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309ème semaine politique: est-ce la fin de la République à cause de Cahuzac ?

Publié le 06 avril 2013 par Juan
309ème semaine politique: est-ce la fin de la République à cause de Cahuzac ? Titre provocateur pour résumer une semaine excessive.
Sommes-nous en guerre ? Finalement oui.  On jugera plus tard l'importance de cette excitation.
Les aveux de fraude fiscale par un ancien ministre socialiste dénommé Cahuzac ont occulté tout le reste et font croire que la Vème République est en passe de se dissoudre sous nos yeux ébahis. L'hystérie parait sans limite.
Un lendemain de 1er avril, Jérôme Cahuzac publie sur son blog un court mot d'excuses et d'aveux, quelques instants après être sorti du bureau des juges Renaud van Ruymbecke et Roger Le Loir. Oui, ce qu'avait dit le site d'information Mediapart était vrai. Il a bien fraudé le fisc français, depuis 20 ans, en cachant 600.000 euros sur un compte suisse non déclaré.
Et là, la machine s'emballe.
On reproche à Hollande et à Valls de n'avoir pas espionné la vie privée de leur ancien collègue, on s'indigne de cette indépendance de la justice, on fustige qu'il ait fallait attendre le résultat d'une enquête judiciaire sur les preuves de Mediapart pour faire démissionner le ministre.
Le ridicule ne tue plus.

La droite UMPiste soudainement amnésique de la séquence chiraco-sarkozyenne passée se pose immédiatement en chantre de l'éthique politique. Voici les chauffards qui nous donnent des leçons de conduite... Fillon ironise sur la mort de la gauche morale. Copé réclame la démission du gouvernement. Gloasguen explique combien Hollande est disqualifié. Rosso-Debord accuse Mosco de complicité. Il fallait donc tout oublier: l'embauche de Mme Woerth par la première fraudeuse fiscale de France quand le mari de la première devint ministre du budget; les valises de billets du conseiller Thierry Gaubert, le contrat d'armement avec la Libye de Kadhafi, l'obstruction officielle de l'instruction Wildenstein, et, last but not least, la mise en examen de Nicolas Sarkozy lui-même en personne pour abus de faiblesse sur vieille dame pour financer sa campagne de 2007...
Vendredi, on apprend aussi que Charles Milhaud, ex-patron des Caisses d'Epargne et délégué aux relations économiques internationales du maire de Marseille Jean-Claude Gaudin, proche de l'ancien monarque Sarkozy est passé à la casserole de l'interrogatoire judiciaire, mi-février. L'affaire Takkiedine, l'ami de Copé et Hortefeux. L'enquête progresse.
On a aussi trouvé la trace de 40 millions de francs détournés de la ventes d'armes avec le Pakistan et l'Arabie saoudite par le gouvernement Balladur (1993-1995), pour alimenter les caisses noires du Parti Républicain. Un témoin relate que Renaud Donnedieu  de Vabre se trimballait avec des mallettes...
La fameuse gauche impeccable du Front de Gauche ne fut pas en reste. Mélenchon réclamait un grand coup de balai, une manifestation le 5 mai prochain pour la VIème République, et la tenue d'une Constituante. Son adjoint Delapierre moque la République exemplaire de l'équipée Hollande. Les deux accusent Pierre Moscovici d'être complice de son ancien ministre du Budget.
 L'odeur du sang attire toujours.
Marine Le Pen veut qu'on dissolve l'Assemblée. Son attaque se dissout quant on apprend qu'un de ses conseillers a ouvert le compte de Cahuzac en Suisse. On se souvient aussi d'autres révélations, démenties par Jean-Marie, sur des comptes familiaux également planqués en Suisse.
Le fric pue partout et même à l'extrême droite. Qui en doutait ?
Jeudi, quelques journaux européens publient d'étonnantes révélations sur quelques 2,5 millions de fichiers bancaires des îles Caïmans obtenus on-ne-sait-comment par une fondation d'investigation. Ces "offshore leaks" révèlent 130 noms de bénéficiaires français. Quelques mauvais éditocrates et opposants primaires plongent sur un nom, Jean-Jacques Augier, ancien trésorier adjoint de la campagne Hollande. L'homme réplique immédiatement: il est bien associé à deux comptes aux Caïmans, déclarés, via une entreprise commune avec un Chinois. Augier est l'arbre qui cache l'autre forêt: car le portrait du planqué aux Caïmans que ces fichiers permettent de dresser n'est pas celui d'un homme politique mais du notable de province qui cache son pécule loin du fisc français.
Au Parti socialiste, c'est le trouble et la rage. Jean-Marc Ayrault, déjà inaudible, s'étrangle en justifications à l'Assemblée. Il fait pitié, il est bon soldat. Il réclame à Cahuzac de renoncer à ses indemnités de licenciement - 6 mois. Ledit Cahuzac pense à redevenir député. Merci Sarko (et "Djack" Lang qui vota la réforme constitutionnelle). Les ministres récupèrent leur mandat comme un parachute doré. Celui-là, Cahuzac, risque de se faire défoncer dans les vestiaires. Même "les blogueurs de gouvernement" sont en colère, souligne France Télévisions. Harlem Désir réclame un référendum sur la moralisation de la vie politique. 
Comme par miracle, comme pour tout abandonner, comme pour vomir, une autre cascade de petites révélations et mesquines informations déboulèrent sur nos tablettes. Mediapart nous livre comme par soudaine coïncidence deux informations capitales: primo,  ledit ex-ministre avait reçu de jolies donations de labos pharmaceutiques quand il bossait au cabinet de Claude Evin alors ministre de la Santé. Secundo, le même quand il était médecin d'esthétique capillaire préférait les règlements en espèces.
Fabrice Arfi, l'enquêteur du site, s'inquiétait de cette soudaine hystérie collective contre Cahuzac.
L'affaire s'emballe et emballe parce qu'elle n'est qu'une goutte d'eau qui fait déborder un vase trop plein: la Crise a détruit le discours politique, l'ampleur des efforts a aiguisé l'exigence de solidarité. Qu'un riche, de surcroît ministre de l'impôt, s'exempte de la solidarité nationale mérite quelque chose d'aussi grave que la peine de mort au moins politique. N'y aurait-il donc que les imbéciles à payer l'impôt ? Tous les observateurs comprennent enfin que la conjonction des politiques austéritaires (ou de rigueur) avec la révélation de fraudes fiscales plus amples que les ridicules et indignes manoeuvres de Cahuzac produisent un effet explosif. Pire, certains réalisent aujourd'hui ce qu'on disait depuis longtemps, la lutte contre la fraude fiscale est notoirement insuffisante. Les maigres 600.000 euros planqués par Cahuzac (y-aura-t-il davantage ?) permettaient au moins de se rappeler des 600 milliards d'euros d'avoirs exilés de notre pays.
Cette affaire occulte tout, absolument tout: l'autre front, plus global, plus sombre, de nos perspectives économiques et sociales; l'adoption du mariage pour tous au Sénat, ou le vote, article par article, de l'ANI - ce fameux et détestable accord MEDEF/CFDT sur la "sécurisation de l'emploi".

Il y a 220 ans, un autre Comité de salut public était créé. Il fallait de la guillotine paraît-il.
Le 6 avril 2013, la France comptait beaucoup trop de Robespierre de salon.
Crédit illustration: Do-Zone Parody


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