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Le Web 2.0 : une révolution de la stratégie de communication des ONGs ?

Publié le 06 avril 2013 par Cassandria @cassandriablog

Un mémoire intéressant réalisé par Flora Jordi / Alizé Liesa / Jakob Rödl dans le cadre de PO-ST en 2012 :

Qu’est-ce que PO-ST ?
Le web 2.0, marqué par la croissance fulgurante des réseaux sociaux et les évolutions digitales permanentes, ne cesse de bouleverser notre environnement personnel et professionnel.
Comment réagissent et tentent de s’adapter les entreprises, les organisations, les individus ? PO-ST restitue les travaux de réflexion sur ces questions des étudiants de Sciences-Po Bordeaux dans le cadre d’un partenariat avec l’agence STJOHN’S.

Je vous livre juste l’introduction et je vous invite à le consulter en ligne ou à télécharger la version pdf.

INTRODUCTION

«Right now there are more people on Facebook than there were on the planet two hundred years ago » annonce en introduction la nouvelle vidéo virale « Kony 2012 » réalisée par l’association Invisible Children. Si cette organisation est pour le moins controversée de par son action et ses méthodes, la campagne qu’elle a mise en œuvre a tout d’une réussite avec ses 73 millions de vue à la mi-mars soit une semaine après sa mise en ligne. Ce succès étonnant de par sa rapidité de propagation est à lui seul la preuve que l’ère du digital a bouleversé le savoir-faire des ONG et associations en terme de communication.

Entre 1985 et 1995 en France, 40 000 associations auraient été créées dans les domaines du cadre de vie, de l’environnement, de la nature et du patrimoine 1. Cette croissance fulgurante du milieu associatif pose avec acuité la question de la visibilité dans un espace public qui apparaît de plus en plus saturé par la diversité des causes défendues. Les mouvements associatifs et ONG réunissent des individus qui ont choisi d’agir ensemble pour l’intérêt général en marge des institutions. Archétypes du « tiers-secteur » 2, les associations ne sont ni des entreprises – bien que, nous le verrons, leurs pratiques de gestion tendent à les en rapprocher – ni des structures publiques.

Internet est devenu un atout incontournable pour toutes les associations ou ONG désireuses d’améliorer leur visibilité, faire connaître leurs projets, revendications et campagnes à un public élargi. La question du coût est incontournable notamment dans une période où les ONG, comme les institutions publiques font face à des difficultés financières. Ainsi, une campagne en ligne peut être réalisée avec peu de moyens, son succès tenant essentiellement à la créativité dont font preuve les auteurs. Internet s’est donc présenté dans un premier temps comme un prolongement des campagnes télévisées qui sont reprises et amplifiées à moindre coût. Patrick Cappelli estime qu’un « spot télé de 30 secondes avant le 20 Heures de TF1 le dimanche coûte environ 50 000 euros » comparativement « Le panier moyen pour une campagne sur quelques blogs influents est d’environ 10 000 euros » 3. Si l’importance de la toile pour les associations est avérée depuis les années 2000, il ne s’agissait au départ que d’un contenu statique où la seule interaction possible entre internaute et association se résumait à la possibilité de s’abonner à la newsletter ou d’échanger par mail.

C’est au milieu des années 2000 qu’arrive la révolution du Web 2.0. Nous ferons référence à Anthony Poncier pour une définition éclairante de ce que recouvre ce terme et les enjeux qui lui sont associés : « Centré sur l’utilisateur et le collectif, le web 2.0 a largement fait évoluer la communication sur internet, décuplant la quantité d’information produite » 4. Pour mieux saisir les contours de la définition du terme, il convient de citer une série d’exemples des formes que recouvrent concrètement le web 2.0. Tout d’abord, les incontournables réseaux sociaux (Twitter, Facebook, Myspace), les plateformes de partage de contenus (Scoop It, YouTube, Flick’r, DailyMotion) et enfin les blogs (Tumblr et WordPress).

L’utilisation du web 2.0 dans la gestion de l’image et la diffusion de contenus a pris racine dans le milieu de l’entreprise et s’est ensuite diffusée au milieu associatif. Si l’entreprise apparaissait fréquemment comme le symbole d’un monde éloigné idéologiquement des associations 5, celles-ci sont de plus en plus nombreuses à importer les techniques managériales des entreprises 6. Il est dès lors intéressant de souligner la possibilité que le web 2.0 offre pour les ONG et les associations de se rapprocher de publics élargis voire de les faire activement prendre part à leurs campagnes. En effet, le web 2.0 est avant tout participatif, les mouvements du tiers- secteur s’appuient sur la diffusion de contenus grâce aux internautes qui relaient les contenus et les enrichissent. La propagation s’effectue depuis des blogs dits influents ou des plateformes de partage pour « contaminer » le web 2.0 sans aucun coût additionnel. C’est ce qui s’appelle la « viralité » d’une campagne, autrement dit sa possibilité de se diffuser sur la toile, d’établir un nombre de vues record en un temps très court grâce à la propagation au travers des multiples outils de partage du web 2.0 – notamment YouTube et autres réseaux sociaux (Facebook, Twitter). Ceux-ci « contaminant les individus de proche en proche en suivant les liens du mail et de l’amitié en ligne » 7. Plus communément, on peut désigner ce phénomène par le fait de faire « le buzz » expression popularisée par de nombreux médias.

