Drouot est l’univers des amateurs, des arts, des artistes argentés et connaisseurs.
Par Jean-Baptiste Noé.

Cela ne fut pas sans peine. Un rapport assassin, commandé par le ministère de la Justice, avait mis le feu aux poudres de la maison en 2010. Il pointait une gestion irrégulière, des vols d’objets, un monopole or d’âge. Ce qui pouvait être commode pour écouler du whisky ou des grands crus se révélait être un sacré handicap quand il fallait se comparer aux maisons anglo-saxonnes. D’après le rapport, Sotheby’s atteignait, en 2008, 9 milliards d’euros de chiffre d’affaires et Drouot seulement 411 millions. C’était un nouveau Trafalgar au pays des objets d’art. Il fallait faire quelque chose. L’État est intervenu, cette fois pour abattre un monopole, celui des Savoyards. Après des mois de combats, c’est l’État qui gagna, et le monopole qui fut détruit. Plus personne ne se plaint en public ; c’est peut-être que la situation s’est améliorée. Gageons que cela est vrai.
Drouot demeure une vieille maison d’Empire. Sous ses allures bourgeoises, c’est à la noblesse des batailles et des canons qu’elle doit son existence. Fut-ce un moyen d’écouler les stocks d’œuvres récupérées de-ci de-là en Europe lors des promenades printanières de la Grande armée ? Napoléon avait du goût, du style, et les moyens d’imposer sa volonté. À l’époque ce n’était pas encore l’argent qui était tout puissant, mais les armes, et notamment le sabre. L’objet est toujours utile. La maison a été créée en 1801, dans le cadre d’une chambre de commissaires-priseurs, et ses statuts furent modifiés en 2002 suite à une loi de 2000 réformant le statut des commissaires-priseurs. Le monde de l’antiquité et des objets anciens a ainsi tourné à sa façon la page du XXe siècle.
À Drouot, il y a la main que l’on voit, celle du marteau qui s’abat, et les petites mains que l’on ne voit pas, celles qui chargent et déchargent les objets, en soirée et en nuitée, celles qui préparent les salles, celles qui estiment et qui vendent. Derrière les salles d’exposition policées et les vitrines fournies, c’est tout un monde de fourmis invisibles qui s’activent pour faire fonctionner l’hôtel et assurer les transactions. Les amateurs constateront que le mobilier ancien ne vaut plus grand-chose. Avis aux gourmands de bureau Louis XVI ou de commode Louis-Philippe, elles sont en ce moment bradées, descendant presque au prix d’un simple meuble IKEA. Il n’y a plus de demande, et les prix vont avec. Le mobilier industriel des années 1940-1960 est au contraire très en vogue et s’arrache à grand prix. C’est le moment de vendre l’un et d’acheter l’autre. Les mains de Drouot sont là pour ça.
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