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Moralisation: Hollande, chiffonné mais implacable.

Publié le 11 avril 2013 par Juan
Moralisation: Hollande, chiffonné mais implacable.

"Croyez bien que j'ai été heurté, blessé, meurtri même"

"Je serai implacable"
Il a parlé, donc, huit jours après une précédente intervention sur l'exact même sujet, les ravages de l'affaire Cahuzac.  François Hollande, hier tétanisé, a annoncé les grandes lignes d'une prochaine nouvelle règlementation sur la moralisation de notre vie politique. Et là, ô surprise et fausse surprise, ce fut le bal des grincheux, des pisse-froids et des hypocrites. Ils n'écoutaient plus mais voulaient commenter beaucoup. 
Les annonces étaient larges, ce n'était pas un projet de loi bien ficelé mais il y avait encore des abrutis inconscients hypocrites pour fustiger le manque de détails. Avaient-ils seulement lus et entendus ce que le président avait déclamé ?
Non.
Voici donc le rappel des annonces.  Hollande promettait une révision générale des "règles qui régissent l’établissement, le contrôle et la publication des patrimoines des responsables publics."
Les voici.
1. Déclaration publique du patrimoine des membres du gouvernement, dès lundi 15 avril 2013.
Quel était donc le patrimoine de Laurent Wauquiez en mai 2007 quand il devint (trop jeune) ministre ?
2. Déclaration publique du patrimoine des parlementaires, avec une interdiction de cumuler un mandat parlementaire avec "l’exercice de certaines activités professionnelles pour prévenir tout conflit d’intérêts". Cette mesure engage beaucoup, interroge autant. Faut-il des élus... totalement fonctionnaires ? 
3. Création d'un parquet financier: "C'est à dire un procureur spécialisé avec une compétence nationale, qui pourra agir sur les affaires de corruption et de grande fraude fiscale."  Fallait-il rappeler qu'un autre président qui était encore en poste voici moins d'un an avait promis de ... supprimer les juges d'instructions ? Fallait-il rappeler que la finance et sa fraude sont devenus si sophistiquées qu'il faut des spécialistes ? Fallait-il rappeler, comme Hollande, qu'il faut de la " concentration des moyens et de l’efficacité des procédures" ?
4. Création d'une Haute Autorité: "Totalement indépendante, elle contrôlera les déclarations de patrimoine mais aussi les déclarations d’intérêts des membres du gouvernement, des parlementaires, des responsables des grands exécutifs locaux et des dirigeants de grandes administrations."
5. Création d'un office central de lutte contre la fraude et la corruption.
6. Durcissement des sanctions contre les élus convaincus de fraude(s): " si elles doivent intervenir, elles seront renforcées en matière de fraude fiscale. Pour les élus qui auraient à connaître cette condamnation, une inéligibilité temporaire voire définitive pourra être prononcée, dès lors que ses motifs auront été identifiés et reconnus par la justice." Il y eut donc quelques sceptiques, sans connaître le texte de loi, pour critiquer d'avance qu'une telle mesure ne serait pas constitutionnelle. Ne pouvait-on envisager une incompatibilité fonctionnelle - comme il en existe dans d'autres métiers ou fonctions de service public - où l'existence d'un casier judiciaire vous interdit le mandat ?
7. Sur les paradis fiscaux, François Hollande s'est placé en risque. Il y avait l'ancien Sarko qui se contentait de promettre de "supprimer" - comme un cow-boy - les paradis fiscaux du monde entier. Il n'en fut rien. Les experts de ces saloperies exotiques et/ou de nos administrations se contentèrent de changer les étiquettes. Il suffisait qu'un paradis affiche sa transparence à l'égard d'un autre paradis pour qu'il sorte de la fameuse liste noire. Quelle réussite ! Voici donc Hollande expliquer son plan, ses promesses, son engagement: "les banques françaises devront rendre publique, chaque année, la liste de toutes leurs filiales, partout dans le monde, et pays par pays. Elles devront indiquer la nature de leurs activités. En d’autres termes, il ne sera pas possible pour une banque de dissimuler les transactions effectuées dans un paradis fiscal. L’ensemble de ces informations seront publiques et à la disposition de tous. Je veux que cette obligation soit également appliquée au niveau de l’Union européenne et, demain, étendue aux grandes entreprises." Et d'ajouter: "La France établira chaque année une liste des paradis fiscaux. Elle l’établira en fonction, non seulement de signatures de conventions avec les pays, mais de la réalité, de l’effectivité des informations qui seront données. Je n’hésiterai pas à considérer comme un paradis fiscal, tout pays qui refuserait de coopérer pleinement avec la France."
8. Echange automatique des informations bancaires entre pays: "ce que je veux, c’est qu’il y ait un échange automatique d’informations sur les revenus et les patrimoines détenus par les Français à l’étranger ou par des étrangers en France. Cela doit être la règle en Europe pour que nous puissions mettre un terme au secret bancaire et à la dissimulation des avoirs." A ce stade, c'est un voeux pieu tant qu'un cadre n'est pas voté quelque part. Il y a des signes encourageants, Le Luxembourg, cet ineffable paradis limitrophe, a promis d'appliquer la mesure ... dans deux ans. Nous pouvons sans danger introduire l'échange automatique à partir du 1er  janvier 2015", a déclaré leur premier ministre Juncker devant le parlement luxembourgeois le 10 avril. "Nous pouvons introduire l'échange automatique d'informations parce que notre place financière est prête à le faire." L'aveu est normalement essentiel puisque le Luxembourg était - après Chypre qui sombre enfin - le dernier verrou à bloquer pareille transparence en Europe.

Répétons-le pour quelques commentateurs blasés ou dilettantes: nos banques françaises ne sont pas contraintes à pareille obligation aujourd'hui. Elles listent ce qu'elles veulent, le juste équilibre entre l'apparence de la transparence et la préservation d'un minimum de secret bancaire. Jamais Nicolas Sarkozy n'a-t-il proposé de faire agir la France seule sur ces sujets. Point.
Il y avait, malheureusement, évidemment, beaucoup de grincheux après ces annonces. Les défaitistes étaient évidemment coupables: Cela ne sert à rien, cela ne changera rien, nous expliquaient-ils, surtout à droite (Copé, Mariton et même Woerth). C'est de la com', complétait Jean-Michel Aphatie (sur Canal+). L'homme haussait tellement les épaules en commentant la chose qu'il nous devenait suspect.
Les mêmes n'avaient pas la conscience professionnelle pour rappeler ces déclarations de 2009 d'un dirigeant d'une grande banque française - "nous allons fermer nos filiales dans les paradis fiscaux." Nous sourions, ou pleurons.
Plusieurs organisations - et pas des moindres: Syndicat de la Magistrature, Anticor, Transparence International France, Sherpa et Survie - avaient publié un communiqué commun, la veille, pour réclamer davantage de transparence et de sanctions. 
"Il aura donc fallu qu’un ministre de la République, chargé entre autres de lutter contre la fraude fiscale, reconnaisse détenir un compte non déclaré à l’étranger depuis de nombreuses années pour que le pouvoir exécutif s’engage sur une réforme d’ampleur sur la « moralisation de la vie publique » et sur la lutte « contre la fraude fiscale et les paradis fiscaux »…

 Pouvait-on reconnaître que les annonces du jour allaient enfin dans le bon sens ?
Oui.
Hollande était blessé, nous aussi. Et pas seulement dans son camp. Partout.
"Heureusement que la justice est indépendante, qu'elle n'est pas retenue, depuis 10 mois. Heureusement que la presse n'est pas empêchée."

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