Fin de matinée, je suis dans le métro ligne 2.
J’aimerais m’asseoir, mais en fait non, pas de places.
Je m’accroche tant bien que mal à une barre et j’attends.
Il y a cette jeune femme qui est assise avec son long manteau gris. Elle est blonde, de grandes lunettes, des chaussures à talons plats. Un sac uni, noire. Elle se tient bien droite. L’air un peu austère. Elle ne semble pas très avenante.
Elle ferme les yeux, continue à se tenir très droite. Puis, elle rouvre les yeux, ouvre son sac et fouille à l’intérieur. D’abord avec lenteur, puis avec nervosité. Elle en sort alors une petite trousse. Très colorée, il y a pleins de produits de beauté à l’intérieur, c’est le bordel dans cette trousse, il faut le dire. J’aime bien ce contraste avec l’aspect sévère de cette jeune femme.
Elle farfouille, sort un fond de teint, une petite glace, un mascara et un gros pinceau de maquillage. Elle regarde à gauche, à droite. Puis elle retire ses lunettes et commence à mettre du mascara. Au début, elle le fait doucement, discrètement, ses mains bougent peu, elle penche la tête, se cache même un peu comme si elle avait une petite honte à être vue en train de se maquiller dans le métro. Le geste est précis, consciencieux et elle ne déborde pas (je suis admirative).
Puis elle semble plus en confiance, elle est tellement concentrée qu’elle ne voit pas les regards du jeune homme à côté d’elle. Il semble intrigué au début de la voir se maquiller ainsi dans le métro. Puis il replonge le nez dans son livre. Puis il la regarde à nouveau, progressivement son regard sur elle se fait plus doux, plus appuyé. Il la regarde avec sympathie, un petit sourire se dessine progressivement sur ses lèvres et j’ai l’impression qu’il la trouve mignonne cette jeune femme qui la bouche ouverte, applique son mascara. Au bout d’un moment, ce petit manège se répète et je sens qu’il aimerait trouver un moyen d’attirer son attention.
Elle termine (enfin) d’appliquer son maquillage. Je le sens hésitant, partagé entre l’envie de continuer à lire son livre et l’envie d’aborder la jeune femme. Elle range sa petite trousse, sort un livre, commence à compter des pages (j’ai pas compris pourquoi elle faisait ça, peut-être un toc). Elle se plonge dans son livre de poche dont je reconnais la couverture et le titre. Je constate que le jeune homme la regarde moins. Peut-être a t-il capitulé et qu’il ne souhaite finalement pas l’aborder. Elle sort un petit sandwich de son sac, elle déplie doucement le papier d’alu et commence à le manger par petits bouts.
Le jeune homme la regarde une nouvelle fois, avec insistance. Il semble vouloir croiser son regard. Je suis au taquet, j’aimerais être la spectatrice d’une rencontre amoureuse, je me demande si oui ou non, il va finir par l’aborder. Je me demande aussi ce qui l’a attiré. L’abandon de posture stricte de la jeune femme quand elle a commencé à se maquiller. Un geste, un regard, une mèche de cheveux peut-être. La courbure de son épaule. Le profil de ce visage. Ou peut-être est-il juste curieux du rite de la jeune femme, de l’énergie qu’elle y met. Pourtant quelque chose me pousse à croire qu’il y a autre chose qu’une simple curiosité. J’attends.
Mais c’est déjà mon arrêt. Je ralentis le moment de descendre pour voir si une parole, un regard, une complicité pourrait se créer dans ce petit laps de temps. Mais non, trop tard, je suis sur le quai, j’avance, je ne les vois plus.
Clap de fin.