Pour beaucoup, ce qui se passe à Chypre est un test grandeur nature de ce qu’il pourrait rapidement arriver en Grèce, en Espagne, en Italie et pourquoi pas en France.
Par Charles Sannat.
Ce qu’il s’est passé samedi à Bruxelles est une première dans l’histoire économique. Point de nouvelle taxe. Point de vote pour un nouvel impôt. Pas plus de nouvelle loi de finance ou de débats démocratiques autour de la question qui taxer, comment et pourquoi et à quel montant ? Non tout cela prend du temps, de même que le recouvrement fiscal. Faire déclarer les gens, envoyer des avis d’imposition, donner des délais de paiements, bref tout cela est d’un compliqué… C’est vrai quoi, alors que l’on vous parle de simplifier le fonctionnement de l’administration, franchement, on pourrait s’inspirer de l’exemple chypriote.
Ah, l’efficacité chypriote dans le paiement de l’impôt ! Extraordinaire. Simple, rapide, direct, en un mot splendide. Combien manque-t-il à l’État ? Bien, parfait donc cela nous fera une saisie directe sur tous les comptes bancaires de 6,75% jusqu’à 100 000 euros détenus puis 9,9% à partir de 100 000 euros. Vous venez de vendre votre maison et attendiez pour en payer une autre. Pô grave. Vous venez de verser 10% du prix de votre future habitation au Chyprothon. Le gouvernement vous remercie pour votre don obligatoire.
Un choc psychologique majeur
Pour beaucoup, ce qui se passe à Chypre est un test grandeur nature de ce qu’il pourrait rapidement arriver en Grèce, en Espagne, en Italie et pourquoi pas en France. Car vous le savez certainement nous avons un gros, vraiment très gros problème de dettes. Et encore une fois il n’y a aucun miracle.
Soit on ne rembourse pas les dettes… et dans ce cas les épargnants par exemple détenteurs d’une assurance-vie fonds euros perdent tout et n’ont plus que leurs yeux pour pleurer. Soit on rembourse les dettes et dans ce cas il faut de l’argent. Beaucoup d’argent. Alors au début on augmente les impôts et taxes, on réduit les versements et les dépenses... et après ? Après ? Eh bien hop, une petite saisie sur compte obligatoire et c’est réglé. Bon les gens râlent pour la forme, ils envoient quelques pavés, brûlent quelques édifices publics, mais que voulez-vous, il faut bien laisser la colère de la plèbe s’exprimer un peu, on envoie les policiers et les CRS calmer tout ça, et on explique que les gens doivent se sentir heureux et contents car grâce à la clairvoyance et au courage de vos grands mamamouchis vous n’avez perdu que 10% de vos avoirs et les 90% ont été sauvés pour votre plus grande félicité. Bref, vous en redemandez, ce qui tombe bien car comme aucun problème de dettes ne se règle avec 10% il va falloir recommencer d’ici quelques temps. Mais vous aurez oublié et on vous dira que la crise est finie et que le pire est derrière vous… et comme vous ne demandez qu’à croire et à dormir tranquille cela fonctionnera très bien.
Cela pourrait aussi se passer fort différemment. Les Grecs, les Espagnols ou les Italiens pourraient se ruer dans leurs banques pour récupérer le maximum de sous et provoquer ainsi un bankrun en Europe du sud au profit des pays de l’Europe du nord, précipitant la faillite du système bancaire des pays du sud qui, comme chacun sait, a passé les stress tests bancaires avec un grand brio comme d’ailleurs feu la banque Dexia en son temps. Les Français voyant la panique à Madrid ou à Rome pourraient être tentés de les imiter et voilà en une semaine l’euro et l’Europe qui s’effondrent mais comme le disait François 1er (pas le nouveau Pape mais le Président Normal français) la crise de l’euro est terminée.
Comme l’or était à la baisse, évidemment vous n’en avez pas acheté. On ne sait jamais. Maintenant tout le monde en veut, il n’y en a plus et vous allez le payer à prix d’or… votre petit tas de belles pièces dorées. Mais là aussi ce n’est pas faute de vous avoir prévenu.
Quelles conséquences tirer à chaud de l’événement Chypriote ?
Conséquence n°1 : N’attendez pas une information massive, accessible et facile car ce qui vient de se passer est très très grave et porteur de lourdes conséquences pour l’avenir financier de l’Europe entière ce qui inclut la France. Tout d’abord, les grands médias, je pense notamment aux JT des grandes chaines, sont totalement silencieux. D’ailleurs ils n’ont même pas évoqué le sommet européen. Il faut les comprendre. S’ils en parlent, ils risquent… non en fait ils ne risquent pas, ils vont déclencher une panique bancaire en France. Donc on n’en parle pas. Le sommet européen n’a jamais eu lieu. La blogosphère s’affole, Twitter gazouille dans des proportions inouïes, petit à petit les gens commenceront à savoir, l’idée s’installera progressivement dans les esprits et on espère que la catastrophe sera évitée.
