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Robespierre restitué

Par Labreche @labrecheblog

livresOutre les ouvrages de ses auteurs habituels (Rancière, Agamben, Badiou, et Hazan lui-même, son fondateur), la maison La Fabrique se fait parfois remarquer par des rééditions fort bienvenues. C'est le cas de l'essai de Georges Labica sur Robespierre, édité il y a vingt-cinq ans dans la profusion du bicentenaire de la Révolution et traduit dans de nombreuses langues, et de nouveau accessible au lecteur français.

Une pensée de l'inédit

Georges Labica (1930-2009) reste avant tout dans les mémoires comme un philosophe marxiste et spécialiste du marxisme. Son intérêt pour Robespierre s'inscrit dans la lignée d'analyses consacrées à Lénine, Labriola, figures historiques et pourtant à la marge des études historiques. Ce Robespierre ne se conçoit ainsi pas comme une biographie à proprement parler, mais plutôt comme un portrait philosophique — on n'oserait dire idéologique — de l'Incorruptible. Sa réédition est une aubaine, alors que cette figure honnie par l'historiographie consensuelle est un peu plus enfoncée encore par le courant révisionniste des études révolutionnaires, qui n'a plus rien de révisionniste tant il est désormais médiatiquement dominant.


Aussi l'ambition de Labica est-elle ici moins de révéler Robespierre, de le rappeler, que de le restituer avec cohérence, lui souvent insaisissable, multiforme malgré le caractère épisodique de son passage au premier plan (trois ans entre la présidence des Jacobins et la guillotine !). Un portrait, donc, mais un portrait philosophique et politique, et tant l'un que l'autre, Robespierre n'ayant pas fait œuvre de philosophie politique : né à la politique avec la Révolution, il doit la penser au moment où elle se produit, où il agit sur elle, en elle : une « pensée de l'inédit » caractéristique de la Révolution française, fille des Lumières mais que celles-ci n'avaient ni prévue, ni préparée.

Le robespierrisme, la démocratie

Le Robespierre ici dessiné séduit par la structure qu'il laisse voir, c'est à dire qu'il répond à l'aphorisme de Babeuf : « Le robespierrisme c'est la démocratie ». Robespierre est avant tout cela : le défenseur de la cause du peuple, conçu comme total et souverain, d'une démocratie absolue. De la « théorie de la Révolution » selon Robespierre, ébauchée par Labica, on retient ainsi l'idée du droit à la révolution, à l'insurrection, condition de la démocratie et point bien connu de la Déclaration des droits de 1793 (en son article 35). Pas de révolution sans permanence de la révolution : la logique est portée à l'extrême, et c'est cette radicalité qui caractérise Robespierre, et qui le fait haïr quand lui s'y abandonne.

Concis, clair, l'ouvrage permet de réconcilier les facettes les plus incomprises de Robespierre, en particulier l'Être suprême et son culte, non point faiblesse mais au contraire aboutissement rationnel de la pensée de la révolution, étendue au culturel d'une façon là aussi totale et unificatrice (laïque, si l'on veut, mais non athée tant Robespierre y répugne). C'est donc un opuscule indispensable qui reparaît, dans une bibliographie révolutionnaire hélas de plus en plus lacunaire tant les éditeurs français semblent s'entendre pour la négliger.

Georges Labica
Robespierre. Une politique de la philosophie
La Fabrique, février 2013, 209 p. (1re édition : PUF, 1990)


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