghanéenne moderne. Eduquée, militante antisida, combattante de pratiques sociales hors d'âge, telles que les trokosis et qui s'expose par son indépendance et son action, au courroux des petits “saigneurs” locaux dont elle remet en cause le fonctionnement. Cette jeune femme  brillante (elle voulait étudier la médecine) est retrouvée morte dans une bananeraie.
Au fil de l'histoire, Kwei Quartey fait découvrir à ses lecteurs à la fois la saveur et la douceur autant que la noirceur et l'horreur de la vie quotidienne, dans les campagnes du Ghana.
Dans ce polar à l'intrigue habilement menée, Kwei met en scène des figures de la société ghanéenne. Il dépeint avec justesse et "judiciosité" les oppositions, paradoxes qui traversent, font vibrer, crier et quelques fois gronder le pays.
La connaissance s'emploie à contrecarrer la croyance. La technologie prend à revers la tradition qui se veut immuable (c'est tellement pratique de faire croire que puisque cela à toujours été comme cela, rien ne peut -doit- changer. Malin de présenter ainsi les choses de la part de ceux qui détiennent le pouvoir et comme le gâteau est bon, ne veulent le lâcher... Et puis, c'est tellement bon d'en abuser...).
Ce polar, rondement mené à ainsi plusieurs niveaux de lecture et donne bien des indications sur le Ghana, par les observations et réflexions  analyses esquissées, livrées, sans pour autant être affichées.
Celles et ceux qui connaissent le Ghana retrouverons bien des fondements structurant le pays. Pour tous les autres, ce sera l'occasion d'une découverte (en profondeur), un peu comme de visiter un pays accompagné d'un parent ou ami y résidant et qui ainsi vous entraine dans des lieux et vous font découvrir des fonctionnements que seuls les locaux connaissent.
Un lexique des termes ghanéens est à la disposition du lecteur-visiteur à la fin de l'ouvrage.

Kwei Quartey à Ezile Bay


Au printemps 2012, j'ai eu l'occasion de rencontrer et recevoir Kwei à Ezile Bay, lors d'un de ses voyages au Ghana. Les périples annuels de Kwei lui donne l'opportunité de maintenir, entretenir et enrichir le lien avec le pays de sa petite enfance, tout en le tenant au courant des changements et de la modernité en marche ainsi que des résistances nombreuses. Kwei est un témoin-acteur fin et attentif, à l'esprit analytique, ouvert sur l'actualité loin de nostalgies anciennes et dans le temps arrêtées, souvent de mises dans la diaspora.  En suivant ce lien, vous accéderez à l'article sur Ezile bay, vu par Kwei et là ses photos..
Son dernier séjour au Ghana avait, entre autre, pour but des repérages et collectes d'information, car il était en cours d'écriture de son prochain opus. Celui se déroulera cette fois dans la western region. Pour être encore plus précise, ce sera essentiellement l'Ahanta  west dans la zone d'Akwidaa-Cap 3 points.
Il a profité de son séjour pour sillonné la côte, visiter des lieux du roman et aussi de faire des magnifiques photos. Je vous en livre quelques unes, vous pouvez aussi aller les voir sur son site.
Certaines scènes de nouveau polar, maintenant terminé, se dérouleront chez nous à Ezile Bay.  Je lui ai toutefois demandé que s'il pouvait évité des scènes de meurtres à Ezile Bay, merci, cela m'arrangerait !
La parution est prévue courant 2013.
A suivre...
Pour aller plus loin, vous pouvez retrouver Kwei Quartey sur son site et sur son blog.
J'ai hâte de découvrir “meutres à Cap 3 points”, vivement sa parution !

