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310ème semaine politique: la classe politique française au pied au mur.

Publié le 13 avril 2013 par Juan
310ème semaine politique: la classe politique française au pied au mur.
Après "la déflagration Cahuzac", voici "Mosco dans la tourmente", la fin de la République, quelques liguards qui veulent forcer le Sénat un vendredi soir, et un choc de moralisation. La République saisie de vertiges et l'éditocratie affolée.

Le ministre du budget démissionné et coupable de fraude fiscale se cache, avouant, jeudi, devoir changer de domicile tous les deux jours pour éviter journalistes et paparazzi. Il hésiterait à reprendre son siège de député, un parachute parlementaire créé par ... Nicolas Sarkozy.
 Son ancien ministre de tutelle, Pierre Moscovici est accusé, pêle-mêle, d'avoir couvert le mensonge pendant deux, trois ou quatre longs mois suivant les versions accusatoires. Edwy Plenel, fondateur heureux de Mediapart, confie, sans preuves, que son "intuition" lui fait penser qu'il a pire. Un journaliste suisse évoque 10 ou 15 millions d'euros, et non 600.000, cachés en Suisse. Un magistrat suisse explique qu'il serait stupide que le ministre ait menti puisque son compte est désormais identifié. Un exilé français confie qu'il connaît une quarantaine de parlementaires français à disposer de comptes en Suisse. On apprenait que les services de renseignements auraient servi de source au site d'information parce que Cahuzac avait la main trop lourde contre le budget de l'armée. L'origine de cette rumeur... est suisse. Quel amusement ... Mosco se défend, explique qu'il a laissé l'administration fiscale faire son enquête. Même Manuel Valls, ministre de l'intérieur, est accusé de n'avoir diligenté une enquête parallèle et clandestine pour en en savoir plus sur son collègue.
Il faut à ses ministres et leurs conseillers expliquer et ré-expliquer la séquence; rappeler que le gouvernement a laissé le procureur mener son enquête préliminaire; que dès qu'ils furent au courant, le 5 décembre, des soupçons, il fallait encore attendre les résultats de l'expertise qui valida l'authenticité de l'enregistrement. Pour un peu, les mêmes - ou presque - qui fustigeaient les enquêtes des officines sarkozystes regretteraient qu'Hollande n'ait pas procédé de même.

