Après un dîner de dim sum au
délicieux Ding Tai Feng, je rejoins des amis dans une boîte à salsa de
Sanlitun. Dans la féérie de la nuit, tout est propre et net et riche et
brillant.
Je suis venu trois fois en Chine. En 2007,
Sanlitun Village n’existait pas encore. Tout le côté ouest de la rue
Sanlitun (qui s’étend sur un axe Nord-Sud) venait d’être rasé et cerné
de palissades. Rien ne laissait deviner ce qui s’élèverait là.
Quand
je suis revenu en 2009, un pâté de boutiques de luxe avait émergé, avec
ses magasins de fringues occidentales, son Apple store et ses restaus
chics, le tout relié par des ruelles piétonnières. Au centre, une place
où les enfants couraient entre les jets d’eau au pied d’un écran plasma
de six mètres sur quinze. Je suis souvent allé au Hatsuné, un bon
japonais, et quelques fois au cinéma voir des films occidentaux pour un
prix occidental. Dans le pâté contigu, au Nord, des bâtiments inachevés
et des devantures muettes accueillaient des expos d’art contemporain
ouvertes tard dans la nuit.
Eté 2012. Sanlitun Village
s’étale sur bien 300 mètres du Nord au Sud. Tout n’y est qu’ordre et
beauté, luxe, agitation et occidentalité. Toutes les grandes marques y
sont, de Nike à Maison Martin Margiela. Ni trafic automobile, ni
vacarme, ni saleté. Les gens sont propres et bien sur eux, ou étrangers.
Les Chinoises sont en robe du soir; les Américains sont en short et
tongs. C’est un îlot d’Occident rêvé caché dans la houle urbaine,
rectangulaire comme l’enceinte d’un temple.
Les étrangers y
sont à leur aise, car c’est leur élément: ils y retrouvent leur milieu naturel
à moitié prix et avec juste ce qu’il faut de couleur locale pour qu’ils
puissent dire être allé en Chine. Les Chinois riches, eux, y trouvent un usage à leur
richesse.
Sur les trottoirs de l’autre côté de la rue,
les vendeurs à la sauvette volent un peu le chaland candide. En face, dans
l’écrin de Sanlitun, les marques occidentales font de même à la
puissance dix avec la morgue qui en fait le prix.
Parfois aussi, un vieillard misérable fait grincer son erhu, ce violon à deux cordes, à l’angle d’une rue, dans l’indifférence générale.
Tout se fait très spontanément, sans heurt, très 潇洒.