Voilà des semaines, voire des mois, que nous sommes restés silencieux quant au projet de collaboration de la très secrète Maison Martin Margielaavec le géant Suédois de la Fast Consommation H&M. Cela a sans doute surpris quelques uns de nos plus fidèles lecteurs habitués à nos virulentes diatribes concernant les dernières collections « bling-blingissimes » signées Anna Dello Russo ou encore Versace. Pourquoi ce silence nous demanderez-vous ? Et bien pour le principe premier d’éviter tout préjugé et d’avoir un peu de matière afin de vous livrer une véritable analyse, mais aussi parce qu’en temps que mordus du style Margiela, nous avons secrètement espérés que le résultat serait pour une fois positivement différent. (Qui sait ? Rien n’est impossible paraît-il.)
© Les Garçons aux Foulards
Et cela jusqu’au mardi 14 Novembre, date de la soirée évènementielle organisée par H&M dans leur flagship de l’avenue des Champs Elysées, pour le lancement de la collection avec en Guest l’ensemble de la Presse, de la Blogosphère, quelques VIP (nous avons entre autre pu y croiser Daphné Burki, Inna Modja ou encore l’acteur français Nicolas Duvauchelle) bref de tout ce que compte Paris de Fashionistas en mal de sensation Mode. DJ, Champagne coulant à flot, mondanités gentiment échangées, mise en scène et vidéos Margiela pour H&M, rien n’y fait, la déception est palpable et même si le jeu de faire semblant de s’arracher les vêtements de cette collection est de rigueur, rien n’y fait, peu ou prou en sont dupes. Mais avant de nous lancer dans le compte rendu de cette collection, faisons un rapide retour en arrière pour en comprendre les bases.
© Maison Martin Margiela pour H&M
Flashback
12 juin 2012 - H&M dans un ouragan médiatique annonce sa prochaine collaboration avec l’ancienne griffe du créateur belge – Maison Martin Margiela. Chocking !
La maison de mode par essence la plus discrète, la plus conceptuelle, la plus intellectuelle et sans doute la plus élégante, vend son âme sur l’autel du mirage médiatique mondial. Quel ne fût pas ma déception de voir ses deux univers que tout sépare, que tout oppose se retrouver dans un mariage de raison dont on craint d’avance les résultats. Martin Margiela, créateur secret qui a refusé durant toute sa vie toute interview et qui s’est retiré de la scène mode depuis décembre 2009 (et oui, peu sont ceux à savoir que Maison Martin Margiela a été vendu et fait désormais partie du groupe Only The Brave/ Diesel tenue par l’italien Renzo Rosso - tout comme d’ailleurs la griffe des créateurs Viktor&Rolfou encore Dsquared…) voulait créer un style plus qu’une mode, un concept plus qu’un vêtement priorisant le travail artisanal (avec sa remarquable collection 0 notamment) sur la production industrielle.
Absence médiatique, minimalisme et conceptualisation poussée à l’extrême jusqu’au détournement complet des pièces d’une garde robe ou d’objets usuels pour en créer d’autres, réédition de pièces vintages pour leur perfection stylistique ou leur qualité de réalisation ou encore discrète élégance d’un vestiaire pensé pour l’Homme et la Femme, autant de signatures emblématique de l’ADN Martin Margiela qui sont à 1000 lieux des valeurs prônées, normées, quantifiées et programmées du géant suédois spécialiste du Made in China à bas prix.
Le pire était donc à craindre.
Cependant après un lancement presse des plus Arty à New Yorket une présentation de la collection, composée essentiellement de modèles rééditées de saisons précédentes, fin octobre en showroom (qui semble-t-il a séduit la presse) ainsi que la révélation de la campagne publicitaire, hymne urbain de poésie et de sobriété nous a fait espérer…
© Maison Martin Margiela pour H&M
MMM comme M(auvais) M(ass) M(arketing)
Mais cet espoir s’est vite envolé lorsque déjà sur le trottoir, face à une organisation dépassée par le nombre trop important d’invitation envoyée, il fallut affronter des files d’attente interminables, des flots composées d’une marée humaine de modeuses prêtes à tout pour avoir un bout de leur Graal – du Martin Margiela pas cher ! Déjà la magie s’en était allée. Peu adepte des événements ou l’on se fait piétiner, nous étions prêts à rebrousser chemin (comme l’on fait certains d’ailleurs), juste retenus par la curiosité et le désir de partager avec vous les premiers scoops sur cette collaboration tant attendue.
