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Quand la Grèce rappelle à L’Allemagne sa dette de guerre

Publié le 10 avril 2013 par Eldon

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Alors qu’en février 2010 déjà, le vice-Premier ministre grec  alors en exercice, Theodoros Pangalos, avait dénoncé  les critiques de Berlin vis-à -vis de la Grèce au sujet de de l’état des finances d’Athènes, en allant jusqu’à évoquer l’invasion de 1941 par l’Allemagne nazie et les dettes de Berlin envers la Grèce, le dossier ressort aujourd’hui. Athènes  ayant visiblement du mal à digérer la position allemande actuelle à son égard. Et ce, d’autant plus que Berlin pourrait mener un double jeu  …

En tout état de cause,  le site de l’hebdomadaire allemand “Der Spiegel” a relayé en ce début de semaine une information publiée sur le site d’un journal grec ce dimanche. Information selon laquelle le montant des sommes dues par Berlin à Athènes  à la suite  de la Seconde Guerre mondiale s‘élèverait à 162 milliards d’euros.  Lequel  se répartirait ainsi : 108 milliards d’euros pour les destructions causées par le conflit et 54 milliards pour des emprunts que la Grèce aurait été obligée de contracter sous la pression du Reich.

Des chiffres on ne peut plus sérieux, provenant d’un rapport d’un comité d’experts du ministère grec des finances … et qui   représentent – simple hasard ? – une part importante  de la dette colossale contractée actuellement par la Grèce.

En février 2010, Theodoros Pangalos indiquait pour sa part  qu’Athènes n’aurait jamais reçu d’indemnisation pour les pillages subis à l’époque de la Seconde guerre mondiale. « Ils ont pris les réserves d’or de la banque de Grèce, ils ont pris l’argent grec et ne l’ont jamais rendu. C’est un sujet qu’il faudra bien aborder un jour ou l’autre« avait-t-il même affirmé dans une interview à la radio britannique BBC World Service. « Je ne dis pas qu’ils doivent nécessairement rendre cet argent, mais ils pourraient au moins dire merci« , avait-t-il ajouté.

Rappelons qu’une enquête officielle a permis d’établir en 1997 que l’Allemagne nazie avait confisqué pour financer son effort de guerre, 580 millions de dollars en or aux banques centrales des pays occupés – soit près de 7 milliards de dollars du début du 21 ème siècle.

En tout état de cause, toujours en 2010,  le ministère allemand des Affaires étrangères avait  quant à lui  répliqué aux propos grecs, en déclarant que selon lui, l’Allemagne avait  payé à la Grèce entre 1945 et 1960 environ 115 millions de deutsche marks en indemnisations, sans compter les sommes versées à titre individuel aux travailleurs forcés. Mieux encore, le porte-parole du ministère, Andreas Peschk avait déclaré à la suite que l’Allemagne « aurait payé depuis 1960 environ 33 milliards de Deutsche Marks d’aides à la Grèce, à la fois de façon bilatérale et dans le cadre de l’Union européenne ». « Discuter du passé n’aidera absolument pas à résoudre les problèmes auxquels l’Europe est confrontée aujourd’hui » , avait-il tenu à ajouter.

Précisons tout de même que dans son ouvrage intitulé « Dans la Grèce d’Hitler » (1941-1944), Mark Mazower estime que la spécificité de la position de la Grèce durant la Seconde Guerre Mondiale réside, tout d’abord, «dans le pillage systématique de ses ressources« . « Organisé par l’Axe, il présentait le double avantage de subvenir aux besoins de l’Allemagne et de rendre l’Angleterre, qui menait le blocus de la Grèce, responsable d’une terrible famine » .

Rappelons que le conflit de 39-45 intervient alors que la Grèce a durement été touchée par la crise économique des années 1930. L’essentiel de ses exportations du pays (71,5%) provient alors de trois produits : le tabac (50% des exportations), les raisins secs et l’huile d’olive, d’où la fragilité du pays face à la crise mondiale des années 1930 qui touche particulièrement ces produits loin d’être de première nécessité. Depuis 1932, la Grèce s’est déclaré incapable de rembourser les intérêts de sa dette, détenue à 70% par la Grande-Bretagne.

Quoiqu’il en soit, l’occupation de la Grèce a eu des effets désastreux sur l’économie du pays, anéantissant sa capacité de production pour des années. Athènes doit, comme les autres pays occupés, fournir hommes, matériel et matières premières au Reich.