Conséquence n°2 : Le droit vient d’être purement abandonné. Nous ne vivons donc plus dans un État de droit mais dans un état où c’est l’arbitraire qui s’exerce. On va essayer par tous les moyens de donner un cadre juridique à ces décisions mais il ne faut pas s’y tromper, vous êtes en train d’assister à la fin de la démocratie et des États de droit tels que nous les connaissions jusqu’à maintenant. Le vol pur et simple par les gouvernements pour sauver les banques est tout bonnement légalisé. On vous fait les poches et de la façon la plus violente qui soit. Aucun choix, aucune échappatoire.
Conséquence n°3 : En décembre dernier lors d’une conférence nous avions insisté avec Simone Wapler sur la nécessité de « débancariser » désormais et au plus vite et au maximum. Qu’est-ce que cela veut dire débancariser ? Tout simplement d’avoir à la banque ou de façon générale dans le système financier traditionnel (compagnies d’assurance-vie et autre) le minimum d’argent. Vous devez vous ruer vers les actifs tangibles comme je le répète inlassablement depuis des années. Vous devez comprendre qu’avec cette décision, c’est la preuve irréfutable qu’il n’y a plus aucune garantie des dépôts crédible !
Conséquence n°4 : Il va y avoir quelques problèmes d’approvisionnement en gaz.
Quel rapport avec Chypre allez-vous me dire ? Chypre est une plaque tournante pour les riches, très riches russes. En d’autres termes Chypre est un paradis fiscal. D’ailleurs, le journal L’Expansion effectuait en 2005 un comparatif entre les deux plus beaux paradis fiscaux européens que sont le Luxembourg et… Chypre. La décision prise de taxer les dépôts y compris des non-résidents (ce qui est très grave en termes juridiques), cela veut dire en réalité taxer les Russes et pour être plus précis l’oligarchie russe, c’est-à-dire par extension les copains de Vladimir Poutine. Et quand Vladimir se fâche, l’Europe se caille car les pipelines qui approvisionnent l’Europe en gaz russe connaissent de grosses baisses de pression. Achetez du gaz tant qu’il y en a encore et ce que vous aurez en gaz ce sera toujours ça qui ne sera pas sur votre compte en banque pour être saisi. Vous pouvez aussi remplir votre cuve de fioul qui doit, en plus en cette fin d’hiver, commencer à être un peu vide… C’est toujours ça qu’ils n’auront pas et, au moins, vous aurez chaud et ferez tourner l’économie réelle !
Conséquence n°5 : L’Europe n’a plus d’argent.
À en croire les déclarations de Christine Lagarde, Directrice Générale du FMI, « jamais les Européens n’auraient pu financer les montants réclamés par Chypre, estimés dans un premier temps à 17 milliards, sauf à faire grimper la dette publique de l’île à des niveaux stratosphériques ». Alors si l’Europe en est à 17 milliards d’euros près, la question légitime à se poser est : qu’est-ce que l’Europe va pouvoir faire pour l’Espagne, l’Italie ou encore le Portugal ? Conclusion, c’est maintenant que vous pouvez numéroter non pas vos abatis mais votre épargne…
Conséquence n°6 : Les épargnants des autres pays ne risquent rien !
Voilà la nouvelle promesse que l’on va vous tenir dans les prochains jours. La Grèce ce n’était pas pareil et les Grecs sont ruinés. L’Espagne c’est différent et les Espagnols sont tous au chômage et en train de perdre leur logement puisque plus personne ou presque n’arrive à payer ses emprunts contractés quand tout allait bien sur des durées de 30, 40 voire même 50 ans. L’Italie c’est évidemment pas pareil. Vous apprendrez donc par un article venant d’Espagne (où les informations nationales sont par contre focalisées sur ce qui se passe à Chypre contrairement à la France où ce sujet n’existe juste pas) que le gouvernement a très vite tenté de rassurer les foules en disant que ce qui se passe à Chypre, n’a pas de raison de se passer en Espagne et qu’il n’existe aucun plan de ce type. Pour le moment... et les promesses n’engagent que ceux qui y croient.
Conséquence n°7 : L’Europe va être de plus en plus détestée ainsi que les élites nationales.
Les bien-pensants n’en ont pas fini avec leurs lamentations sur la montée des « populismes », ou encore sur les « dangers » de voir le projet européen remis en cause. L’Europe qui devait apporter la paix et la stabilité sur le vieux continent, l’Europe qui devait nous apporter la prospérité, le développement économique et l’harmonie, sans oublier que l’Europe était un rempart démocratique face aux abus de certains États, bref, l’Europe devait défendre et protéger les peuples. Cette Europe-là non seulement est morte depuis bien longtemps mais ce n’est plus qu’un repère de brigands aux pouvoirs élargis dont le seul objectif est de faire les poches des peuples au profit de la sauvegarde d’un système financier honnis et haïssable.
