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24 heures de Portet sur Garonne: on tourne en rond...

Publié le 08 avril 2013 par Sylvainbazin
Je m'en doutais un peu, cette expérience de 24 heures sur un circuit fermé m'a paru curieuse. Je me demandais un peu ce que je venais faire dans cette galère, même si la curiosité (j'ai souvent entendu parler de ce genre d'épreuve auxquelles se sont risqués pas mal de mes amis) m'a sans doute poussé à répondre à l'invitation de mon ami Jacky Gasteceau, monsieur Errea, pour vivre une nouvelle expérience sur ce 24 heures. C'était d'ailleurs l'une des rares disciplines de la course à pied où je ne m'étais pas encore risqué.
Dès mon arrivée sur place, la "reco" du parcours (c'est pour le coup plus simple qu'en trail..) m'a livré une étrange impression: comment ne pas s'ennuyer à cent sous de l'heure en tournant sur cette boucle sans attraits aucun pendant tout un tour d'horloge? Grave question à laquelle j'aurai donc du temps pour répondre entre samedi et dimanche. Le parcours, un kilomètre et quelques mètre, se développe en effet autour d'un complexe sportif. Quelques terrains de foot, un gymnase, des parkings. Une dizaine d'arbres, des campings cars, un mur de pelote basque, au loin quelques routes et supermarchés. Un décor idyllique. Je m'attends donc à un truc "juste dur", où il va falloir se concentrer uniquement sur son effort. Enfin, je verrai bien. Mais c'est vrai que pour moi, l'amoureux des grands espaces et de l'itinérance, un tel défi me parait presque antinomique avec mes aspirations et avec ce que j'aime; rien d'inspirant dans ce décor et en plus il va falloir y tourner en rond...
En attendant, je fais connaissance des organisateurs et de pas mal de coureurs venus eux aussi relever ce défi. La plupart sont des spécialistes, des accrocs de cet effort "circadien". Pour certains, c'est même devenu un mode de vie que de se retrouver, presque tous les week-ends, à tournicoter à leur rythme autour de boucles plus ou moins longues et souvent dessinées ainsi, dans des zones peu pittoresques de stades de banlieues. Moi qui suis sensible au paysage et à l'âme des lieux, j'ai un peu de mal à comprendre. Mais on peut ainsi collectionner des kilomètres.
L'ambiance du dîner est très conviviale, même si je peux sentir pas mal d'appréhension chez certains, ce qui est bien normal d'ailleurs quand on réfléchi à la tâche qui les attend. Je retrouve aussi quelques amis: Michel Arnaud, l'organisateur du trail des Citadelles, qui vient se risquer aussi à cette nouvelle expérience, ou encore mon vieux copain Rodolphe Jacottin, avec qui j'ai souvent couru sur les beaux chemins d'Ile de France, et pour qui ce 24 heures est également une nouveauté. Je croise aussi Franck, un habitué que j'ai rencontré naguère, sur un trail dans la neige du Pilat. Nous sommes nombreux d'ailleurs, 165 concurrents.
Une nuit encore trop courte plus tard (surtout passée dans le confort de ma jolie chambre d'hôte de la bastide de Balma! quel dommage de ne pas profiter plus longtemps de ce confort raffiné!) et Jacky vient me chercher pour retourner vers le Portet pour prendre le départ, donné à 10h.
Celui ci n'est d'ailleurs pas donné sur le parcours mais dans le centre-ville. Une jolie halle de marché où l'on nous donne les dernières consignes, et où je bavarde un peu avec Rémy Jégard, mon ami journaliste venu faire quelques photos au départ, puis un joli chemin sur les rives de la Garonne. Quel dommage que le reste de l'épreuve ne se déroule pas là!
