Chacun sait les événements médiatiques qui ont troublé, ces derniers temps, la quiétude ordinaire qui sied si bien à l’homme de la campagne. Il y a d’abord eu la journée de la femme. Les journaux télévisés ont consacré de longues minutes aux divers entretiens, colloques et expositions célébrant la femme. Alexandre Vialatte affirmait qu’elle remonte à la plus haute antiquité. Selon les paléontologues, tout le laisse à penser. D’ailleurs, que serait l’homme sans la femme ? Un proverbe bantou dit qu’il vaut mieux à l’homme boiter de la jambe gauche que d’entendre sa veuve pleurer dans la clairière. Sans la femme, c’est lui qui serait veuf. Ou du moins qui vivrait comme un veuf. Ce qui ne vaut guère mieux. Mais depuis la journée de la femme et grâce aux reportages de la télévision, tout le monde sait cela. Elle est maintenant passée et quasiment oubliée. Elle a été remplacée dans le brouhaha politico-télévisuel par les aventures d’un spécialiste capillaire. On songe dès l’abord à quelque fabliau médiéval. Mais l’histoire est tout à fait contemporaine. Cagliostro prétendait transformer le plomb en or. Le héros de ces péripéties avait jeté son dévolu sur le cheveu qui est beaucoup moins lourd. L’homme moderne ayant accédé à la coquetterie au même titre que la femme, égalité oblige, il n’a de cesse que d’en avoir toujours une touffe sur la tête. D’aucuns se contenteraient d’une modeste houppette, que dis-je, d’une mèche, d’un plumet ou même d’un épi. L’important étant que le crâne, même vide, soit dissimulé. Les clients de notre roi de la crinière en exigeaient plus. Et même beaucoup plus. En contrepartie, ils lui concédaient beaucoup d’or. Vint le jour où sa cassette fut pleine à ras bord. Que faire ? La cacher sous son lit ? Au fond de son armoire, entre ses marinières et ses pantalons de golf ? Trop grand était le risque de voir surgir des malandrins, qu’ils soient fiscaux de par la loi ou coupe-jarrets par profession. Par ailleurs, on n’enterre plus son magot au fond de son jardin. Un camion fou peut toujours défoncer les murs de votre propriété, le train express Saint-Malo-le Puy en Velay dérailler malencontreusement dans vos parterres ou le vol New-York-Vladivostok dévisser précisément au-dessus de votre maison. Notre perruquier n’avait d’autre ressource que de confier ses deniers à un avocat ou à un banquier ou, plus périlleux encore, aux deux à la fois. C’était tomber de Charybde en Sylla mais dans son désarroi, il n’y songea même pas. Il s’exécuta. Las ! Il mit ce jour là le doigt dans un engrenage infernal. Il le conduira jusqu’au mensonge. Certes, on peut mentir à sa femme ou à sa maîtresse. On voit là l’utilité de n’être pas veuf. Lui mentit à ses amis. Et même à ceux qui ne l’étaient pas, mais il paraît qu’en la matière, ce n’est pas grave. Donc, il ment à ses amis. Eux, les yeux dans les yeux, le croient bien sûr. La découverte du pot aux roses déclenche une bourrasque digne d’une plaie biblique sur une Égypte triomphante. L’opprobre général s’abat sur lui. Il est même contraint d’abandonner un poste prestigieux où il se complaisait à couper les cheveux en quatre. On ne connaît pas encore la fin de l’histoire tant elle est contemporaine. Connaîtra-t-elle-même une chute ? Selon certains, de vastes développements devraient sortir des investigations en cours. Si elles l’avaient été en temps voulu, notre homme n’aurait peut-être pas sauvé sa cassette, (quoique…), mais peut-être aurait-il pu sauver son honneur public ? En effet, rongé par le remord et poussé par ses avocats, encore eux, le malheureux merlan en fut réduit à quémander le pardon de ses concitoyens. On voit par là combien le destin est impitoyable. D’autant qu’il paraît qu’il n’aurait tenu qu’à un cheveu que…