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Bunker Roy, fondateur de Barefoot Collège en Inde: « Nous voulons former des femmes analphabètes à l'énergie solaire »

Publié le 28 mars 2013 par Kafando @KAFANDORAPHAEL

Bunker Roy est né le 2 août 1945 à l’Ouest de Bengal en Inde. En 1972, il fonde le Barefoot College, « le collège aux pieds nus », dans le village de Tilonia, au Rajasthan. Il forme des analphabètes avec pour missions, de fournir des services de base aux communautés rurales pour les rendre autonomes et améliorer leur vie. Roy est une des 100 plus influentes personnalités du monde, d’après le Time Magazine. A l’occasion de sa venue au Burkina pour signer un accord d’appui-conseils et de fourniture d’équipements pédagogiques solaires avec le projet « Consolidation de la gouvernance environnementale locale (COGEL), il s’exprime sur la philosophie de son collège et sur la formation des « grands-mères » en Inde.

 Sidwaya (S.) : Présentez-nous le Barefoot Collège ?

Bunker Roy (B.R.) : Le Barefoot collège est un système d’éducation qui valorise les connaissances des communautés dans les régions rurales. Nous travaillons dans les domaines de l’énergie solaire, de l’eau, l’éducation dans le milieu rural et le développement d’entreprises pour ceux qui habitent dans les régions pauvres. Depuis une dizaine d’années, nous formons des femmes à l’énergie solaire. Cela concerne 54 pays dans le monde dont 32 africains. Plus d’une centaine de « grands-mères » africaines ont ainsi donné accès à l’énergie solaire à quelque 7000 villages isolés, ouvrant un cycle d’amélioration des conditions de vie de dizaines de milliers de personnes. Le barefoot collège fonctionne complètement avec l’électricité solaire. 250 personnes habitent là-bas en plein temps. C’est une idée pour démystifier la technologie pour les pauvres et donner l’accès de la technologie aux pauvres. Le « collège aux pieds nus » mobilise les compétences, le savoir et l’expérience pratique des villageois eux-mêmes pour faire face aux besoins essentiels de la communauté : l’éducation, l’eau potable, l’emploi, la santé, l’habitat, l’alimentation, l’éclairage, le combustible et le fourrage. Pour concevoir les écoles du soir, il n’a pas été nécessaire de faire conduire des études approfondies par des consultants extérieurs et de dépenser par la même occasion, des fonds qui pouvaient bénéficier directement aux enfants. Il n’a pas non plus été nécessaire de se mettre en quête de réponses d’« experts » ni de discuter des mérites et des inconvénients de nouvelles idées ou de nouvelles approches. La réponse se trouvait au sein même de la communauté rurale, parmi des villageois sans diplôme ni bagage universitaire qui, au contraire des experts en éducation, ne voyaient pas l’intérêt de faire compliqué, quand on peut faire simple. Les parents ont suggéré tout simplement que les écoles soient organisées le soir, pour s’adapter à l’emploi du temps des enfants qui gardaient les vaches, les chèvres et les moutons dans la journée. Ils ont dit qu’ils ne voulaient pas d’enseignants fonctionnaires du gouvernement, qui ne sont motivés que par le salaire et la vie en ville.

S. : Que pensez-vous des « grands-mères » burkinabè qui ont été formées à Barefoot Collège ?

B. R. : Les six femmes burkinabè étaient parmi les 40 femmes venues du monde entier. Les Burkinabè étaient les meilleures avec un excellent esprit. Vous imaginez qu’il y avait 10 pays avec des langues, des cultures et des sensibilités différentes et les femmes du Burkina ont fait tomber toutes les barrières pour avoir un niveau qui leur a permis d’installer l’électricité dans cinq villages et elles font la maintenance, elles sont indépendantes et elles managent même leur communauté.

S. : Vous avez rendu visite à ces femmes dans leur village, êtes-vous satisfait du résultat ?

B. R. : J’étais fier de rencontrer les « grands-mères » dans leurs villages respectifs où elles étaient devenues plus que des leaders. Elles sont désormais très respectées et leur rôle au sein de la communauté a changé fondamentalement. Par ailleurs, elles ont à cœur de former les autres. Il y a une histoire qui m’a émue. Une des femmes n’avait pas reçue l’autorisation de son mari pour participer à la formation en Inde, mais elle est partie quand même faire la formation. Quand elle est revenue, son mari a voulu qu’elle regagne son foyer, mais elle a refusé et elle a décidé de prendre sa vie en main, parce qu’elle avait une activité qui lui permettait de se suffire à elle-même

S. : Quels sont vos projets avec le Burkina ?

B. R. : Nous sommes ici pour continuer les discussions afin d’installer un centre de formation sous-régional pour former des femmes analphabètes à l’énergie solaire. Nous avons déjà eu un terrain avec le gouvernement burkinabè et le gouvernement indien est prêt à mobiliser 500.000 dollars pour la construction de ce centre.
Ce n’est pas un collège où les gens vont venir chercher des diplômes, les diplômes sont donnés par le service rendu aux villageois et ça va concerner les femmes en milieu rural parce qu’elles sont plus enclines à partager dans le village que les hommes qui vont rapidement aller à Ouagadougou ou refuser de partager leur savoir.

Raphaël KAFANDO


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