Comme (je l'ai déjà écrit ici) je n'aime pas trottiner (je préfère courir ou marcher vite, entre les deux, j'ai du mal, c'est sans doute du au fait que j'ai une tendance naturelle à faire de longs pas ou de longues foulées) et que je n'ai de toutes façons pas vraiment d'objectif sportif sur l'épreuve (je sais aussi qu'un tel effort serait trop important entre mes dernières semaines tout de même très fatiguantes et la suite de mon programme), je pars en footing, donc assez vite par rapport au tempo raisonnable sur ce type d'épreuve.
Je suis accompagné un petit moment par un sympathique américain, JC, un ex légionnaire vivant à Montpellier. Il vise 180 kilomètres et a lui aussi décidé de partir vite. Nous entrons au bout d'un kilomètre sur le circuit et commençons donc notre circonvolution. Il y a du monde sur le circuit, je double et redouble une ribambelle de concurrents. Nous nous encourageons souvent. Pour l'instant, je cours gentiment à 13 km/h. Les tours s'enchaînent, assez vite. Comme il y a tout de même de l'ambiance, je ne m'ennuie pas trop.
Je me retrouve assez vite seul en tête. Je sais que ça ne durera pas, mais bon je ne me sens pas trop de courir moins vite, pour l'instant. Je passe en 3h22 au marathon, soit d'ailleurs à peu près le temps que j'étais capable de faire sur la distance en décembre dernier, du côté de Sfax. Sauf que bien sûr, je vais aujourd'hui continuer un peu plus loin. Je ralentis tout de même un peu. Mon idée est quand même de courir jusqu'au 100eme. Les tours s'enchaînent. Le décor est tout de même peu inspirant. Je n'arrive guère à rentrer dans le "voyage intérieur" que certains m'ont décrit sur ce type d'épreuve. La météo est au diapason du paysage. Il fait froid, notamment avec le vent qui souffle à chaque fois que nous passons devant les terrains de foot, un peu moins dans la grande ligne droite du parking, où certains concurrents on garés leur camping cars.
J'échange un peu au gré de ce tourniquet, avec les autres derviches du jour. La fatigue commence à envahir les corps, mais la plupart reste bien décidé à enchaîner les tours, comme d'autres enfilent les perles. A corps perdu. L'ambiance générale est tout à fait amicale, les encouragements, des coureurs comme des bénévoles (de ce point de vue l'épreuve est parfaitement organisée) sont toujours très gentils. Mais les discussions sont souvent courtes, comme des intermèdes dans la concentration de chacun. Je pense que sur un tel tour sans attrait, on est presque obligé de s'enfermer un peu en soi-même. Mais j'ai du mal. Mes pensées, contrairement à ce qui se passe parfois, souvent même, lorsque je vogue sur les chemins, ont du mal à s'envoler hors du stade.
J'observe aussi un peu les concurrents. La plupart semblent très concentrés. Appliqués. Bien sûr, les leaders continuent de courir, ou de trottiner. De petites foulées, qui se déliteront au fur et à mesure. Un homme d'un certain âge marche avec une jambe complètement raide, maintenue par une attèle. Daniel, qui remportera l'épreuve à la marche, a lui un bras en moins. Les miens me font un peu mal d'ailleurs, sans doute à cause des broches. Je marche un instant en sa compagnie. Il y a ainsi tout une petite foule de coureurs et de marcheurs. Nombreux sont ceux qui se réfugient aussi dans la musique. Une jeune fille marche ainsi, assez doucement, tout le temps apparemment, la tête basse comme une ado boudeuse, le visage enfoncé dans sa capuche. Dans son monde. Comme tout le monde ici.
Je commence moi aussi à marcher de plus en plus. D'abords à un bon rythme, entre 8 et 10 à l'heure. J'atteins ainsi les 100 kms au bout de 10h pour mon GPS et d'un peu plus pour le compteur de la course qui indique curieusement deux kilomètres de moins. (c'est le cas pour tous les GPS apparemment). Je m'enferme un peu, également, dans la musique. Enfin n'ayant pas prévu de playlist, je me contente d'une radio qui au moins me maintient, dans les oreilles, un certain rythme.
