Jérôme Cahuzac a avoué. Il
avait bien un compte en Suisse et cela depuis une vingtaine d’années. Médiapart
a dit vrai et je suis fier d’avoir été de ceux qui, dès le 5 décembre 2012, ont
pris au sérieux les révélations du site dirigé par Edwy Plenel. Face aux
agressions des politiques et à l’absence de solidarité des principaux médias de
ce pays, Médiapart a tenu son cap, le cap de l’intransigeance avec les faits.
Je suis heureux du dénouement, il conforte le sérieux et la crédibilité d’un média
devenu adulte et indispensable dans le paysage médiatique français. Qu’il s’agisse
de l’affaire Karachi, de l’affaire Bettencourt, de l’affaire
Takiedine-Kaddafhi, de l’affaire Tapie-Lagarde, ou de l’affaire Cahuzac, le
site Médiapart et ses journalistes ont été à l’origine de révélations utiles
pour la bonne santé de l’information, d’une part, et le bon fonctionnement de
la démocratie d’autre part. Sans une presse libre, indépendante des puissances
d’argent et des pouvoirs, il n’y a pas de vraie démocratie. Edwy Plenel,
pourtant, n’avait rien d’un justicier ou d’un triomphateur, hier, sur les chaînes
de télévision. Il était un journaliste à la tête d’une équipe sans laquelle
rien n’eût été possible.
Je suis également très triste.
Qu’un homme de l’intelligence de Jérôme Cahuzac, qu’un député apprécié pour sa
compétence, son expérience, trouve le moyen de mentir effrontément au Président
de la République, au Premier ministre et à tous les députés, voilà qui ne
manque pas de m’interpeller. Cahuzac, la honte de la République ! Que s’est-il
donc passé dans la tête de ce ministre du budget chargé de lutter contre la
fraude fiscale et de trouver des recettes nécessaires à la réduction des déficits pour
qu’il tienne des propos indignes d’un élu responsable ? Que s’est-il donc passé
dans la tête de ce politicien expérimenté lorsqu’il a menti à la représentation
nationale ? Est-il l’arbre qui cache la forêt ? Défend-il d’autres
intérêts que les siens propres ? L’enquête conduite par les deux juges d’instruction
en charge de l’affaire devrait faire toute la lumière sur les coins d’ombre de
ce mensonge aussi énorme qu’étonnant de la part d’un homme de gauche dont les
valeurs devraient être l’honnêteté (intellectuelle aussi) la probité, la recherche
de la vérité et de la justice. Après l’affaire DSK et avant l’affaire Guérini,
le Parti socialiste n’avait nul besoin de ce coup de tonnerre. Cahuzac,
connaissant la vérité, n’aurait pas dû penser qu’à lui-même. Membre d’un
gouvernement, il a bafoué ce qu’il y a de plus précieux en politique, la
confiance en la parole donnée.
La droite va tomber à bras
raccourcis sur Cahuzac, le gouvernement et le président. Même si celui-ci a
promptement réagi en évoquant une « impardonnable faute morale » il n’échappera
pas aux interrogations sur ce qu’il savait ou pas et depuis quand.
Personnellement, je pense que François Hollande a cru son ministre quand il lui
jurait la main sur le cœur qu’il n’avait pas de compte en Suisse ou à l’étranger.
Cela prouve, tout simplement, que le mensonge en politique est devenu une denrée
courante et si Jérôme Cahuzac fait la Une des journaux aujourd’hui, ce n’est
que justice de la part des médias, lesquels se sont montrés dédaigneux et
hautains vis à vis de Médiapart. Le site vient de gagner ses lettres de
noblesse, rien ne sera plus comme avant dans le monde de l’information en France.
Jérôme Cahuzac a été mis en
examen pour blanchiment de fraude fiscale. Il sera donc traduit devant un
tribunal correctionnel où il pourrait être condamné et, peut-être, déclaré inéligible
pour quelques années. Peut-on dire pour autant que sa carrière politique est
terminée ? On a vu tant d’aigrefins de droite et de gauche être blanchis
par le suffrage universel…Ayrault invite Cahuzac à ne plus solliciter les
suffrages des électeurs. Ces derniers seraient-ils assez fous pour confier du
pouvoir à un homme si sûr de lui et de son impunité que ses actes risquent de
faire sauter un gouvernement ?