Interview de Kwei Quartey par Philippe Lemairee, du Parisien

« La tête en Californie, le cœur au Gana » (10 avril 2010) Ce roman-là, je l’avais repéré de loin. Un meurtre dans un village reculé, un policier de la capitale qui débarque : Epouses & assassins offrait un air familier dans un décor radicalement nouveau : le Ghana. Je n’ai pas été déçu. Dans une collection Payot Suspense qui se cherche, ce polar fidèle aux fondamentaux du genre apporte un vrai bol d’air frais. L’écriture est directe et légère, dépouillée d’artifices, l’histoire charpentée, les personnages bien typés… Un premier roman sans clichés, ni prétention : rare… Au passage, ce livre nous ouvre les yeux sur une société ghanéenne écartelée entre villes et campagnes, meurtrie par le Sida, la sorcellerie ou la polygamie. L’auteur, Kwei Quartey (prononcer “couaille couartaille”), fils d’une noire américaine et d’un Ghanéen, se révèle être médecin à Pasadena, en Californie. La tête en Amérique, le coeur en Afrique ? J’ai eu envie de comprendre. Après un crochet par son site web, je lui ai adressé quelques questions par e-mail, auxquelles il a pris le temps de répondre entre deux gardes à l’hôpital. Voici la traduction de notre échange… Quel a été le point de départ d’Epouses et assassins ?
Kwei Quartey. Croyez le ou non, l’idée m’est venue en passant quelques jours à Paris en 2000. A l’époque, j’essayais d’écrire un roman policier se déroulant à LA, mais l’histoire ne fonctionnait pas. Le soir de mon arrivée, avant de ressortir me balader en ville, j’ai regardé un documentaire sur la vie dans les campagnes de Côte d’Ivoire et, dans un moment de grâce, j’ai compris qu’il fallait que je recommence à zéro en situant mon livre en Afrique de l’Ouest. Pourquoi raconter sous forme policière cette histoire où s’opposent tradition et modernité ?
Les énigmes policières sont mes lectures préférées depuis l’enfance. Je privilégierais ce genre littéraire pour dépeindre n’importe quel aspect de la vie. C’est dans le meurtre que culminent les passions les plus extrêmes : jalousie, haine, colère, luxure et cupidité. Et ce milieu (ndlr. la région du lac Volta) est un cadre parfait pour opposer tradition et modernité. C’est comme une production théâtrale dans laquelle un environnement exceptionnel magnifie le jeu des acteurs sur scène. Les personnages et les lieux sont-ils totalement imaginaires, ou inspirés par la réalité ?
C’est une fiction avec des personnages inspirés par la réalité. Par exemple, Elizabeth (ndlr. la tante de la victime), qui porte de superbes tenues et se montre farouchement indépendante et entreprenante, est l’incarnation de la mère d’un de mes amis d’enfance au Ghana. Quant aux villages ou localités, même s’ils portent des noms fictifs, ils sont inspirés de lieux réels. Avez-vous eu besoin de retourner au Ghana pour préparer ce livre ?
Oui, j’y suis retourné en février 2008. Je vis aux Etats-Unis depuis plusieurs dizaines d’années, et je n’avais pas revu le Ghana depuis plus de dix ans. Entre-temps, tant de choses avaient changé et s’étaient modernisées que j’aurais été incapable d’écrire un roman situé de nos jours sans voir tout cela par moi-même. En plus, j’avais besoin de vérifier la topographie des lieux ou le type de végétation dans certaines régions. Ces recherches m’ont permis de mettre à jour ou de corriger pas mal de scènes… Comment conciliez-vous l’écriture et votre travail de médecin à l’hôpital ?
Les deux se nourrissent l’un de l’autre. Les observations médicales ou médico-légales sont pour moi une seconde nature, faciles à écrire. Et la compréhension des souffrances humaines, auxquelles j’ai un accès de première main en tant que médecin, compte beaucoup pour bâtir une histoire. A l’inverse, écrire tôt le matin est un échauffement mental qui me met en condition pour ma journée à la clinique ou l’hôpital. Est-ce le premier polar situé au Ghana ?
Je crois me souvenir que “Heat of the Sun” de Maisie Birmingham, publié in 1976, est un polar situé au Ghana. A ma connaissance, Epouses & assassins est le premier à être publié par un éditeur américain. Votre héros, l’inspecteur Dawson, fume de l’herbe comme un flic américain boirait des bières ou des whiskies… 
On a abusé de l’image du détective qui boit trop, au point d’en faire un cliché. Et puis Dawson n’est pas du style à boire. Pour moi, c’est un peu comme s’il existait vraiment, et je ne pourrais pas bosser avec lui s’il se soûlait. D’un autre côté, son penchant pour la marijuana est intéressant parce que c’est illégal au Ghana. Il viole la loi, tout en étant enquêteur de police. Dawson a une vision très personnelle de l’application de la loi …
Tout en ayant un sens de la justice très poussé, Dawson a tendance à jouer sa propre partition et à se laisser déborder par ses passions. Il se sent conforté par son dégoût pour le mal, mais au point de commettre lui-même des actes peu recommandables. Quel que soit son comportement, il reflète son caractère unique. Envisagez-vous un autre roman dont il serait le héros ?
Oh oui ! J’adore Dawson, comme sa femme Christine et leur petit Hosiah, et j’ai l’impression que mes lecteurs et moi commençons à peine à le connaître. Il y a tant à faire avec lui… Epouses & assassins, de Kwei Quartey, Payot Suspense, 352 pages, 22€


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