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Le monde civilisé se demandait quelle mouche avait bien pu piquer la France en assistant avec consternation à la montée de haine et d'homophobie suscitée par le vote de la loi sur le mariage pour tous. Les images des homophobes défilant à Paris avec leurs enfants en bouclier humain et des nervis le bras tendus ont fait le tour du monde.
Très vexée de la déconfiture de son petit timonier en 2012, la droite cherche des prises de toutes sortes pour accabler le nouveau pouvoir, et l'extension du mariage aux homosexuels, qui contient intrinsèquement l'octroi de nouveaux droits à une communauté habituellement vouée au rôle de bouc émissaire était un trop bel appât pour qu'ils n'y mordent pas.
Pensez donc, Monseigneur, en quoi allons nous incarner le diable si les homosexuels deviennent des citoyens comme les autres ?
C'est bien pour cela que dans leur très hypocrite bienveillance, les stratèges les moins cons des forces réactionnaires persistent à proposer au monde homosexuel un mariage sur mesure, un contrat spécial, un sauf conduit à triangle rose qui rappellerait bien que leur titulaire sont provisoirement et exceptionnellement autorisés à vivre et aimer comme les autres, mais qu'ils restent bien frappés d'un sceau d'asociabilité, parqués dans un réduit législatif, reconnus comme sous-citoyens, et que même cette situation est révocable à merci.
Et c'est également bien pour cela que les Gays n'ont cessé d'exiger d'être fondus dans le lot commun, régis par la même loi que tous les Français, et ont dédaigné touts les sauf-conduits qui leur ont été proposés.
D'où l'aspect insupportable de cette universalisation de l'égalité citoyenne au regard de ceux qui persistent à considérer que les homosexuels ne sont pas des gens comme les autres.
Au nombre des plus enragés, on trouve, bien sûr, d'extrème-droite, qui a besoin de posséder pour son argumentaire un éventail aussi large que possible de communautés opposables à la xénophobie.
Pour eux, les étrangers, les Roms, c'est bien, mais ce n'est pas du made-in-France. Avoir un volant de bouc émissaires bien français, qui permette de démontrer que le ver est dans le fruit et qu'en conséquence, il faut éradiquer l'opposition, c'est bien plus pratique.
Ce qui explique l'attribution du rôle d'ennemi de l'intérieur accordé jadis aux Juifs, et aujourd'hui aux Gays dans le générique de la saga fasciste. Il y a aussi les « assistés » qui sont dans l'antichambre du tribunal populiste.
Pour les intégristes, les justifications de l'intolérance sont encore plus simples. La foi dispense de raisonnement. Quand on leur demande d'expliquer leurs principes, il n'ont même pas besoin d'argument ni d'argumentaire : tout est écrit. On ne sait ni par qui ni quand ni comment, on en déduit donc que c'est par la main de dieu, et le tour est joué. Les religions choisissent des cibles aussi misérables que possible : dans les pays riches, d'immenses légion des mal-baisés constituent pour elles un auditoire de prédilection.
Pour appâter les gogos du tiers monde, on leur promet l'égalité. Pour appâter les gogos des pays nantis, on leur propose une inégalité basée sur l'abaissement de certains autres.
« Quand on ne peut pas briller de sa propre lumière, on essaie d’éteindre celle des autres ».
Le système prônant les frustrations comme mode de développement de la personnalité, l’exécration des bons-vivants s'y intègre naturellement, et au nombre de ceux-ci, les gays, dont le mode relationnel, jamais reconnu et donc jamais réglementé, se construit de nouveaux statuts dans les contrées vierges et inconnues du maquis et de la terra incognita.
Tout le problème est la manière dont les choses dégénèrent. Car elles dégénèrent. D'abord, constatons que le mouvement de la manif pour tous n'était au départ que la rencontre fortuite de quelques homophobes hyper-cathos et de starlettes en désuétude prêtes à ferrailler pour n'importe quelle cause afin de se replâtrer une célébrité. Sans l'intervention médiatisée de Barjot et Bongibault, il ne serait resté qu'une manif de Civitas agenouillée derrière ses bannières.
Mais constatons aussi que la manif pour tous appartient de moins en moins à ses créateurs, et devient de jour en jour « la chose » de l'extrême droite. Les slogans y sont de moins en moins ciblés sur « la mariage homo » comme ils disent, et de plus en plus globalement homophobes. Leur cible va en s'élargissant, visant tout le gouvernement, la personne de François Hollande, et même la gauche en général, puisque se rassemblent autour du thème du mariage pour tous de plus en plus de petits cerveaux qui ignorent la démocratie et pensent qu'il n'est de pouvoir légitime que très à droite.
Ah ! Si Hollande avait écouté les conseils des assoces LGBT, qui connaissent bien la communication sur le sujet, et avait emballé le vote dans la foulée de son élection... Tout comme Mitterand avait, en 1981, expédié pendant l'été l'abolition de la peine de mort et la dépénalisation de l'homosexualité, deux sujets sur lesquels, comme aujourd'hui avec le mariage universel, la France avait accumulé un retard conséquent sur les grands pays du monde libre.