Conséquence n°8 : Si vous êtes banquier dans une agence démissionnez et vite.
Oui, encore une fois, le banquier proche des gens, ce n’est pas le grand pédégé. C’est le banquier de l’agence du coin de la rue. Donc si vous en avez assez de servir un système scandaleux ou, plus prosaïquement, si vous avez peur de voir votre tête pendre au balcon de votre agence en raison d’une rage populaire pour le moment contenue mais jusqu’à quand ? La Police chypriote a réussi à stopper un client mécontent au volant de son tractopelle juste avant qu’il aille récupérer ses sous… par la force. Ce métier va devenir très, très dangereux. Heureusement à Chypre les banques seront sans doute fermées toute la semaine.
Conséquence n°9 : Vers des Banks Holiday.
C’est toujours mieux en anglais. La traduction française c’est vers des fermetures des agences bancaires pour des durées indéterminées. En clair, on pille votre épargne. Votre réflexe ? Aller à la banque. Mais les banques sont fermées pour des raisons de sécurité. À Chypre, les retraits aux distributeurs sont désormais limités à 200€. Aucun virement n’est possible via les interfaces internet de vos banques. Votre argent est prisonnier. Vous n’avez plus aucun droit sur vos sous. C’est sans doute la conception de la démocratie, de la liberté et le respect d’un droit fondamental qui est la propriété privée.
Conséquence n°10 : Préparez-vous à la tempête des dettes souveraines qui arrive.
On peut éviter une crise boursière. Il suffit de ne pas avoir d’actions. On peut échapper au chômage. Il suffit de garder son boulot (ce qui implique aussi d’avoir de la chance). Mais on ne peut pas échapper à une crise des dettes souveraines et à une crise monétaire. Elle arrive et l’affaire chypriote en montre les prémices. Enfilez vos parachutes (de préférence dorés) et préparez-vous à sauter, l’avion va s’écraser.
Que faire de mon argent ?
Voilà l’éternelle question. Que faire de mon argent ? Et voici encore une fois mon éternelle réponse que je rabâche depuis des années : actifs tangibles, actifs tangibles, actifs tangibles. Le moins d’argent possible dans le système financier. Or, argent métal (uniquement en pièces d’or ou d’argent, pas de lingot), puis terres agricoles et forêts (pour ceux qui ont beaucoup d’argent papier). Pour ceux qui peuvent, une maison à la campagne avec un grand terrain, un grand potager, un grand poulailler, un grand stock de bois de chauffage, une grande cheminée, et beaucoup de boites de conserve. En plus, le marché des résidences secondaires s’effondre avec des baisses de prix de 40 à 50%. Faites des propositions basses mais réfléchissez-y.
Désendettez-vous. Beaucoup me demandaient ce qui se passerait. Nous avons la réponse avec Chypre. Vous avez 100 000 euros d’épargne d’un côté et un crédit de 100 000 euros de l’autre. Après intervention du ministère de la spoliation vous avez désormais 90 000 euros d’épargne et toujours 100 000 euros de crédit. Voilà, je pense que les choses sont claires. Mais vous pouvez toujours croire que pour vous ce ne sera pas pareil.
Quittez les assurances-vie, protégez au maximum vos avoirs. Prenez des pièces d’or et d’argent (napoléons et hercules), achetez une maison à la campagne, remplissez-là de tout ce qui vous sera utile pour tenir le plus longtemps possible, et préparez-vous à vivre sans recours à l’État, ou le moins possible. Plus vous serez loin d’une préfecture mieux vous vous porterez.
Enfin, soyez rassurés. En France c’est toujours très différent. Il n’y a aucune raison que cela nous arrive et puis c’est François Normal qui est Président. Il est de gauche alors ce qu’il fait c’est forcément juste. Justement, depuis quelques jours, la communication gouvernementale est en train de préparer les esprits à l’utilisation des ordonnances présidentielles. C’est chouette les ordonnances présidentielles. Le Président prend un papier. Écrit dessus ce qu’il veut et cela rentre en application immédiatement. Pas de débat, pas de vote, pas de majorité. Rien. C’est un oukaze. C’est autorisé par la constitution qui stipule que l’Ordonnance doit être ratifiée par un vote du Parlement dans les deux ans au maximum. Mais deux ans c’est long très long.
C’est comme ça que prochainement vous verrez sans doute à la Une des journaux et du JT : « Ici le Ministère de la Spoliation. Personne ne bouge. Dans votre intérêt merci de donner tous vos sous. Vos comptes sont bloqués jusqu’à nouvel ordre. Votre argent ne vous appartient plus. Ceci est une ordonnance signée par François Normal 1er ».
Enfin heureusement, Habemus Papam. Il parait qu’il veut rapprocher l’Église des pauvres. Pauvre Pape François. Il va avoir du travail, car les pauvres, ce n’est pas ce qui va manquer lors de son pontificat.
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