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Exclusif - Interview de Marc Missonnier : "La mobilisation ne faiblira pas !"

Publié le 03 avril 2013 par Copeau @Contrepoints

Producteur, Marc Missonnier a pris la tête du mouvement de contestation qui s’oppose au projet d’adoption de la nouvelle convention collective régissant le cinéma indépendant, qui pourrait tout simplement mener à sa disparition. Contrepoints a publié sur ce sujet un article que vous avez été très nombreux à lire. Marc Missonnier donne aujourd’hui une interview exclusive à Contrepoints pour expliquer sa démarche.
Entretien réalisé par Pascal Avot, pour Contrepoints.

Exclusif Interview Marc Missonnier mobilisation faibliraDe Molière au Petit Nicolas, en passant par Renoir, l'Enfant de Kaboul, 8 Femmes et tant d'autres, Marc Missonnier est un des producteurs les plus talentueux et les plus renommés du cinéma français. Faire un bon film à succès est son expertise. Il est également une des figures de proue du "Non" à la nouvelle convention collective imposée aux métiers du cinéma. La révolte grandit, Marc Missionnier explique. Interview exclusive d'un homme qui sait ce qu'il dit, et ne mâche pas ses mots.

 
Contrepoints (CP) : Quelle est, à cette heure, la situation sur la ligne de front opposant les "pour" et les "contre" de la nouvelle convention collective ?

Marc Missonnier (MM) : Nous attendons la première rencontre avec le médiateur, M. Hadas-Lebel, afin de reprendre le dialogue avec les organisations de salariés.

15.000 emplois vont disparaitre chaque année

CP : Jeudi dernier, le journaliste Denis Robert annonçait que la Ministre de la Culture Aurélie Filippetti faisait marche arrière. Depuis, aucune source fiable n'est venue confirmer cette information. Y croyez-vous ?

MM : La nomination d'un médiateur est le signe concret que le gouvernement s'est rendu compte qu'il allait dans le mur avec l'extension programmée d'un texte, signé – je le rappelle – par les grands groupes d'exploitation uniquement, c'est-à-dire quatre sociétés (Pathé, UGC, Gaumont et MK2) qui ne produisent que 5% des films français. La mobilisation des producteurs et des cinéastes a permis une prise de conscience politique du problème. Nous n'avons pas, à l'heure où je parle, d'indication claire sur l'attitude du Gouvernement et nous attendons d'en savoir un peu plus.

CP : Considérez-vous que la nouvelle convention collective va empêcher des films de se faire ? Si oui, seront-ils nombreux ?

MM : Oui. Parmi les raisons qui empêcheront certains films de se faire, il y a bien sûr la question des rémunérations qui pèseront très lourd pour certains films fragiles, mais aussi l'obligation d'employer des équipes complètes, alors même que la technologie nous permet des tournages de plus en plus légers. Nous avons réalisé une étude d'impact – disponible sur le site www.conventionpourlemploi.fr – qui montre que l'application brutale du texte en question aboutira à la disparition de 70 films et plus de 15 000 emplois intermittents par an en France. Je précise également que les producteurs sont POUR une convention collective. Nous avons d'ailleurs signé un texte en janvier dernier avec la CFDT et négocié avec FO, qui offre à tous les salariés du cinéma des garanties en revalorisant les pratiques salariales. Ce texte, le gouvernement s'obstine à ne pas en tenir compte.

CP : Si la nouvelle convention collective est adoptée, va-t-on voir le chômage augmenter dans le cinéma français ?

MM : Forcément. Moins de films signifie moins d'emplois, donc plus de chômage.

CP : Si le nouveau dispositif est adopté, les contribuables français vont-ils payer plus ou moins ?

MM : Les contribuables n'ont rien à voir là-dedans. Cela n'affecte en rien les comptes de l’État, sauf à considérer l'augmentation des indemnités chômage des intermittents moins employés. Mais cela pèsera sur les cotisants, et non les contribuables stricto sensu.

CP : Si le nouveau dispositif est adopté, les films seront-ils moins nombreux ?

MM : Les films seront moins nombreux comme je l'ai dit précédemment, mais ce sont surtout les films fragiles ou de budget intermédiaire qui seront touchés. Nous donnons quelques exemples de ces films à cette adresse : http://www.youtube.com/watch?v=bCJQ227rxPM .

CP : Si le nouveau dispositif est adopté, les films français seront-ils de moins bonne qualité ?

MM : La qualité étant une notion subjective, je ne me risquerai pas à entrer dans ce débat.

C’est un pan entier du cinéma qui est menacé

CP : Quels seront les travailleurs du cinéma les plus favorisés par cette nouvelle convention collective ? Et les moins favorisés ?

MM : Ce texte est une prime aux techniciens installés et constitue une barrière à l'entrée pour ceux qui débutent. Le but sous-jacent est qu'il y ait moins de films en France, avec moins de techniciens et mieux payés. C'est une conception qui se défend. Ce n'est pas celle des producteurs indépendants et des plus de 600 réalisateurs qui les ont rejoint, qui considèrent que le nombre de films garantit la diversité, cette diversité que le monde entier nous envie. A-t-on envie d'un cinéma formaté, organisé par les grands groupes d'exploitation, ou veut-on conserver cette vitalité essentielle ?

CP : Quelle incidence peut avoir la nouvelle convention collective sur le statut des intermittents du spectacle ?

MM : Moins de films = moins d'emplois = moins d'intermittents. De ce point de vue, on réduit le problème du déficit du régime des intermittents, mais à quel prix…

CP : Quelle incidence peut avoir la nouvelle convention collective sur les choix de scenarii ?

MM : C'est tout un pan du cinéma français qui sera affecté, les films fragiles et les films au budget intermédiaire.

CP : Avez-vous encore bon espoir que ce projet soit abandonné ? 

MM : Le gouvernement a fait un pas dans la bonne direction avec la nomination d'un médiateur. Nous attendons la suite.

CP : Pour soutenir votre cause, quelle mobilisation attendez-vous, de la part de qui ? 

MM : Les réalisateurs sont tous mobilisés par ce combat et nous sommes rejoints aujourd'hui par beaucoup de techniciens, qui se rendent compte que la situation n'est pas aussi caricaturale qu'un classique affrontement employeurs/employés. Cette affaire touche à la diversité culturelle et à l'emploi. La mobilisation ne faiblira donc pas, elle est au contraire en train de prendre de l'ampleur.

CP : Question subsidiaire. Qu'aurait pensé Michel Audiard de tout cette affaire ?

MM : Il aurait certainement fait un bon mot en renvoyant tout le monde dans les cordes, mais je n'ai pas son talent de dialoguiste. Je sais par contre de quel côté il aurait penché…

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Entretien réalisé par Pascal Avot, pour Contrepoints.

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