Jérôme Cahuzac a mis le monde politique français sens dessus dessous mais cela est tout à fait dans les habitudes de le landernau politique français de patauger et de se vautrer dans les affaires. Comme disait l’autre, cela ne nous regarde pas!
Pourtant si l’affaire Cahuzac est une histoire franco-française, le “cas Cahuzac” réunit tous les ingrédients pour devenir un cas d’école qui peut intéresser tout le monde.
Le cas Cahuzac soulève en effet plusieurs problèmes qui peuvent interpeler quiconque s’intéresse de près à la politique, à la presse, à la justice, bref à la vie de la cité en général.
- La probité et l’intégrité des hommes politiques est-elle impossible? Les politiciens de tous les pays du monde ont plongé, plongent et plongeront dans les travers dont aucun humain n’échappe. De l’Inde à l’Italie, du Maroc à la Chine, de la Grande-Bretagne à l’Argentine, du Vatican à l’Afrique du Sud, tous les états, toutes les organisations politiques, connaitront des scandales. Aucune législation, la plus drastique soit-elle n’empêchera l’existence de scandales financiers ou sexuels ni celle d’affaires de corruption ou de délits d’initiés. Le croire relève de l’utopie!
- La presse dite d’investigation pratique-t-elle vraiment de l’investigation? Quand Bob Woodword et Carl Berstein du Washington-Post se lancent dans l’affaire du Watergate, ils n’ont pu avancer qu’avec l’aide plus que importante de “Gorge Profonde”, en fait un agent du F.B.I. Pour l’affaire Cahuzac, on peut se demander comment et pourquoi Edwy Plenel et son équipe ont été mis sur la piste de l’alors ministre du Budget? L’affaire remonte à 1992, et les protagonistes sont nombreux et surement pas innocents de tout soupçon. Un inspecteur des impôts recadré par son ministre, un ancien adversaire politique, une cassette audio qui traine dans les tiroirs d’un juge pendant des années, une épouse ex-associée et maintenant séparée, des détectives privées, autant d’éléments quinous éloignent de l’investigation pure pour nous rapprocher de la vengeance, du sordide et peut-être de la manipulation.
- “Il n’y a pas d’information sans manipulation” : cette sentence se confirme encore une fois avec le cas Cahuzac. Et les consommateurs d’information devraient s’en faire une religion. Pourquoi donc certains journalistes donnent-ils certaines informations et pas d’autres? Pourquoi enfoncent-ils le clou, parfois jusqu’à l’acharnement, parfois jusqu’à la solution extrême – rappelons-nous le cas Bérégovoy – sur telle personnalité plutôt qu’une autre? Qui informe les journalistes? Pourquoi les informe-t-on? Edwy Plenel a beau se présenter comme le Zorro défendant “le droit de savoir”, on note qu’il distille les informations au compte-goutte : il le reconnait d’ailleurs implicitement en déclarant : “Mediapart, après cette affaire Cahuzac, VA AVOIR d’autres informations”. Le célèbre site d’information serait-il informé selon l’humeur ou les besoins d’une source aux s desseins bien particuliers
- Que peut faire la justice? Une fois lancée, la machine judiciaire va se mettre en marche, avec son train de sénateur, son temps judiciaire si spécifique. On l’a bien vu avec les différentes affaires que l’on pu lever ici au Maroc : les procédures, les recours, les astuces, les interventions, les pressions, tout est bon pour freiner et parfois bloquer la marche de la justice. Ce n’est pas spécifique au Maroc : en France, les juges français ont mis près de deux décennies pour décider d’une condamnation à deux ans avec sursis à propos des emplois fictifs où était impliqué l’ancien président Jacques Chirac.
- Est-il plus grave de mentir que d’enfreindre la loi? Ce qui semble le plus gêner les différents intervenants que l’on a pu voir, entendre ou lire ces derniers jours, c’est que Jérôme Cahuzac ait menti à son président, à la représentation nationale et au peuple français. Tout comme, il y a quelques années le président Clinton a frôlé la destitution par impeachment, non pas parce qu’il ait commis un acte indigne de sa fonction mais parce qu’il avait dérogé à la vérité dans ses déclarations. Le même reproche avait mené Richard Nixon à démissionner, celui d’avoir nié l’implication de la Maison dans le Watergate et non pas cette implication avérée.
- Sait-on toujours tout sur les affaires qui font la une des journaux? Avant même que Jérôme Cahuzac soit interrogé par les juges d’instruction, les chiffres relatifs à son compte à Singapour sont passés, dans les médias, de quelques finalement modestes 600.000 euros à des sommes plus lourdes : on parle de 15.000.000 euros! Excusez du peu! Les journalistes avancent ces chiffres sans état d’âme et surtout sans préciser les sources. L’important serait plus de vendre que d’informer. Mais cela nous le savions déjà!
- La fin de la gauche moralisatrice et donneuse de leçons : Décidément, l’argent ne réussit pas à la gauche; Ni en France ni chez nous d’ailleurs. Qui aurait pensé qu’un cacique socialiste marocain serait trainé devant les tribunaux pour une affaire de sous, de gros sous? Qui aurait pensé que le ministre français chargé de combattre la fraude fiscale serait lui-même un ancien fraudeur? La gauche n’est plus en position de se donner en exemple ni surtout de donner des leçons de morale.
Dans quelques jours, d’autres problèmes vont venir polluer l’espace médiatique et les élucubrations politico-financières de Jérôme Cahuzac tomberont aux oubliettes. C’est en fait cela qui est le plus dramatique et c’est cette faculté d’amnistie de la mémoire qui permet le renouvellement de ce genre d’affaires.