Magazine Asie

Je dis Chinois, tu penses à Quoi?

Publié le 15 avril 2008 par Nacene
Je dis Chinois, tu penses à Quoi? Le Désamour Franco-Chinois?

Les chinois ressentent l'attaque contre la flamme comme une attaque contre le peuple chinois, et pas comme une manifestation contre la répression sanglante au Tibet. C'est une évidence. Ils sont vexés, et ils en parlent.

Ils pensent que la Chine a du courber l'échine pendant des décennies, et qu'au moment où elle commence à se relever, l'occident essaie d'appuyer un peu plus pour l'enfoncer. Oui, une espèce de théorie du complot mondial (ou plus précisément occidental) contre la Chine.

Ils ne comprennent pas que les français s'en prennent aux JO de Pékin, pas plus qu'ils ne comprennent pourquoi Sarkozy vient signer des contrats a plusieurs milliards puis quelques mois après pose des conditions pour venir aux JO 2008 de Pékin.

En fait, la distinction faite entre « s'en prendre au gouvernement et à sa 'brutalité' » et « s'en prendre au peuple chinois » n'est pas très claire dans leurs esprits. Se jeter sur la flamme, c'était un peu se jeter sur les chinois, leur symbole de fierté du moment.

Oui, les médias sont contrôlés dans ce pays, et sans doute on n'a pas cherché a nuancer leur point de vue, mais toujours est-il que c'est le points de vue des chinois aujourd'hui.


Pourquoi les Français?!

Ils ne comprennent pas que des « français », et pas uniquement des tibetains en France, manifestent pour l'indépendance du Tibet. Car ils pensent que la demande d'autonomie « seulement » par le dalai-lama est en fait une marche de plus vers l'indépendance, l'objectif final. Ils ne voient pas non plus du tout les tibétains comme des « moines non violents qui passent leurs journées à prier et qui ne feraient pas de mal a une mouche », mais justement comme de dangereux indépendantistes qui s'attaquent a des Hans innocents et sans défense. La différence de point de vue, entre l'infantilisation des uns, et la diabolisation des autres, est aussi criante que desarmente.

Ils sont d'autant plus blessés qu'ils ne s'attendaient pas a ce genre de réaction de la part de français, « Amis de la Chine ». Encore une fois, beaucoup de français sont les amis des chinois mais pas ceux du gouvernement. Mais la distinction a 8000km tend a s'estomper.


La Chine a déjà évolué

Les chinois pensent qu'il y a des progrès au niveau des libertés ici. Ce n'est pas l'occident, mais ce n'est pas non plus la Chine d'il y à 10 ou 15 ans (oui, 10 ou 15 ans!). Beaucoup pensent qu'on ne peut pas accéder à la démocratie en la décrétant (mon regard va vers l'Irak). Que la liberté de la presse est un exercice nécessaire mais difficile, qu'il faut apprendre a manier. La peur au fond, c'est la révolution, le bordel, le bain de sang, le développement non maîtrisé, la démocratisation qui tourne au chaos... et le risque existe.

L'accès a la démocratie de la plupart de nos démocratie ne s'est pas fait sans heurts. Révolutions ou guerres civiles jonchent nos histoires comme autant de tribus que nous avons payé a notre liberté. C'est ce que les chinois veulent a tout prix éviter aujourd'hui, et l'exercice n'est pas facile.


Le Décalage, quelle décalage!

Le problème, est que les tuyaux de communications entre la Chine est le reste du monde sont de plus en plus gros, et que les attentes d'une évolution (révolution?) sont de plus en plus pressantes. Le décalage qui existe entre la Chine est le reste du monde devient plus criant pour tout le monde. Alors? alors on crie, on s'indigne, on dénonce, et la Chine se crispe.


Doucement... mais surement?

Elle se crispe, parce qu'elle se vexe qu'on lui mette le nez dans ce qu'elle a de moins beau, et qu'elle le prend comme un acces de vantardise de ceux qui en ont plus. Elle se crispe aussi parce qu'elle a peur qu'on essaie de faire rouler la machine plus vite qu'elle ne peut le supporter, et que le chaos engloutisse tout ce qui a été construit en si peu d'années, et qui est finalement fragile.
« Laissez-nous le temps », disent les chinois, « la démocratie ne se decrète pas, les crispations que vous nous infligez retardent un peu plus cette évolution ».

On ne peut pas du jour au lendemain avoir le multipartisme, on ne peut pas du jour au lendemain laisser la presse libre. Je sais, je prends des risques en disant cela, et je sais bien que vu de France, cela peut surprendre qu'un démocrate (ce que je suis), fervent défenseurs de la liberté de la presse (ce que je fais a mon niveau, par exemple en m'abonnant a arret sur image qui a été censuré), puisse dire cela.  Je ne me gêne d'ailleurs pas pour me moquer de la presse chinoise au garde-a-vous.


Qui joue du pipeau?

Les occidentaux prennent ça pour une tentative du pouvoir de gagner du temps. Ils ne comprennent pas que la Chine demande des responsabilités (comme l'organisation des JO) sans pour autant se vêtir déjà des habits de la respectabilité qui sont pour nous cousus de démocratie. Les ingrédients du clash.

La vraie question, est celle des intentions de Pékin. Que veut le pouvoir central. Veut-il vraiment glisser vers une société moderne, et faire progresser les libertés individuelles, ou veut-il prendre sa part du gâteau de la richesse mondiale, sans rien donner en gage à la société civile chinoise.


On ne connait pas la direction, mais le carrefour est droit devant

J'ai une une remarque a faire la dessus. A vue d'oeil, la société civile chinoise s'enrichit. Une classe moyenne s'est créée, et elle fait déjà la taille de la moitie de la population de l'union européenne! Une classe moyenne, qui subvient a ses besoins, va forcement demander autre chose. Si j'étais un dirigeant chinois et que mon but était de garder le pouvoir en étouffant la société civile, ma hantise serait la formation d'une classe moyenne, et je me presserais de suivre l'exemple nord-coréen ou birman. Or, non seulement ils laissent faire, mais ils l'encouragent. Ils ne s'accaparent pas de toutes les richesses du pays, et malgré les problèmes de redistribution, il y a redistribution.

Un autre argument serait la formation des élites. Pourquoi le gouvernement enverraient des étudiants chinois se former partout dans le monde, en leur réservant un bon accueil à leur retour, alors qu'obligatoirement, il sait qu'ils reviendront avec quelques idéaux dans leurs bagages. Quand on voit les organigrammes des institutions officielles, on est souvent surpris par le nombre de diplômés des universités occidentales. L.S.E, HEC, Harvard, MIT, il y en a pour tous les goûts.

Un pays qui pratique la redistribution, un pays qui forment ses élites, ce n'est sans doute pas un pays qui revient vers le passe, si?



La question à 1 million. Celle dont ni vous, ni moi, ni eux, n'avons la réponse est : c'est quoi la bonne vitesse pour une démocratisation?

Qu'en pensez-vous? Et prière, ne m'engueulez pas... trop :o)


Retour à La Une de Logo Paperblog

A propos de l’auteur


Nacene 50 partages Voir son profil
Voir son blog

l'auteur n'a pas encore renseigné son compte l'auteur n'a pas encore renseigné son compte