Réalisée au Salon du Livre de Paris (mars 2013), voici l’interview de Zidrou (scénariste) et Oriol (dessinateur), pour « La Peau de l’Ours« .
Comment est né le projet ?
O. J’ai un ami qui est allé au Salon de Barcelone avec mon travail. Un éditeur s’y est intéressé et m’ a proposé de collaborer avec Zidrou.
Z. D’abord, il m’ a dépanné sur un album d’histoire complète chez Dupuis et puis quand j’ai écris un scénario pour lui. Je me suis adapté à ses qualités et ses défauts. J’ai travaillé « La Peau de l’Ours » dans ce registre là. J’ai choisi l’univers de la Mafia, parce que dans ses dessins il y en avait certains qui m’avaient interpelé. On y voyait un vieux monsieur en costume avec une vielle voiture (qui est devenu Don Pomodoro). A cela j’ai greffé la thématique du rapport au père et du jeune homme.
O. J’ai demandé à Zidrou une histoire des années 30 et il a fait une histoire de maintenant.
Z. J’essaie de m’adapter à ce qui plait au dessinateur, mais j’y apporte mon histoire.
Le point de départ, c’est son dessin ?
Z. C’est une illustration ! C’est souvent comme cela. Les dessinateurs m’envoient des dessins que je laisse punaisé dans mon bureau. A un moment donné, cela vient tout seul.
En terme de dessin, c’est très moderne, assez caricatural. Ce fut facile de faire accepter ?
Z. Très facile !
C’est ton dessin naturel ?
O. A ce moment-là, oui. Pour le deuxième album avec Zidrou, ça sera différent.
A quel point ?
O. La base est la même, mais l’aspect est différent.
Les femmes sont dessinées de façon plus réaliste.
Z. Parce qu’il aime bien les femmes et moi-aussi.
O. C’est intentionnel. Le décalage les rends plus belles, comme sur « Dick Tracy ».
Il y a une recherche d’expressivité ?
O. C’est Le plus important dans le dessin. C’est pourquoi je travaille cela avant tout.
En terme de cadrage, de découpage, par contre, c’est très classique : trois bandes, pas d’effet de caméra. C’est une demande de ta part (Zidrou) ?
Z. Non, pas du tout. C’est son travail. Mais c’est une question de narration. Quand tu fais un album de sentiments (il y a de l’amour, le rapport au père), tu dois te rapprocher des personnages.
C’est lui qui l’a senti comme ça. Sur cet album, les planches qui posent problème sont celles avec quatre bandes. Elles rendent moins bien que le « trois bandes ». Il y a des exceptions, mais c’est ce qui marche le mieux. C’est comme cela qu’on apprend.
Parfois, c’est extrêmement épuré. Il n’y a plus d’arrière fond, à part la couleur.
O. C’est pour la sensation. Sans fond, les sentiments sont plus intenses. Par exemple, sur une case avec un ciel, si tu dessine un nuage, tu perd quelque chose. C’est narratif.
Tu donnes ce genre d’indications (Zidrou) ?
Z. Moi, j’envoie un scénario et c’est à lui de composer. Si je pense que c’est un peu répétitif, je lui demande de changer. Il peut aussi me demander de changer des éléments dans mon scénario.
Il y a beaucoup d’effets de caméra (champ/contre-champ).
Z. C’est proche d’une technique télé.
Quelles sont tes inspirations ?
O. La BD, le cinéma…
Aucune référence précise ?
O. C’est un mélange.
De Crecy m’a inspiré pour l’utilisation des estampes.
Z. Ca n’a pas été le cas ici, mais des fois, je donne au dessinateur des exemples.
O. Il m’a dit : lisibilité, lisibilité !
Z. Les espagnols, souvent omettent les bulles. C’est impossible de voir l’équilibre d’une planche sans les bulles.
Tu vas jusqu’à la bulle ?
Z. C’est fondamental la bulle. Ca fait partie de la BD. Si tu as du mal a lire, ça ne va pas.
C’est un lettrage à la main ?
O. Oui, c’est un choix. A la main, il y a des différences. Ce n’est jamais la même chose.
Z. C’est une question de cohérence. Le meilleur exemple, c’est les « Stroumpfs ». Il y a un cohérence totale entre la perfection du lettrage et la rondeur des bulles. C’est pareil sur un « réaliste ». C’est comme au cinéma : Bruce Willis n’est pas le mielleux acteur du monde, mais ça fonctionne très bien car c’est très cohérent.
Tu n’encres pas tes planches ?
O. Crayons + Photoshop. Pour le storybard, la première passe, c’est Photoshop. j’utilise ma palette avec la couleur. J’imprime. Je dessine au crayon puis je « scanne ».
Pourquoi commencer par l’ordinateur ?
Z. C’est sa génération.
O. C’est plus facile pour la couleur. Avec l’ordinateur c’est plus rapide.
Z. Ils nous envoie de storyboard qu’il est le seul à comprendre. Mais quand on voie la planche finalisée, on retrouve dans ses taches de couleur les intentions du storyboard.
Tu arrives à les lire ?
Z. C’est son travail ! Moins j’interviens, mieux c’est.
En terme de couleurs, il y a des partis-pris très forts.
Z. ça c’est une consigne que j’avais donné. Dans le présent, un bleu très fort. Dans le passé, des teintes plus passées.
Les indications couleurs sont toujours importantes ?
Z. Non. Dans cet album, il y a 2 époques. C’était important que le lecteur ne se perde pas.
C’est une BD qui marque…
Z. ça passe ou ça casse ! Il faut qu’ils ouvrent pour découvrir l’album. C’est le rôle de la couverture. Oriol a fait un travail magnifique dessus.
Parlons-en de la couverture. Elle est forte, mais ne représente pas ce qu’il se passe dans le livre.
Z. Tout à fait d’accord. On voulait qu’ils ouvrent le livre ! Il fallait accrocher le lecteur qui venait acheter un « Lucky luke » à son gamin.
Tu as utilisé ta technique habituelle pour la couverture ?
O. Non. Crayonné + Photoshop + Acrylique.
Ainsi, il y a plus d’atmosphère. C’est plus immersif.
Un grand merci à Oriol et Zidrou pour leur gentillesse et leur patience, ainsi qu’à Clotilde et Hélène de Dargaud, pour avoir rendu possible cette belle rencontre.