A l'UMP, on entend des choses incroyables.
On marche sur la tête. Laurent Wauquiez, qui récoltait des fonds pour son propre micro-parti personnel auprès d'expatriés français à Londres quand il était ministre, réclame d'Hollande qu'il "fasse son mea culpa". Jean-François Copé, qui aimait nager dans la piscine de son ami Takkieddine, marchant d'armes bizarrement défiscalisés, s'indigne encore plus fortement mais refuse de dévoiler son patrimoine d'avocat d'affaires. François Fillon, ex-premier ministre silencieux devant l'embauche de l'épouse de son ministre Woerth par une milliardaire fraudeuse, dénonce la faillite morale du gouvernement. Et Claude Guéant, perfide, suggère combien son successeur Valls aurait pu et du espionner illégalement Cahuzac.
A gauche, on appelle à une manifestation le 5 mai, dimanche anniversaire de l'élection de Hollande. On veut une sixième République, un changement de régime, un vrai coup de balai. D'autres préfèrent un pacte anti-austérité. Harlem Désir dépasse les frontières du ridicule en réclamant un référendum sur la moralisation, idée heureusement abandonnée par le PS quelques jours plus tard. François Bayrou se prend à rêver d'être nommer premier ministre. Eva Joly est reçu à Matignon. La confusion, encore la confusion. 
Jérôme Cahuzac, triste symbole, a donné le vertige à un corps politique éparpillé.
Sur la moralisation de la vie politique, le scenario est tout aussi ridicule d'affolement et d'égarement. Avant qu'Hollande n'annonce quoique ce soit, ce qu'il fit mercredi à l'issue du Conseil des ministres, les hypothèses et réclamations les plus folles circulent sur tous les plateaux. Il faut raser les paradis fiscaux, démembrer les banques françaises jugées a priori complices, instaurer des tribunaux populaires pour juger de la probité du moindre élu, publier tous les patrimoines et revenus de tout le monde et partout, excommunier le moindre responsable de gauche dès lors qu'il commettait l'affront d'être trop riche.
Les mêmes canards, du Point à l'Express, du Figaro au Nouvel Obs, qui nous abreuvaient de multiples dossiers spéciaux sur "comment mieux vivre sa fortune" en la plaçant ailleurs et surtout cachée; ces mêmes journaux qui taisaient la résilience sarkozyenne à moraliser son écurie d'Augias et ses 40 affaires, ces mêmes journaux, donc, se montrent d'improbables procureurs de la dernière heure contre la fraude et l'évasion fiscales. Pourtant, comment différencier les deux ? La lutte contre la fraude fiscale devrait devenir une priorité.
Mercredi, c'est l'effroi. Personne, ou presque, n'évoque les maigres heures de débats sur l'ANI, cet Accord National Interprofessionnel devenu loi et voté, "dans un trou de souris", malgré une abstention massive et majoritaire (278 sur 554 votants). Cette prétendue sécurisation de l'emploi est complexe à comprendre, mais le MEDEF comme l'UMP cachent leur joie. Gérard Filoche, ancien inspecteur du travail membre du bureau national du PS, en expliquait très bien les travers: la mobilité dite volontaire et sécurisée, la modularité possible des contrats de travail individuels pour "maintenir l'emploi", la réforme de la procédure de licenciement collectif.
Mercredi, l'effroi ne vient pas de la dissidence de quelques ministres (Montebourg, Duflot, Hamon) contre le trop-plein de rigueur budgétaire. Hollande les recadre si gentiment en Conseil des ministres que l'on comprend que le premier ministre Ayrault a politiquement disparu.
Mercredi, l'effroi ne vient pas de la l'adoption du Mariage Pour tous. Il y avait bien encore quelques réacs pour aboyer dans les rues contre le mariage pour tous dont l'examen s'achevait au Sénat. Frigide Barjot promet du sang ("Hollande veut du sang, il en aura !") quand Hollande décide enfin que ce cirque n'a que trop durer. Du sang, nous en avons déjà eu. Le weekend précédent, deux couples d'homosexuels furent tabassés et défigurés à Paris. Un local fut saccagé par des militants du "printemps français". On attendait que Manuel Valls s'indigne et les traque avec plus d'énergie que celle déployée contre les Roms vagabonds.
Non, mercredi, l'effroi ne vient pas de cela mais de la réaction collective aux mesures pourtant espérées de François Hollande sur cet exact sujet de moralisation générale qui souciait donc le microcosme. Le président balance ses pavés dans la marre, et c'est un choc qu'on qualifiera de salutaire quand la loi définitive sera sur nos tablettes: publication du patrimoine des ministres dès lundi 15 avril; publication du patrimoine des parlementaires; interdiction de cumuler un mandat parlementaire avec "l’exercice de certaines activités professionnelles pour prévenir tout conflit d’intérêts"; création d'un parquet financier, d'une Haute Autorité et d'un office central de lutte contre la fraude et la corruption; durcissement des sanctions contre les élus condamnés; extension des publications de la liste des filiales à toutes les banques et aux grandes entreprises; échange automatique des informations bancaires entre pays. Dès le lendemain, le Luxembourg accepte, enfin, cette dernière mesure.

Ces annonces n'étaient pas une loi. Il faudra un texte précis, des débats au Parlement, des commentaires et des critiques.
Mais pour l'heure, l'affolement est quasiment immédiat. Sans attendre d'en savoir plus, ou faisant mine qu'Hollande dévoilait là un plan détaillé, la quasi-totalité de l'opposition, de droite comme de gauche, s'indigne ou se moque. De multiples éditocrates raillent que ces décisions seront insuffisantes ou qu'elles sont trop brutales, ou qu'elles sont trop floues. Ce scepticisme général est une honte.
On cherche les soutiens à cet effort de meilleure transparence.
La France allait pourtant enfin rentrer dans les moeurs européennes. 
Tout simplement.
Mais pour certains, c'était déjà trop.
"Il règne un climat typiquement années 1930, extrêmement violent."
Un parlementaire, cité dans le Monde du 12 avril 2013

Crédit illustration: DoZone Parody


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