Mais la lassitude me gagne, mon rythme se délite. Je sais aussi que je ne me forcerai pas à continuer coûte que coûte toute la nuit, à lutter contre la fatigue. Trop de fatigue, trop de déplacement, de sommeil en retard et de décalage ces dernières semaines pour vraiment jouer à ça. Un exercice qui tout de même me laisse très perplexe et dans lequel je ne veux pas rentrer totalement. A minuit, après 122 kilomètres, je croise Jacky, l'air bien fatigué, sur son "stand". Il me dit vouloir aller se reposer un peu, dans la salle prévue à cet effet. Je suis à deux doigts de le faire également et cela finit de me décider.
Un peu plus tard, je m'allonge, au côté d'un bon nombre de participants, sur un large tatami. Il règne pas mal d'agitation, mais je parviens à somnoler. En retirant mes chaussures, je constate aussi que la légère douleur au tendon d'achille gauche, qui ne m'a jamais gêné jusqu'à présent contrairement au droit, que j'ai un peu ressenti après les courses dans la neige finlandaise, s'est bien amplifiée. Décidément dès que je recommence à courir un peu vite et un peu plus... Enfin je dois m'endormir tout de même puisque lorsque je décide à me lever à nouveau pour peut-être aller refaire un petit tour sur le circuit, il est 7h30 du matin.
Lorsque je me décide a m'extirper de ce repos presque confortable, je rencontre à nouveau Rodolphe, qui s apprête lui aussi à reprendre la piste après un peu de repos. Un semblant de petit déjeuner plus tard, et mes jambes consentent a se remettre en marche. J'accompagne un petit moment Jacky, qui a lui repris de façon opiniâtre sa marche en cercle, depuis deux heures du matin.
Voilà une drôle de promenade.  Je ne suis plus dans la course, je ne l'ai d ailleurs jamais vraiment été, mais je partage quelques pas avec les autres concurrents de cette folie. Jacky est au bout du rouleau et doit s arrêter. Il a atteint son objectif. Je continue quant a moi jusqu'à la fin du tour d horloge. Un petit tour avec Gérard, un autre avec Laurent, qui totalise plus de 200 kms et vise une sélection internationale ( il était la pour... s'24 heures de Portet sur Garonne: on tourne en rond...Avec Stéphane Pélissier.entraîner).
Enfin je termine cette curieuse farandole en compagnie de Nanette, une toute petite dame d un certain âge a l énergie impressionnante qui termine gaillardement ces 24 heures. Elle n a pas arrête de tourner, vaillamment. Comme je m aperçois, a notre dernier passage sur la ligne, quatre minutes avant la fin, que nous totalisons la même distance, je décide de l accompagner jusqu au coup de gong. Nous posons donc nos palets indiquant notre position finale au même endroit.
C est donc fini. Nous nous félicitons, ainsi que tous ceux que nous croisons, mutuellement. Le vainqueur, au bout du bout de l effort et d'une foulée de plus en plus dégingandée, totalise près de 250 kms. Ma promenade matinale a ajouté une quinzaine de kilomètres a mon total, qui s élève a 136 kms (138 au GPS).
Malgre cette ambiance chaleureuse, mon sentiment sur cette curieuse épreuve reste très mitigé. Je suis perplexe face a cette addition forcée de kilomètres pour des kilomètres. Un peu l impression douloureuse, d un exercice a la limite de l abrutissement et de l auto-destruction. Je ne pense pas recommencer, ou alors a la marche seulement. Et autour d un beau jardin ou d un décor plus bucolique. En attendant ce prochain sabbat, je vais retrouver avec grand plaisir les chemins, pour y vagabonder, les jambes ( j espere rétablies car mon tendon d Achille gauche est bien gonfle...) et l esprit en liberté. Mais bon, je ne regrette pas cette expérience inédite a tourner en rond, presque 24 heures durant...

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