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En Amérique latine, le Chavisme n'éblouit plus

Publié le 11 avril 2013 par Copeau @Contrepoints

Des élections présidentielles auront lieu dimanche 14 avril au Venezuela. Si le successeur désigné par Chávez, M. Nicolás Maduro, ne peut pas les perdre, le modèle bolivarien s'épuise en Amérique latine.
Par Fabio Rafael Fiallo.

En Amérique latine, le Chavisme n'éblouit plus

Nicolás Maduro, successeur désigné de Chávez.

Pour avoir désarticulé l’économie vénézuélienne en dépit d’un prix du pétrole à ses plus hauts historiques, pour avoir fait recours à des méthodes autocratiques, dictatoriales, afin de se perpétuer au pouvoir, et pour s’être rallié diplomatiquement à des régimes criminels (Kadhafi, al-Assad, d’autres encore), le modèle « bolivarien », instauré par Hugo Chávez, a perdu le rayonnement qui était le sien lorsqu’il fit irruption sur la scène latino-américaine à la fin du siècle passé.

Signe flagrant d’une telle érosion : l’éloignement idéologique, par rapport au modèle chaviste, opéré par l’actuel président du Pérou, Ollanta Humala.

Avant la campagne électorale qui l’amena au pouvoir en juillet 2011, Humala aimait à se présenter comme le Chávez du Pérou. Or, à partir de cette campagne, il changea de discours, puis, une fois président, il mit en place une politique économique qui ressemble plutôt au modèle social-libéral instauré au Brésil par le tandem Lula-Roussef et au Chili par Michelle Bachelet.

Humala aurait pu agir comme Chávez, c’est-à-dire faire profession de foi démocratique le temps d’une campagne électorale dans le but de gagner les voix des modérés, pour ensuite sortir ses griffes et instaurer un régime autocratique axé sur la diabolisation de l’opposition et du capital privé.

Mais Humala eut la lucidité de regarder autour de lui. Il trouva d’un côté les déboires de l’économie vénézuélienne : baisse de la production agricole et manufacturière, pénuries d’articles de première nécessité, inflation galopante, délabrement de l’industrie pétrolière. De l’autre côté se dressait la solidité économique du Brésil et du Chili de même que l’enviable performance économique du Pérou du temps de son prédécesseur, le social-démocrate Alán García.

Chez Humala, le choix fut vite fait.

Le chavisme n’épate même plus le président du Nicaragua, Daniel Ortega, qui, certes, à l’instar de Chávez, continue à harceler l’opposition et a changé la constitution dans le but de se perpétuer au pouvoir. Or, ne disposant pas d’une manne pétrolière à dilapider, et tirant des leçons de la débâcle de l’économie vénézuélienne, Ortega prend des mesures ayant pour but de se réconcilier avec les investisseurs – ce qui amène l’hebdomadaire The Economist à publier un article intitulé « Ortega devient capitaliste : À la recherche d’alternatives au Venezuela » [1].

Le modèle bolivarien est également en perte de vitesse sur le plan diplomatique.

En effet, lors de la récente session de la Commission latino-américaine des droits de l’homme, les pays dits bolivariens (Venezuela, Nicaragua, Bolivie et Équateur) échouèrent dans leur tentative de restreindre la capacité de cette Commission à se procurer du financement extra-gouvernemental. Le but n’était autre que de rendre la Commission entièrement dépendante du financement des États pour ainsi miner l’autonomie de celle-ci.

Les pays bolivariens se trouvèrent également à contrecourant, vis-à-vis du reste de l’Amérique latine, en s’abstenant de signer le Traité sur le commerce des armes, adopté par l’Assemblée générale des Nations unies le 2 avril [2].

D’autre part, dans la dernière session du Conseil des droits de l’homme de l’ONU, le Venezuela eut le triste honneur d’avoir été le seul pays à voter contre le renouvellement du mandat de la commission chargée d’enquêter sur les atrocités perpétrées par le régime syrien. Le Venezuela se dissocia également d’une résolution, adoptée par consensus, créant une commission ayant pour tâche de se pencher sur les violations des droits de l’homme en Corée du Nord. Le Venezuela fut, de surcroît, l’un des deux pays à s’être opposé au prolongement du mandat de l’expert indépendant qui enquête sur les abus commis par le régime iranien [3].

Des élections présidentielles auront lieu dimanche 14 avril au Venezuela. Une chose est sûre : le successeur désigné par Chávez, M. Nicolás Maduro, ne peut pas les perdre. Et pour cause : l’appareil d’État, la hiérarchie militaire y compris, a mis tout son poids dans la balance pour assurer la victoire de Maduro. Les médias, largement contrôlés par le gouvernement, ont consacré un temps disproportionné à véhiculer la propagande chaviste. Le Conseil national électoral, chargé de proclamer le résultat des élections, est composé de représentants du pouvoir, qui ne sont donc pas neutres ou indépendants. Dernier mais non le moindre, des membres du parti au pouvoir ont la clé d’accès à 45.000 machines de vote [4].

La victoire du candidat du chavisme s’avérera toutefois une arme à double tranchant. Car gouverner le Venezuela dans l’état où Chávez l’a laissé est un cadeau empoisonné. Soit M. Maduro change radicalement d’orientation et cesse d’attaquer le secteur privé et les investissements étrangers afin d’introduire un minimum d’efficacité dans la gestion de l’économie, ce qui équivaudrait à renier l’héritage chaviste. Soit il persiste dans la voie de la diabolisation des entrepreneurs à la Chávez, enfonçant davantage encore l’économie vénézuélienne dans la paralysie.

À en juger par ses déclarations et ses prises de position au cours de la campagne électorale, Maduro semble déterminé à suivre la seconde voie, ce qui portera à terme le coup de grâce au prestige du modèle bolivarien.

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Notes :

  1. Voir à ce sujet « Ortega goes capitalist : Looking for alternatives to Venezuela », The Economist, 27-08-2011.
  2. Paulo A. Paranagua, « Le Traité sur le commerce des armes oppose la majorité de l’Amérique latine aux pays de l’ALBA », Le Monde, 05-04-2013.
  3. « Le Venezuela prend le rôle du gêneur au Conseil des Droits de l’Homme », Le Temps (Genève), 25-03-2013.
  4. « Venezuela: Oposición denuncia acceso ilegal del oficialismo a máquinas de votación », BBC en espagnol, 03-04-2013; « Capriles cambia de estrategia y pasa al ataque », El País, 08-04-2013.

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