Non... François Hollande a préféré prendre son temps et organiser un interminable débat, qu'il n'arrive plus à clore aujourd'hui, tant les harpies du conservatisme, toujours à l’affût, se sont emparé des faits et propos pour les déformer et les instrumentaliser à souhait. On lui avait bien dit de ne pas ouvrir la boîte de Pandore... Maintenant, elle est ouverte et il faut la clore à nouveau. Car la politique de la droite dure, qui procède volontiers par amalgames grossiers, (arabes = voleurs, homosexuels = pédophiles) a tôt fait d'associer à ce sujet de société des croyances religieuses qui n'ont rien à faire dans le code civil, de lier ce pauvre ragoût de la sauce des quelques difficultés apportées par « la crise » pour mitonner un infâme bouillon d'hostilité et de haine dont tous les effluves visent la légitimité de la gauche au pouvoir, la laïcité de la république, et l’égalité des citoyens.
Voilà maintenant le pays quasiment divisé par un sujet qui ne concerne qu'une minorité (il y a en France environ 7 millions d'homosexuel(le)s), bruyamment instrumentalisé par une minorité plus réduite encore... (l’extrême droite, combien de divisions?)
Certes, cela nous a donné un incomparable bêtisier de déclarations homophobes, mais ce triste spectacle était-il souhaitable devant un public qui aurait tout à gagner à s'unir devant la crise ?
Et avions nous besoin que les pays qui nous regardent encore comme un phare de culture et le berceau des Lumières découvrent avec stupéfaction que sous l'écorce du chêne de St. Louis grouille un invraisemblable fourmillement de cancrelats moyenâgeux, de barbares en puissance et de gros bras sans cervelle ?
L'Inter-LGBT, HES, SOS Homophobie et d'autres s'inquiètent à juste titre de cette résurgence de la haine homophobe et de son exploitation à des fins politiciennes qui envahit les campagnes de notre démocratie comme une vague de tsunami.
Ce sont les mêmes qui, lorsque les citoyens réclament des droits ou du pouvoir d'achat dans des manifestations encadrées et autorisées, clament que « la politique ne se fait pas dans la rue » et qui viennent aujourd'hui, dans des mouvements de foules débordants, au mépris des autorisations de manifester, braver bêtement les forces de l'ordre pour mieux se victimiser.
Ce sont les mêmes qui dénient les manifestations revendicatives où des citoyens réclament des droits et des avantages justes et égaux, qui viennent emplir nos rues de déferlements dont l'objet n’est ni l'égalité ni la plénitude des droits, mais au contraire la prolongation d'une inégalité qui n'a que trop duré et la privation, pour toute une minorité, de droits que eux possèdent déjà...
Ce sont ces parents indignes qui sont montés à l'assaut des CRS poussettes en avant et marmots sur les bras qui veulent démontrer que des parents homosexuels ne sauraient pas élever leurs enfants ?
Pendant qu'on voyait à la télé ces lâches aventuriers clamer leur haine à la télévision, les quelque 25 000 enfants de couples homosexuels, bien au chaud à la maison, devaient se féliciter de ne pas avoir eu des parents hétérosexuels comme ceux-là !
Certains de leurs ténors sont à l'homophobie ce que les Drumont et les Brasillach furent à l'antisémitisme. En leur temps, peu de citoyens ne vinrent les contredire. Quel homme politique se dresse aujourd'hui pour asséner fortement la pleine citoyenneté des homosexuels, piétiner les jeux de mots et abus de langage dont ils sont les victimes (Je ne suis pas homophobe, mais tout de même...), réclamer l'égalité des droits pour tous, et renvoyer aux gémonies les Adam et Ève que des illuminés viennent brandir face au Code Civil ?
Quel journal titrera « J'accuse » sur cinq colonnes, quel tribun dénoncera l'insaisissable anguille homophobe qui, dans les quartiers, les écoles, les entreprises, passe et repasse autour des homosexuels en soulevant la vase autour d'eux jusqu'à ce que les coups qu'ils reçoivent deviennent invisibles à la foule et se perdent dans les brumes de la rumeur?
Voilà ces séditieux décidés à aller manifester devant le Sénat, lieu d'exercice de la démocratie, comme pour tordre le bras à Marianne et lui faire dire ce qu'elle ne veut pas dire ?
Ce ne sont plus les manipulateurs pour tous qui dérapent, c'est toute une opinion publique encouragée par des médias ravis de l'aubaine, attirés par l’événement pour en faire des gros titres malsains ...
L'histoire montre que l'arrivée des crises déclenche des bousculades du genre « chacun-pour-soi , c'est la faute au voisin » qui sont souvent fatales aux minorités. En sommes nous arrivés là ?
Pour ma part, je reprendrais bien un peu de république, avec un zeste de démocratie.