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La démagogie de la « transparence »

Publié le 11 avril 2013 par Alex75

La démagogie de la

Face au scandale Cahuzac, plusieurs élus ont décidé de publier leur déclaration de patrimoine. Déjà, les critiques fusent à droite comme à gauche. Certains redoutent une inquisition, d’autres doutent de son efficacité pour prévenir la fraude fiscale. Mais pressé de prendre des initiatives fortes après le séisme, le chef de l’Etat pense pouvoir « remoraliser » la vie politique avec des textes bricolés à la hâte et en se lançant dans une lutte acharnée mais désespérée contre les paradis fiscaux.

Exiger de nos élus qu’ils rendent public leur patrimoine est une idée plus compliquée qu’il n’y parait. En amont, le problème n’est pas réellement d’être riche ou pauvre, mais que l’on puisse contrôler que l’exercice du mandat d’un élu ne permette son enrichissement personnel. Et la meilleure façon de vérifier cela, c’est d’avoir la mesure du patrimoine en entrée en fonction et à la sortie. Mais cela subodore en même temps, d’avoir des déclarations vérifiables, contrôlables et sanctionnables à l’entrée en fonction et cette surveillance serait sûrement difficile à mettre en œuvre. Enfin, il ne faudrait pas que cet étalage serve à discréditer les candidats possédant quelques biens. On se plaint à juste titre de voir notre scène politique envahie par les énarques et les fonctionnaires. Mais le risque sous-jacent serait également d’éliminer une bonne partie de ce que l’on appelle la « société civile », des candidats ayant pu se coltiner avec les réalités économiques, contrairement à certains apparatchiks enfermés dans leur « bulle confortable », dans un mécanisme de reproduction des élites républicaines. Hollande oublie aussi que nous avons déjà une abondante législation condamnant la corruption, la fraude et les détournements de fonds publics.

On peut remettre des poupées russes dans notre système - personne n’est contre la transparence -, mais si on dotait le fisc de réels moyens, tout irait déjà beaucoup mieux. Ainsi, les Français vont apprendre dans les prochains jours que leurs ministres ne possèdent qu’un petit trois pièces à Paris acheté à crédit, éventuellement une modeste masure à la campagne héritée de leurs parents, une vieille voiture cabossée achetée d’occasion, et un livret à la Caisse d’Epargne. Personne ne sera dupe. On ne demande d’ailleurs pas à nos ministres de faire pitié. On leur demande d’avoir le sens de l’Etat et de la chose publique, de ne plus nous faire honte et surtout de faire enfin leur métier en sortant la France de l’abîme dans lequel ils l’ont précipitée. Par ailleurs, il est très bien de vouloir lutter contre les paradis fiscaux. Totalement utopique, mais cela part d’un bon sentiment, peut-être de culpabilité. Certes, cette histoire du refus du consentement à l’impôt s’avère quelque chose de grave, pour le fonctionnement des institutions républicaines et pour la citoyenneté dans ce pays (surtout quand le ministre du budget donne l’exemple…).

C’est un élément essentiel de la citoyenneté, tel le stipule l’article 13 de la Déclaration des Droits de l’homme. Aujourd’hui, le coût démocratique de l’évasion fiscale en Europe est de 1 000 milliards d’euros, ce n’est donc pas l’affaire d’un seul homme, mais le fait de tout un écosystème. Mais on oublie cependant une chose : quand il y a un (ou des) paradis, c’est qu’il y a aussi un enfer. S’il ne fait aucun doute que par son climat tempéré et la beauté de ses paysages, la France fasse figure de paradis, sur le plan fiscal, elle n’en est pas moins « un enfer ». La France connaît une hausse constante de sa fiscalité, le gouvernement Fillon ayant déjà promulgué une hausse du taux d’imposition en 2012, auquelle est venue s’ajouter celle de ce début de quinquennat. D’ailleurs, l’histoire des paradis fiscaux est parallèle à celle de la fiscalité. Ainsi le diablotin siégeant à l’Elysée et qui vient de sortir de sa boîte à outils, veut supprimer les paradis fiscaux, mais tout le monde - et lui le premier -, sait qu’il n’y arrivera pas. Dans la lutte contre les paradis fiscaux, François Hollande se devait à la fois d’aller vite et de taper fort. Mais en allant très vite, on ne peut pas taper fort. L’abolition, il y a vingt-cinq ans du contrôle des changes a tout changé.

Les milliards se baladent aux quatre coins du monde, les paradis fiscaux pullulent, les malfaiteurs blanchissent à tour de bras, les corrupteurs corrompent sans compter. Avec la mondialisation financière, les élites de l’argent ont trouvé un terrain de jeu idéal, où plus aucune règle n’existe, aucune loi, aucune peur du douanier, aucune patrie. Du point de vue des paradis fiscaux, c’est toute une machinerie internationale, diplomatique au niveau de l’Union européenne, juridique au niveau des textes et des conventions fiscales, à laquelle il faut s’attaquer. Alors bien-sûr, la culture catholique et républicaine de la France se hérisse de voir les meilleurs d’entre nous, formés dans les plus brillantes écoles, jetaient leurs défroques de grand médecin ou de haut-fonctionnaire, pour plonger dans les marécages amoraux des paradis fiscaux. Le pauvre contribuable ne supporte plus de devoir payer plus d’impôts, parce que les plus riches ont trouvé le moyen idéal d’en payer moins. Et ces grands cyniques de Français redécouvrent alors la morale, lorsque la corruption menace leur pays.

Ainsi, les militants de gauche perdent leurs dernières illusions et ceux de droite commencent à se poser des questions sur le modèle libéral. Mais ce n’est pas seulement une crise de régime, mais surtout, en  l’occurrence, la crise d’un système. C’est à la fois moins dangereux immédiatement et plus grave, sur le long terme.

   J. D.


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