Pour mettre la main sur les richesses minières du pays, des contrats avec les entreprises allemandes ou italiennes sont imposés aux entreprises grecques. Des cadres de grands groupes industriels comme Krupp ou IG Farben se voient confier des postes de conseillers auprès de la direction des finances du haut commandement de la Wehrmacht.

Entre le 1er et le 10 mai 1940, la production entière des mines grecques de pyrite, de chrome, de nickel, de magnésite, de bauxite et d’or, passent dans les mains allemandes. L’Allemagne met également la main sur la production d’électricité, les chantiers navals, les usines de munitions. La compagnie pétrolière Shell est contrainte de vendre sa succursale grecque aux Allemands après avoir subi des menaces de sabotage et de confiscation.

Cette tactique d’expropriation et de pillage perturbe grandement l’équilibre économique de la Grèce, avec à la clé une montée brutale du chômage et la chute de la production industrielle, les usines étant pour la plupart dépourvues de matières premières, et leurs stocks étant expédiés hors de Grèce. La rareté des produits disponibles et l’augmentation de l’argent en circulation entraînent une inflation galopante et la destruction du système monétaire. Des évènements et un contexte qui pourraient être en partie à l’origine de la crise actuelle, selon certains analystes.

Autre élément notable : le déficit abyssal de la Grèce pourrait résulter en partie à d’importantes dépenses d’Athènes en vue de se fournir en armement … allemand. En 2010 encore,  la presse internationale et des hauts dirigeants turcs  laissaient ainsi entendre que  Berlin aurait attisé en silence les tensions entre Turquie et Grèce, histoire de pouvoir proposer ses « produits ».

Rappelons en effet qu’en avril 2010, le ministre turc des Affaires européennes, Egemen Bagis, avait  critiqué la France et l’Allemagne, en pointant du doigt leur démarche qui consisterait à vendre de coûteux armements à la Grèce … tout en poussant Athènes à une cure d’austérité afin de sortir de la crise financière. « La Grèce n’a pas besoin de nouveaux chars, missiles, sous-marins ou avions de chasse, pas plus que la Turquie », avait-t-il alors ajouté.

Les Forces armées turques recherchant parallèlement à acquérir les armements les plus modernesactuellement disponibles sur le marché, et ce sans contrôle ou presque de leurs autorités civiles. Les fournisseurs ? de préférence des allemands … une stratégie qui aurait poussé Athènes à en faire autant, un potentiel ennemi pouvant frapper à sa porte. Du moins, c’est ce qu’on aurait tenté de lui faire croire ….

Des responsables conservateurs allemands avaient alors  conseillé à la Grèce de vendre des îles inhabitées appartenant au domaine étatique, pour rééquilibrer son budget national. Des propos pouvant apparaître fort surprenants quand on sait qu’ils viennent de milieux proches d’entreprises qui tirent profit des tensions entre Grèce et Turquie.

En 2009, la Turquie a signé un contrat lui donnant le droit de licence pour six sous-marins allemands de la classe U214 d’une valeur de deux milliards d’euros. Au cours des cinq dernières années, la Grèce a elle aussi passé d’importantes commandes à l’Allemagne ainsi qu’à plusieurs autres pays. Malgré son budget hautement déficitaire, Athènes se classe même parmi les cinq premiers importateurs mondiaux d’armements.

Sources : AFP, Reuters, Le Monde, Deutsche Welle, Observatoire de la Vie Politique Turque, JDD, Wapedia, Mark Mazower « Dans la Grèce d’Hitler »

Source: Le Blog Finance

POUR ALLER PLUS LOIN

Une grande partie des Grecs considèrent que les Allemands n’ont jamais payé les sommes d’argent réclamées par Athènes à l’issue de la Seconde Guerre mondiale en réparation des crimes commis par les nazis.  Le «Conseil national pour le règlement des dettes de guerre de l’Allemagne à la Grèce» regroupant des activistes, vétérans de la Seconde Guerre mondiale et de militants, se bat depuis des décennies pour que justice soit faite. Selon Manolis Glezos, 91 ans, les Allemands doivent aujourd’hui 500 milliards d’euros aux Grecs. Un chiffre très au-delà des 300 milliards d’euros dont parlait le magazine Stern à l’automne dernier ou des 162 milliards d’euros évoqués précédemment (Manolis Glezos prend aussi  par exemple en compte les nombreux trésors archéologiques que les nazis ont dérobé à l’époque). La suite sur Slate.

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