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La guerre en Irak : dix ans plus tard

Publié le 27 mars 2013 par Copeau @Contrepoints

Ceux qui accusent le retrait des troupes américaines d’avoir accru l’influence iranienne ont inversé le lien de causalité.

Par Malou Innocent, depuis les États-Unis.
Un article du Cato Institute, traduit par Libre Afrique.

La guerre en Irak : dix ans plus tard

Aux USA des (néo) conservateurs de premier plan qui avaient défendu la guerre en Irak, comme le sénateur John McCain et la blogueuse Jennifer Rubin du Washington Post, ont accusé le retrait militaire américain de l’Irak d’avoir accru l’influence iranienne. Cette affirmation populaire ignore volontairement que l’Iran a bénéficié de la guerre à la suite de l’élimination de Saddam Hussein, et non après le retrait des troupes américaines.

Avant l’invasion de 2003, les partisans de la guerre en Irak étaient tellement concentrés sur le renversement de Saddam Hussein du pouvoir qu’ils négligèrent la façon dont cela permettrait à Téhéran de soutenir ses alliés politiques à Bagdad, et ce, en toute impunité. Prenons par exemple l’actuel Premier ministre d’Irak, Nouri al Maliki, chef du parti politique chiite (Dawa). De 1982 jusqu’à l’invasion sous commandement américain, M. Maliki avait trouvé refuge en Iran alors que les autres membres de Dawa étaient en Syrie. Pourquoi l’Iran et la Syrie ? Selon Dawa, « ces deux pays étaient ceux qui éprouvaient le plus de sympathie à la cause de la lutte contre le régime de Saddam Hussein à l’époque ».

C’était la période durant laquelle les hauts responsables à Washington soutinrent le régime laïc baasiste de Bagdad dans son conflit contre l’Iran et refusèrent de punir Saddam pour le gazage des Kurdes irakiens. La guerre Iran-Irak (1980-88) dégénéra en une impasse prolongée, permettant aux belligérants de s’affaiblir mutuellement. Parce que la région resta divisée, aucun camp ne put connaître une hégémonie et évincer l’influence américaine. Comme Henry Kissinger l’aurait dit en plaisantant : « Il est dommage que les deux ne puissent perdre ».

En août 1988, après que la sanglante guerre Iran-Irak prit fin grâce à un cessez-le négocié par l’ONU, Saddam n’avait pas l’intention de préserver le statu quo : ses forces envahirent le Koweït en août 1990. L’objectif immédiat de la coalition internationale sous commandement américain qui s’ensuivit fut d’expulser les forces irakiennes du Koweït, et d’éviter ce dont le secrétaire d’État du président George H.W. Bush, James Baker avait averti : « quelque chose qui pourrait aboutir à la fragmentation de l’Irak, parce que nous ne pensions pas que ce serait dans notre intérêt national ».

L’objectif plus large de Washington était d’empêcher l’Irak de dominer le Golfe Persique. Durant les douze années suivantes, les zones d’exclusion aérienne et un régime de sanctions continrent les tendances expansionnistes de Saddam Hussein. L’Iran reprenait des forces pendant que l’Irak perdait les siennes, et l’équilibre des forces dans le Golfe restait relativement intact. Tout cela changea de façon spectaculaire après mars 2003.

Les responsables de l’administration Bush, et leurs partisans démocrates et républicains au Capitole, sous-estimèrent les ramifications géopolitiques plus larges du fait de détrôner le principal contrepoids régional de l’Iran. Des analystes plus réalistes soulignèrent à l’époque qu’aucune planification avant-guerre ni un quelconque nombre de « bottes sur le terrain » n’auraient pu empêcher la poussée de la République islamique dans un pays voisin ayant une majorité de 60 pour cent de chiites. En 2010, les dirigeants de Téhéran aidèrent à créer le gouvernement du premier ministre Maliki, un gouvernement mené par les chiites, et selon les rapports, commencèrent à « demander des faveurs à ses factions alliées en Irak ».

Il est utile de garder à l’esprit que de nombreux politiciens et experts américains qui firent initialement la promotion de la guerre en Irak se servent aujourd’hui de l’accroissement du pouvoir iranien pour réclamer une action contre le régime. Ces partisans de l’agression perpétuelle constituent un exemple convaincant de ce que l’économiste autrichien Ludwig von Mises décrivait comme la tromperie de l’intervention de l’État : lorsque l’État perçoit un problème, il intervient pour le résoudre, mais au lieu de résoudre le problème initial, l’intervention crée deux ou trois autres problèmes.

Ceux qui accusent le retrait des troupes américaines d’avoir accru l’influence iranienne ont inversé le lien de causalité. La guerre préventive, dont ils étaient si confiants qu’elle donnerait un résultat positif, a en réalité contribué à renforcer l’affirmation géopolitique de l’Iran et réduit les options de la politique américaine dans la région.

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Article paru initialement en anglais sur le site du Cato. Traduction : LibreAfrique.org.


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