Suite à la publication de chiffres désastreux par le secteur de la construction, le gouvernement a réagi par des annonces de "réformes urgentes" qui se voudraient spectaculaires mais qui tiennent lieu du gadget de circonstance.
Par Vincent Bénard.
340 000 mises en chantier de logements ont été lancées en 2012, et peut être moins de 300 000 le seront en 2013, les plus bas niveaux depuis plusieurs décennies. Suite à la publication de ces chiffres désastreux, le gouvernement a réagi, comme semble l'exiger la mauvaise tradition Française, par des annonces de "réformes urgentes" qui se voudraient spectaculaires mais qui tiennent lieu, pour la plupart, du gadget de circonstance.
La principale mesure consiste en une réduction de la TVA sur la construction sociale de 7 à 5%. En temps normal, toute réduction d'impôt est bonne à prendre, mais gageons que celle-ci ne sera certainement pas répercutée sur les locataires du secteur social, et constitue un simple bol d'oxygène pour les sociétés de HLM. Lequel, d'ailleurs, risque d'être compensé par de nouvelles hausses de taxes qui, cette fois, frapperont l'ensemble des contribuables.
Certes, 400 millions annuels ne sont pas rien, mais ne représentent guère qu'environ 4 000 logements en coût de construction, très grand maximum. Et la construction pour propriétaires privés n'en bénéficiera pas, alors qu'elle représentait peu ou prou 80% de l'activité du secteur lorsque celui-ci tournait en "vitesse de croisière" dans les années 90 et 2000. L'acheteur privé d'un logement neuf, lui, continuera à supporter une TVA de 20% sur sa construction, et peut-être encore un peu plus demain.
Plus encore, aucune mesure ne s'attaque aux causes structurelles de la hausse des prix du logement, qui, en ces périodes de grande incertitude sur l'avenir, dissuadent un nombre croissant d'acheteurs potentiels de passer à l'acte : coûts de construction en hausse soutenue du fait de l'adoption de normes de plus en plus (trop ?) sévères, et surtout raréfaction artificielle du foncier constructible disponible par la faute de lois d'urbanisme de plus en plus malthusiennes, dont Cécile Duflot vient d'annoncer qu'elle espérait encore les renforcer, au nom d'une 'peur du grignotage' de l'espace agricole grossièrement exagérée. Rappelons qu'au plus fort de la bulle, avant la crise de 2008, le surcoût moyen engendré pour l'ensemble des transactions immobilières du fait de ces verrous normatifs et fonciers pouvait être évalué à 50 000 euros en moyenne par logement [1] : bien plus que l'intégralité de la TVA sur la construction neuve ! Même si la crise actuelle a certainement fait baisser un peu ce "prix de la rareté", c'est sur ce levier que le gouvernement doit agir en priorité s'il veut vraiment alléger la charge du logement sur le budget des ménages.
Le gouvernement veut en outre renforcer – avec quel argent ?- les incitations, pour les possesseurs de logements anciens, à en améliorer l'isolation. Malheureusement, la subvention n'aboutit généralement qu'à faire monter les prix de l'objet subventionné, et un simple calcul d'amortissement montre que le plus souvent, même dans le contexte actuel de prix élevés de l'énergie, ces investissements ne sont pas rentables, et donc impossibles à financer pour les ménages moyens... qui sont souvent ceux qui occupent les logements les moins bien isolés. Si le secteur du bâtiment attend un regonflement significatif de ses commandes à partir d'un tel dispositif, qu'il s'arme de patience...
Seul rayon de soleil, la réduction des possibilités de recours judiciaires "frivoles" contre les projets de construction, qui bloquent souvent de nombreux programmes pendant plusieurs mois, voire plusieurs années, alors qu'ils sont rarement suivis au final par les tribunaux. Le diable peut se nicher dans les détails, mais sous réserve d'être bien mise en œuvre, et qu'elle ne serve pas uniquement certains intérêts particuliers, l'idée est bonne, l'on étudiera avec intérêt le détail des textes concernés lorsqu'ils apparaîtront.
Malgré ce point potentiellement positif, les annonces du gouvernement sont trop anecdotiques pour modifier l'équation dramatique qui plombe le logement en France : des prix d'achat artificiellement gonflés par la raréfaction foncière, qui font plus qu'annuler l'effet bénéfique de la baisse des taux d'intérêt pour les emprunteurs, et une situation économique générale marquée par la peur de l'avenir, qui n'incite pas les ménages à s'endetter sur une trop longue période.
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Note :
- Source : Calcul de l'auteur pour son ouvrage, Logement, crise publique, remèdes privés, Éd. Romillat, 2007. ↩