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Chypre reste en zone euro : à quel prix ?

Publié le 25 mars 2013 par Copeau @Contrepoints

Cette nuit, Chypre et la Troïka se sont mis d'accord sur un plan de résolution mal taillé, symptôme d'une Europe malade de ses contradictions. Un plan qui soulève aussi beaucoup de questions et amène de l'incertitude en zone euro.
Par Mathieu Morateur.

Chypre reste en zone euro : à quel prix ?

Cette nuit, sous la menace d'un arrêt des apports de liquidités par la BCE, Chypre et la Troïka se sont mis d'accord un plan de résolution de la crise bancaire du pays. Mais c'est peut-être une tierce partie, le Kremlin, qui a joué le rôle le plus important dans cet accord in extremis.

En effet, à la lecture, on peut être stupéfait par la probable importance des pertes des grands clients de la Cyprus Popular Bank (nom commercial Laiki en Grèce). Car ce plan, le voici : tout d'abord, on décide que le numéro 1 du secteur, Bank of Cyprus, sera sauvé, car en meilleure santé que son homologue. Et tous les soutiens en liquidités de la BCE, dont Laiki était très consommatrice (9Mds), lui sont transférés en même temps que tous les comptes Laiki inférieurs à 100 000€. Le leader est ainsi un survivant revigoré (mais pour combien de temps ?) et Laiki une bad bank. Évidemment, Laiki est immédiatement mise en procédure de liquidation, toutes les créances, obligataires comme les dépôts, restant bloqués et mis à contribution. Ce qui veut dire que les grands comptes de Laiki risquent de perdre de 60 à 100% de leurs avoirs ! Et, si ces dépôts ne couvrent pas tous les besoins, on puisera dans les dépôts de Bank of Cyprus.

Il est donc remarquable que :

  • contrairement au plan précédent, il n'est pas porté atteinte à la garantie des dépôts inférieurs à 100 000€,
  • certains "oligarques russes" vont perdre beaucoup d'argent,
  • il n'y a pas une catégorie privilégiée contrairement au plan de la semaine dernière, mais une banque au détriment d'une autre,
  • on ne sait aujourd'hui pas si les dépôts de Laiki vont suffire à couvrir les besoins.

En ne dessinant aucune jurisprudence claire, ce plan soulève aussi beaucoup de questions et amène de l'incertitude en zone euro.

La première étant : ce plan peut-il fonctionner ? On en a à cette heure aucune idée. Le plan repose sur le fait que les clients auront toute confiance en Bank of Cyprus revigorée. Mais tous les cadavres ont-ils été découverts dans les placards des banques chypriotes ? Une question cruciale quand on sait que Bank of Cyprus vivra, mais sous assistance respiratoire de la BCE et avec l'épée de Damoclès des dépôts de Laiki potentiellement insuffisants pour éponger les pertes. Les clients patrimoniaux se savent aujourd'hui non-assurés. Au premier rang desquels les fameux Russes, vraisemblablement lâchés au cours de la semaine par Vladimir Poutine, qui fait passer à cette occasion un message très clair : votre argent est bien mieux à la maison. Ce signal pourrait avoir un effet significatif ailleurs qu'à Chypre. On pense par exemple à la Banque Populaire Côte d'Azur, récemment sanctionnée pour manquement à ces devoirs dans la lutte anti-blanchiment. Mais donc, surtout, un bank run sur le survivant chypriote n'est pas totalement improbable.

Ensuite, puisqu'il est possible de choisir de sauver une banque au détriment d'une autre, sur quels critères le fait-on ? Cet arbitraire, conséquence de l'incapacité européenne à se doter d'un cadre législatif pour les faillites bancaires est insupportable, alors que les clients des banques se retrouvent en première ligne. Et toutes les spéculations sont possibles. Exemple : si demain le système français se trouvait en situation de faillite suite, au hasard, à un défaut sur la dette souveraine italien, lequel des quatre grands groupes français serait choisi pour faire la bad bank ? BNP Paribas pour son exposition sur ce risque spécifique ? Société Générale ou Crédit Agricole pour leur santé fragile ? BPCE ? Aucune réponse n'est la bonne aujourd'hui, ce qui laisse place à la rumeur et à la fébrilité. Le meilleur terreau pour un bank run et/ou un nouveau blocage du marché interbancaire pour peu que la rumeur soit crédible.

On le voit, ce plan de résolution est mal taillé, fruit des urgences du monde, symptôme d'une Europe malade de ses contradictions, entre ses envies de lendemains qui rasent gratis et sa démographie vieillissante, son niveau de protection très haut et son incapacité à le financer par ses propres efforts. La purge du système ne fait que commencer mais sans texte de référence, et la situation chypriote nous a montré à quel niveau de tension ce vide pouvait aboutir.


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