Quelle est la situation aujourd’hui dans Bangui et ailleurs ?
La situation revient progressivement au calme mais reste tendue avec des échauffourées et des tirs sporadiques par endroits en ville. Il arrive régulièrement encore que l’on doive rester en stand-by quelque part lors d’un trajet en ville à cause de tirs dans un quartier que l’on pensait traverser. On observe également de petits déplacements de population, normalement limités dans le temps, des familles de certains quartiers partant se réfugier dans d’autres quartiers.
Dans les provinces, et notamment dans les parties sud-ouest et sud-est du pays, la situation est encore extrêmement volatile, que ce soit du fait du recul de l’armée fidèle à l’ancien régime, de l’avancée des troupes de la Séléka, ou même de la présence de troupes porteuses d’armes pas forcément identifiées, tels que des groupes d’ex-coupeurs de routes. Ce sont des formes de banditisme que l’on retrouve toujours en RCA : dans le sillage des armées de très nombreux incidents ont eu lieu et ont toujours lieu.
Les situations de guerre mènent toujours à une sorte d’anarchie généralisée où chacun tente de tirer son épingle du jeu : la criminalité, le banditisme et les règlements de compte sont donc particulièrement élevés en ce moment. Les tensions inter-ethniques ou inter-religieuses sont également à surveiller. Certaines communications à ce sujet ont pu laisser penser que cet aspect pourrait être « monté en épingle » d’un côté ou de l’autre.
Quelles sont les priorités humanitaires aujourd’hui ?
Il est encore difficile d’avoir une vue précise aujourd’hui des conséquences humanitaires des récents événements et surtout de ne pas les associer avec les problèmes chroniques dont souffrait le pays avant décembre et la montée de la Seleka. Quoi qu’il en soit, aujourd’hui la situation sécuritaire est encore trop tendue et il n’est pas encore possible de mener de vraies évaluations des besoins dans les provinces. Bangui reste la première zone où se concentrent maintenant les efforts de la communauté internationale humanitaire. Les actions engagées depuis la crise de décembre dans les provinces ne se sont hélas pas totalement concrétisées. Ceci est lié au fait que la situation est restée largement instable depuis 3 mois, sans garanties de sécurité suffisantes pour intervenir et surtout au problème de toutes les organisations ici : la disponibilité des fonds nécessaires à des interventions de qualité.
Ce qui nous inquiète beaucoup aujourd’hui, c’est l’impossibilité pour les populations de se procurer certains produits de bases, alimentaires notamment. Non pas parce qu’ils ne sont pas disponibles sur les marchés, mais parce qu’ils ne sont pas accessibles : beaucoup d’habitants ont toujours peur de se déplacer par crainte des combats. Et surtout, ils n’ont plus d’argent ! La crise a commencé en décembre : cela fait 4 mois de suite que les salaires des fonctionnaires ne sont pas versés, dans un environnement ou l’équilibre financier reste toujours très instable pour beaucoup. Dans les campagnes, certaines zones ont été très fortement mises sous pression avec du bétail volé, des champs et des stocks pillés… Ces évènements aggravent une situation chronique de pauvreté et d’insécurité alimentaire déjà très forte dans le pays.
D’ici un mois nous allons officiellement rentrer dans la période de soudure durant laquelle les familles n’ont structurellement plus assez à manger et où les prix des denrées grimpent. Une période d’autant plus délicate cette année, beaucoup de communautés n’ayant pas pu planter ces derniers mois en raison des combats et des mouvements de fuite liés à l’insécurité. La situation alimentaire et nutritionnelle sera clairement à suivre de près dans les prochains mois.
Enfin, beaucoup de gens ont tout perdu lors des pillages. C’est le cas également pour la majorité des structures étatiques, parmi lesquelles les centres de santé : pouvoir redonner quelques biens de première nécessité et aider les centres de santé à se remettre en état de marche font également partie des priorités.
Par ailleurs, selon la manière dont évolue la situation des personnes déplacées dans le pays ou réfugiées à l’extérieur, il y aura sans doute une assistance à apporter auprès de ces personnes.
Que prévoit de faire ACF face à cela ?
La première chose pour ACF, comme pour tous les acteurs humanitaires en RCA, est de retrouver un accès libre au terrain. Il faut remettre en place une présence humanitaire dans tout le pays : le simple fait d’avoir des témoins un peu partout participera sans nul doute à calmer la situation et à rassurer la population.
ACF a plutôt eu de « la chance » comparée à d’autres organisations internationales ces derniers jours : nous avons pu sauver la très grande majorité de nos stocks, matériels, bureaux… ACF soutient 15 centres de santé pour le traitement de la malnutrition dans Bangui. Grâce notamment à l’extraordinaire mobilisation des équipes nationales, ces programmes ont pu continuer sans quasiment d’interruption : aujourd’hui 70 enfants sont hospitalisés pour malnutrition aiguë sévère avec complication. Leur nombre va sans doute rapidement ré-augmenter : beaucoup de familles ont préféré suspendre le traitement pendant les combats ou n’osent pas en ce moment se rendre à l’hôpital. Pendant le seul mois de janvier, 500 enfants souffrant de malnutrition aiguë étaient sous traitement. Ces programmes vont donc bien sur continuer.
Les premiers membres des équipes d’urgence arrivent demain en RCA. A partir de là nous allons mener des évaluations rapides en nutrition, en sécurité alimentaire et en eau et assainissement. ACF est responsable pour la communauté humanitaire des évaluations d’urgence dans toute la partie ouest du pays : ces évaluations s’organisent en ce moment sur Bossangoa, Bangui et la Kemo. En fonction de ces évaluations, des programmes seront rapidement mis en place ; peut-être à la manière de ce que nous avions déjà fait en janvier : les besoins étaient tellement évidents, que les équipes d’évaluation, tout en continuant leur travail d’approfondissement pour quantifier et qualifier les besoins, avaient commencé à fournir les premières aides; notamment redonner des stocks de médicaments et de produits thérapeutiques dans les centres de santé des zones rurales.
Contacts presse :
Christina Lionnet 01.43.35.82.37 [email protected]
Julia Belusa 01.43.35.82.22 [email protected]
Urgences et jours fériés : 06 70 01 58 43