© Les Garçons aux Foulards - MMMM pour H&M
© Les Garçons aux Foulards - MMM pour H&M
Médiocre – tel est le premier mot qui nous soit venu à l’esprit, lorsque nous avons réussis à pénétrer dans le magasin et à descendre au niveau -1 de celui-ci, nous avons découvert des podiums et des portants vidés de marchandise, des display éventrés, des tables d’accessoires à moitié renversées et des gens excités à l’idée de t-shirt imprimés trop larges et de robes en tissus synthétiques. Car au final, là ou le bas blesse, c’est la qualité ou le rapport qualité-prix. Matières synthétiques, finitions médiocres, fabrication exclusivement Made in China, cuir trop épais, métaux trop légers, draps de laine 1Er prix, bref l’opposé de la qualité proposée d’habitude par une pièce de créateur et surtout par Maison Martin Margiela qui est encore l’une des rares griffes à proposer des cachemires épais, de vraies popelines de coton pour ses chemises, des draps de laine à l’incroyable chaleur pour ses manteaux ou encore des peausseries d’agneau à la finesse exemplaire pour ses accessoires. Quelle tristesse ces robes un peu molles, n’ayant de Margiela que l’étiquette, dégoulinantes en jersey, transpirant les dérivés de pétrole, ou encore ces draps de laine jamais portés et déjà à demi boulochés.
© Les Garçons aux Foulards - MMM pour H&M
© Les Garçons aux Foulards - MMM pour H&M
© Les Garçons aux Foulards - MMM pour H&M
© Les Garçons aux Foulards - MMM pour H&M
Modèles trop marqués, trop connotés, que l’on cataloguera forcément de H&M et non pas de Margiela lorsqu’ils seront portés, ne dépassant jamais le mois durant lequel ils ont été achetés, qui ose d’ailleurs encore ressortir de ses placards un modèle d’une collaboration antérieure ? Où qui peut encore se targuer d’en avoir un de bonne qualité ? Alors que le plaisir de porter encore et encore sa véritable maille ou sa veste originale Margiela est insatiable. Certes, sans doute un peu plus cher, mais comme l’avait si justement dit l’architecte Mies van der Rohe, « Less is more », et cela peut parfaitement s’appliquer à nos dressings vomissant d’achats compulsifs et inutiles – mieux vaut un seul beau pull-over qu’une multitude de modèles approximatifs.
© Les Garçons aux Foulards - MMM pour H&M
© Les Garçons aux Foulards - MMM pour H&M
© Les Garçons aux Foulards - MMM pour H&M
Je me souviens à ce propos d’un échange que j’ai eu ce jour là, mon interlocuteur me défendant que ce type de collaboration était toujours une sorte de 50/50 entre H&M et la marque invitée. Et effectivement, le calcul est juste : prix classiques H&M 50% plus chers pour des produits plus ou moins Margiela de 50% moins bonne qualité… Navré, mais je ne suis pas sur de trouver cette équation gagnante. Prix ridiculement chers, les bijoux cheap en aluminium à 50 euros, chemises en coton et jeans à 80 euros ou encore vestes et manteaux entre 150 et 400 euros nous ont laissés plus que dubitatifs, avec une palme pour un set nappe et serviettes en lin froissé imprimé à 129 euros faisant rougir de honte n’importe quelle personne adepte du beau linge de maison. Car soyons honnête un instant, toutes ces frusques aussitôt achetées, aussitôt démodées ne seront jamais, jamais du Margiela. Juste une pâle copie H&Misante en version (très) chère.
© Les Garçons aux Foulards - MMM pour H&M
© Les Garçons aux Foulards - MMM pour H&M
Fidèles à nous même et à nos valeurs, nous n’avons pas succombé et n’avons rien acheté (comme jamais d’ailleurs depuis la toute première expérience de Masstige organisée avec Karl Lagerfeld) de cette collection. Enfin si… soyons honnêtes… un livre… l’excellente nouvelle édition du Fashion Now des éditions Taschen dont les piles d’exemplaires ne baissaient pas… Bah oui ? Un livre ? A l’heure de l’Ipad roi quelqu’un consulte-t-il encore cet objet étrange et désuet ?.... Non ? Nous si.A.
Ps : veuillez nous excuser de l’aspect flou de certaines photos, celles-ci ont été prise dans la rapidité d’un clic d’iphone.