Magazine Banque

Développement des monnaies locales : quelles opportunités pour les Banques en France ?

Publié le 26 mars 2013 par Sia Conseil

Illustration portage
Depuis quelques années, des « monnaies locales » voient le jour dans les régions de France. On en compte 17 à ce jour et d’autres sont actuellement en cours de lancement.

Ces monnaies, qui se veulent être complémentaires à l’euro, sont indépendantes de la Banque centrale et mises en place par des acteurs locaux (associations, communes…). Elles ne sont destinées à n’être échangées que sur une zone géographique restreinte, au niveau d’une ville par exemple et peuvent prendre des formes matérielles (billets ou pièces), mais aussi électroniques (carte à puce par exemple).Régulièrement relayées dans la presse, ces initiatives peuvent susciter l’étonnement. Quelle est l’ampleur de ce phénomène ? Ont-elles vocation à concurrencer à terme à l’euro ? Quels sont les impacts et les opportunités pour le secteur bancaire ?

État des lieux en France

L’engouement commença en France avec la création d’une monnaie locale nommée l’Abeille, à Villeneuve sur Lot en Janvier 2010 (même si elle ne fut pas la toute première). Celle-ci fut mise en place à l’initiative d’une association (Agir pour le Vivant). Cette monnaie complémentaire fut instaurée avec l’objectif de dynamiser les échanges et l’économie locale en période de crise. Les adhérents peuvent échanger leurs Euros en Abeilles (une Abeille vaut un Euro) et règlent ensuite leurs achats avec cette monnaie auprès des commerçants locaux adhérents à l’association (boulangers, éleveurs, producteurs de fruits, de céréales, de vin, produits de santé, vêtements, etc‌). Ceux-ci ont signé une charte dont ils doivent respecter les conditions : achat de matières premières locales, de produits bio, etc. Tous les six mois, l’Abeille se dévalue de 2%. Il faut alors acheter une vignette d’une valeur de 2% de la valeur du billet à coller sur celui-ci. Les consommateurs peuvent également reconvertir leurs abeilles en euros, contre une dévaluation de 2%. Ces sommes recueillies servent à l’impression des billets, appelés « bons d’échange » mais aussi à financer des projets locaux respectant la charte de l’association.

Les autres monnaies locales en circulation suivent globalement le même modèle, même si les modalités ne sont pas identiques : elles sont gérées par des associations, sont indexées sur l’euro, mais ont une portée très modérée à ce jour (nombre de prestataires et d’utilisateurs faible).

Panorama et portée des monnaies locales en France

Développement des monnaies locales : quelles opportunités pour les Banques en France ?

Une portée encore très limitée‌ à ce jour

A l’échelle de la masse monétaire en circulation ou du nombre « d’utilisateurs » de l’euro, les monnaies locales complémentaires en France ne constituent à l’heure actuelle qu’un épiphénomène.

D’abord, c’est la nature intrinsèque des projets qui en limite la portée, et ce pour plusieurs raisons :

  • Les monnaies locales ont vocation à encourager les achats de produits locaux et ne sont par essence valables qu’au sein d’une ville ou d’une région. En effet, les commerçants qui sont payés en monnaie locale doivent à leur tour trouver des fournisseurs qui accepteront cette même monnaie et qui par conséquent, sont forcément locaux.
  • Les monnaies sont généralement « fondantes » (perdent de leur valeur avec le temps) pour encourager leur circulation rapide et stimuler l’économie locale. Elles ne sont donc pas destinées à la thésaurisation (ne peuvent pas générer d’intérêt) et n’ont pas vocation à remplacer l’euro, dans sa fonction de réserve de valeur.
  • Elles sont parfois complétées par une vision citoyenne de l’achat, les points d’acceptation étant en priorité des commerçants respectant un certain nombre de critères éthiques, ce qui en limite l’utilisation.

Ensuite, les modalités organisationnelles limitent également l’utilisation à grande échelle. En effet ces monnaies ne sont souvent distribuées qu’à des points précis (associations par exemple). Il faut donc se déplacer, aux heures d’ouverture des points en question, pour convertir son argent en monnaie locale. Par ailleurs, la vigilance accrue par rapport aux faux billets créée des réticences chez certains commerçants qui préfèrent ne pas adopter la nouvelle monnaie.

Enfin, d’un point de vue règlementaire, ces initiatives restant contraintes, les conditions d’exercice étant rappelées par l’association AISES, partie prenante de ces projets : « par exception à l’interdiction de l’article L. 521-2 [du Code Monétaire et Financier], une entreprise peut fournir des services de paiement fondés sur des moyens de paiement qui ne sont acceptés, pour l’acquisition de biens ou de services, que dans les locaux de cette entreprise ou, dans le cadre d’un accord commercial avec elle, dans un réseau limité de personnes acceptant ces moyens de paiement ou pour un éventail limité de biens ou de services. » 

Nantes : Un projet à plus vaste échelle

Prévu pour le second semestre 2013, le projet de mise en place d’une monnaie locale à Nantes est différent des autres. D’abord il est animé par la Ville de Nantes et non par une association,  avec un établissement de crédit en partenariat (le Crédit Municipal de Nantes), qui aura pour mission de gérer les comptes en unité de monnaie locale (monnaie électronique sans pièce ni billet), et d’assurer la fonction de chambre de compensation du système (système de type 3 coins). Une unité vaudra toujours un euro, mais il faudra obligatoirement ouvrir un compte pour en bénéficier. Ainsi, le projet prévoit de payer également une partie des salaires en monnaie locale, au sein des entreprises adhérentes au projet.

D’ailleurs, il cible très clairement les règlements inter entreprises, avec des factures et une TVA toujours libellés en euros, mais un moyen de paiement alternatif. Chaque entreprise ouvre un compte libellé en monnaie locale, et peut ainsi payer et être payée par les autres entreprises qui participent au circuit. Le solde des différents comptes peut être positif ou négatif mais l’objectif est que le solde de chaque entreprise converge vers l’équilibre (solde nul). Pour cela, le crédit Municipal fixe des plafonds aux déséquilibres.

Fonctionnement cible de la monnaie locale à Nantes

Développement des monnaies locales : quelles opportunités pour les Banques en France ?

Ce modèle a déjà vu le jour en Allemagne, Italie, Suisse, Belgique, Royaume-Uni et Etats-Unis. La France est plutôt suiveur en la matière. Nantes s’est par exemple inspirée d’un projet déjà mis en place en Suisse, avec la Banque WIR.

Les impacts des monnaies locales sur les banques

Dès lors qu’un établissement de crédit intervient dans un système de monnaie locale, comme cela est le cas pour Nantes, on peut réfléchir aux applications et opportunités qui en découlent. Dans l’hypothèse d’un modèle relativement « évolué », la banque pourrait envisager cette activité comme un nouveau moyen de paiement, avec une prise de position sur la chaîne de valeur et un modèle économique à la clef :

  • Emission de moyens ou canaux de paiement : cartes, virements en banque à distance‌
  • Gestion de compte de paiement : rechargement en ligne, via des automates‌
  • Acquisition des paiements : solutions pour les commerçants et les entreprises, voire paiements peer-to-peer entre particuliers‌
  • Services connexes : assurances, applications mobiles, alertes‌

Retour à La Une de Logo Paperblog

A propos de l’auteur


Sia Conseil 159 partages Voir son profil
Voir son blog

l'auteur n'a pas encore renseigné son compte l'auteur n'a pas encore renseigné son compte