En effet, la sensibilisation du plus grand nombre passe par une campagne digitale fortement relayée par les internautes eux-mêmes. C’est ainsi que nait la guérilla digitale, autrement dit la mise en compétition des associations et ONG sur la toile. Le Web 2.0 est devenu une arène où ces acteurs rivalisent de stratégies de communication pour toucher de nouveaux publics, sensibiliser à leurs causes, et également collecter des fonds. Effectivement, les ONG et associations constituent un espace à part dans leur rapport à l’argent et à la gestion : par essence à but non lucratif, elles drainent pourtant des sommes parfois considérables, récoltées grâce à la confiance des donateurs. Viviane Tchernonog caractérise cet enjeu par des données économiques précises : le taux de croissance annuel moyen du nombre d’associations (4 %) est supérieur à celui de leur financement (2,5 %), d’où une concurrence accrue entre associations pour attirer les ressources 8.

L’encadré ci-dessous reflète le questionnement que nous soulèverons dans cette présentation. Il convient d’en finir avec l’idée que les réseaux sociaux ne sont qu’un phénomène d’adolescents. Comme le montre le graphique 9, le nombre d’utilisateurs de Facebook se répartit quasi-également sur les tranches 15-24, 25-34 et 35-44 et décline ensuite (idem pour Twitter). Ce qui montre tout l’intérêt pour les associations et ONG de se focaliser sur ce nouveau « vivier de donateurs, de bénévoles et d’ambassadeurs des causes caritatives ». Néanmoins, il convient de se demander si le phénomène des « fans » et autres « followers » décrit ci-dessous est un moyen d’établir concrètement une plus grande implication des internautes. Un simple clic peut-il se transformer en don d’argent ou de temps ?
encadre-memoire-bordeaux-sciences-politiques-analyse-utilisatin-web-ong-medias-sociaux

Dès lors, nous demanderons comment l’utilisation du web et plus particulièrement la dimension participative du web 2.0 est devenue une arme stratégique pour prolonger le champ de visibilité et d’action des ONG et associations, arme à manier avec précaution.

Nous défendrons ici la thèse que la communication des ONG par le web recouvre les mêmes objectifs que la communication traditionnelle, à savoir sensibiliser et inciter au don. Le web 2.0 et les différentes stratégies de « guerilla digitale » que nous développerons se présentent comme des prolongements à la nécessité de se faire connaître pour les ONG et association offerts par la révolution des NTIC. Néanmoins, les différentes techniques connaissent de sérieuses limites qui réduisent l’efficacité des campagnes.

1 Barthélémy M., Associations, Un nouvel âge de la participation ? Presse Sciences Po, Paris, 2000, 286 p

2 Désigne ni le secteur privé, ni le secteur étatique. Cela induit une vision de l’économie sociale comme un secteur répondant à une demande à laquelle ni l’Etat, ni le capitalisme, n’est capable de subvenir. http://www.économie-sociale.coop

3 http://www.strategies.fr/etudes-tendances/dossiers/r48267/r48271W/combien-ca-coute.html

4 Poncier Anthony, « La gestion de l’image de l’entreprise à l’ère du web 2.0 », Revue internationale d’intelligence économique, 2009, Vol 1, p. 81-91.

5 Brodier Axelle, « Gérer sa croissance : le cas des associations de solidarité et humanitaires depuis les années 1940 », Entreprises et Histoire, 2009, n°56, pp. 73-84

6 Mayaux, François, « Le marketing au service des associations : légitimité et spécificités », Entreprises et histoire, 2009, n°56, pp. 98-116

7 Beauvisage. T et Al « Le succès sur Internet repose-t-il sur la contagion ? Une analyse des recherches sur la viralité », Tracés. Revues de sciences humaines. N°21, 2011

8 Tchernonog Viviane, Le paysage associatif français, mesures et évolutions, Paris, France, Juris Associations- Dalloz, 2007

9 http://blogpro.43degres.com/qui-sont-les-utilisateurs-des-reseaux-sociaux

10 http://www.vanksen.fr/blog/comment-recolter-des-dons-avec-le-web-2-0/


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