Certaines régions françaises pourraient manquer d’eau d’ici 2030 : c’est en l’état ce qu’avance un rapport du Centre d’analyse stratégique. Trois bassins sont principalement concernés (Seine-Normandie, Adour-Garonne et Rhône-Méditerranée), tandis que le réchauffement climatique est partiellement mis en cause.
Le Centre d’analyse stratégique (CAS) est chargé depuis 2006 d’éclairer le gouvernement en place dans différents domaines économiques, sociaux, technologiques ou environnementaux, le but étant évidemment d’aider nos autorités à prendre des décisions adaptées dans des contextes connus.
Cette institution d’expertise vient justement de rendre un rapport sur l’évolution à l’horizon 2030 de l’équilibre existant entre nos besoins en eau et les ressources hydriques disponibles. Il y est stipulé que « l’eau reste une ressource globalement abondante sur le territoire et les prélèvements en eau ne devraient pas connaître d’augmentation notoire ».
Néanmoins, la France subit actuellement, comme le reste de la planète, un réchauffement climatique. « Depuis 1980, la hausse des températures estivales est de 2,3 °C en moyenne, avec une forte croissance de la variabilité, et l’évapotranspiration en plaine a augmenté de 20 % à 30 %. En revanche, on ne note pas d’évolution des précipitations moyennes annuelles, même si des tendances significatives (hausse ou baisse) apparaissent à l’échelle saisonnière. » Le réchauffement climatique pourrait en plus à l’avenir affecter substantiellement les débits moyens et les régimes saisonniers de certains cours d’eau dans différentes régions françaises. Comme le souligne le rapport, « le bilan à l’échelle nationale cache de fortes disparités locales ».
Ainsi, certains territoires pourraient manquer d’eau à l’horizon 2030. Les régions risquant de « subir des tensions » sont celles qui connaissent déjà des « déficits chroniques », principalement en été et à l’automne, lorsque les ressources sont exploitées à outrance pour irriguer les champs, arroser les jardins ou encore remplir les piscines. Trois bassins sont concernés : Seine-Normandie, Adour-Garonne et Rhône-Méditerranée. Le rapport souligne cependant que « la tendance des prélèvements pour les quatre usages (eau potable, industrie, énergie, irrigation) est plutôt à la baisse » depuis une dizaine d’années.
Les six grands bassins hydrographiques de la métropole. Le bilan hydrique national annuel est particulièrement bon, puisqu’il s’élève à 486 milliards de m3. © Centre d’analyse stratégique
Des ressources hydriques mal distribuées
Le rapport besoins/ressources présente déjà un fort déséquilibre en Île-de-France, tant les prélèvements d’eau destinés à la consommation sont conséquents. Les prélèvements agricoles réalisés dans la plaine de Beauce, le « grenier à blé de la France », posent également question, d’autant plus que le réchauffement climatique pourrait affecter le débit de la Seine.
Plusieurs facteurs permettent d’expliquer les résultats obtenus pour le bassin de l’Adour-Garonne, dans le Sud-Ouest. Les ressources hydriquessont notamment réparties de manière inégale. La majorité de la population vit en effet sur des plaines fluviales, là où le maïs (une plante particulièrement gourmande en eau) est également intensément cultivé. Or, c’est en montagne qu’il y a le plus d’eau disponible. La situation ne devrait pas s’arranger, puisqu’une forte croissance démographique (avec un million d’habitants supplémentaires) est attendue pour 2050, tandis que le débit de la Garonne en période d’étiage devrait baisser de 20 à 40 % d’ici là.
Le débit du Rhône en baisse d’ici quelques années
Le Rhône est le plus puissant fleuve français (en débit annuel moyen). Il a pendant longtemps été considéré comme une ressource hydrique inépuisable. En 2011, son étiage a cependant été très important, au point que certains experts ont émis des doutes sur sa capacité à refroidir les centrales nucléaires sur le long terme. « Sa capacité future à satisfaire tous les usages » pose donc question, d’autant plus que l’on observe actuellement « une multiplication des usages préleveurs sur le Rhône et ses affluents qui devrait continuer à la hausse, du fait notamment d’une forte croissance démographique, d’une potentielle mise en place de systèmes d’irrigation pour la vigne, jusque-là peu ou pas irriguée, et de nouveaux projets de desserte de territoires isolés ne disposant pas de ressources en eau régulées ». Conséquence directe, le débit annuel moyen du Rhône à l’embouchure pourrait baisser de 14 à 36 % d’ici 2050.
Cette situation serait d’autant plus préoccupante que « la quasi-totalité des projections disponibles indiquent sous la latitude métropolitaine une tendance à la baisse des précipitations moyennes, surtout l’été et l’automne ». Le CAS a cependant précisé qu’il y existait de « fortes incertitudes sur les baisses effectives à attendre ».
Face à ce constat, le rapport préconise d’« améliorer le conseil et l’accompagnement des agriculteurs afin de favoriser le développement de systèmes de cultures plus résistants à la sécheresse et qui s’appuient sur des techniques agricoles économes en eau ». Il invite aussi à « encourager plus avant les collectivités locales à réduire les fuites dans les réseaux et le gaspillage d’eau potable » et à « étudier dès à présent des solutions de sécurisation de l’approvisionnement en eau (barrages, réutilisation des eaux usées, etc.) pour certaines zones présentant des risques de pénurie d’eau ».
Source: Futura Sciences