Magazine Histoire

« Au nom d’Athènes », ou plutôt : la Grèce classique n’est pas la matrice de notre civilisation

Par Monarchomaque

Je prends le documentaire Au nom d’Athènes (sur les Guerres médiques) — voir le milieu de l’article — comme occasion pour remettre quelques pendules à l’heure quant aux racines réelles de la civilisation occidentale. Je ne souscris pas de l’école de pensée voulant que la Grèce antique, païenne & pédéraste, soit la matrice principale de l’Occident.  naïvement que les Grecs de l’époque classique ont inventés la raison, la philosophie et que la démocratie. Les ingrédients-clés de la construction de la civilisation occidentale sont plutôt, selon mon bagage d’historien :

  1. La transition d’une cosmologie immanente à une cosmologie transcendante. Cette transition s’opère officiellement avec la conversion de l’Europe au christianisme après l’an 300, mais déploie ses effets seulement au Moyen Âge catholique, qui est cependant resté semi-immanent. À propos de cette transition, je vous renvoie à la citation en fin d’article.
  2. L’encellulement médiéval. Ce phénomène communautaire à échelle continentale marque le Moyen Âge central (vers 900-1200). Il enclenche une révolution agricole, la réapparition des villes, l’invention de l’université, puis l’économie de marché. À propos de l’encellulement, se référer à l’ouvrage où cette thèse fut premièrement formulée, Enfance de l’Europe.
  3. L’éthique protestante du travail. Elle légitimise, systématise, et généralise l’économie de marché rationalisée qui est apparue auparavant. Voir mon exposé ici.
  4. Le contractualisme calvinien. Dérivé de la théologie biblique de l’Alliance, le contractualisme a connu une préfiguration imparfaite dans les serments féodaux. Le contractualisme calvinien fut appliqué à presque toutes les sphères de l’existence humaine et a profondément façonné nos institutions et nos systèmes de pensée. Son influence perdure aujourd’hui, quoique de façon déformée. J’ai déjà présenté les répercussions de ce contractualisme sur la théorie du mariage et la théorie du contrat social. Pour un exposé plus exhaustif et magistral, consultez cette œuvre d’un professeur de Harvard : Droit et Révolution. L’impact des Réformes protestantes sur la tradition juridique occidentale.

Tout cela étant dit, je ne peux complètement écarter la Grèce classique des annales de notre civilisation (pourquoi, j’y reviendrai), j’admets donc de diffuser le présent documentaire.

Épisode 1 — Vaincre à Marathon (fichier alternatif) :

Épisode 2 — Divine Salamine (fichier alternatif) :

À propos des fréquentes invocations d’Ahura Mazda, la divinité suprême du panthéon de la religion impériale de la Perse antique, je vous suggère l’article Le mazdéisme politique de Darius Ier, écrit par Eric Pirart (professeur à l’Université de Liège), publié dans Indo-Iranian Journal, Volume 45, juin 2002, Numéro 2, p. 121-151.

+++++

« Le christianisme amplifie la possibilité d’une objectivation du réel et d’une connaissance rationnelle de celui-ci. À terme, la dynamique de la transcendance produit une rupture entre l’être et le devoir-être, qui rend capable de s’opposer au monde, pour l’affronter et le transformer. [...] La double mise à distance de la nature et de la surnature, aussi bien de l’homme que de la surnature, est généralement tenue pour l’une des conditions de l’essor occidental, sous les espèces de la connaissance rationnelle du monde et de son appropriation à des fins de transformation. Une telle attitude est certes étrangères aux sociétés polythéistes ou animistes qui, si elles se livrent pratiquement à une transformation de la nature, voir une amélioration des techniques de maîtrise de celle-ci, s’abstiennent généralement de les penser comme telles. [...] La perception d’une nature en voie de désacralisation et mise par Dieu à la disposition de l’homme peut favoriser la recherche d’une amélioration des capacités productives et prédisposer à un rapport à la nature revendiquant sa maîtrise et sa transformation. »

Source : Jérôme Baschet, La civilisation féodale. De l’an mil à la colonisation de l’Amérique, 3e édition, Paris, Flammarion, 2006, p. 767 et 785-786 sur 865.


Retour à La Une de Logo Paperblog

A propos de l’auteur


Monarchomaque 333 partages Voir son profil
Voir son blog

l'auteur n'a pas encore renseigné son compte l'auteur n'a pas encore renseigné son compte