La constitution d’un pays est l’acte par lequel il a été établi et constitué. C’est sa définition et l’assurance de la protection des droits de ses citoyens. Elle est ce que nous sommes. Elle doit être respectée par tous, citoyens et gouvernements. On la modifie difficilement au Canada, comme ailleurs, car le processus est long, détaillé, et les propositions sont préparées suite à de nombreuses consultations avec la population et les gouvernements des provinces, dont particulièrement le Québec qui représente une des deux nations fondatrices du pays.
Il en fut ainsi pour le rapatriement de la constitution canadienne, de Londres en 1982. Durant ce long débat, des disputes importantes¬¬¬ entre le Canada, le Québec et autres provinces s’élevèrent et furent soumises à la Cour Suprême du Canada pour décision. Or, un livre récent de Frédérick Bastien, intitulé « La bataille de Londres », révèle que le juge en chef de la Cour communiquait secrètement des informations à Michael Pittfield, le premier fonctionnaire canadien.
Suite à cette affirmation irrecevable, la Cour Suprême vient d’émettre un communiqué : « On rapporte que, selon M. Bastien, le juge en chef Bora Laskin aurait, il y a une trentaine d’années, révélé au gouvernement du Canada et à celui du Royaume-Uni des délibérations confidentielles de la Cour au sujet du renvoi sur le rapatriement de la Constitution. La Cour attache une très grande importance à son indépendance institutionnelle et à la confidentialité de ses délibérations, et elle examine présentement la teneur de ces allégations ».
Si cela est vrai, c’est très grave car la séparation entre la politique et la justice doit être totalement étanche. C’est capital. Nous devons savoir tout ce qui en est des supposés échanges Laskin-Pittfield. Je partage, sur ce sujet, l’opinion de l’ex-PM et ex-ministre fédéral Lucien Bouchard. Comme citoyens, il est primordial que nous ayons la plus grande confiance dans nos hautes autorités judiciaires.
Que le gouvernement du Québec fasse tout ce qui est nécessaire pour assurer que la constitution canadienne soit respectée et que le gouvernement fédéral gère le pays à l’intérieur des responsabilités qui sont les siennes, j’en suis. Depuis le succès immense obtenu par Duplessis en rapport avec la taxation en passant par Jean Lesage, Daniel Johnson et René Lévesque, nous avons vu le gouvernement canadien et ceux des provinces réussir à modifier la constitution afin de définir clairement les juridictions de chacun. Malheureusement, il reste le différent important de 1982 alors que le Québec n’a pas signé le rapatriement de la constitution même si elle s’applique à eux. C’est anormal et il est à espérer qu’un jour cette situation soit réglée.
Dans un état fédéral, il y a toujours une constante possibilité d’empiètement dans le jardin du voisin et c’est pourquoi j’appuie chaque fois le gouvernement du Québec, dont celui de Pauline Marois, lorsqu’il conteste une décision fédérale qui semble hors juridiction.
Il en est ainsi de la récente décision du gouvernement fédéral d’Harper en matière de formation de la main-d'œuvre et d'assurance-emploi. Plusieurs affirment que cela relève du Québec et qu’elle ne tient pas compte de la situation particulière du Québec dans ce domaine. Ils craignent qu’elle ait des effets néfastes qui affecteront sensiblement son développement économique.
Pour les définir, le gouvernement québécois vient de créer une Commission d’enquête qui va parcourir son territoire et tenir des « audiences publiques, consulter la population, des experts et les acteurs du marché du travail » pour lui faire des recommandations. Elle devra établir les « paramètres d’un régime d’assurance-emploi qui concorderait avec les besoins actuels et futurs du marché du travail québécois et proposer des modifications au régime fédéral d’assurance-emploi ». C’est donc une Commission qui a une tâche importante.
Selon Pauline Marois, cette décision s’inscrit dans le plan de « gouvernance souverainiste » que le Parti Québécois a promis de mettre en œuvre dès son accès au pouvoir pour favoriser la séparation éventuelle du Québec de l’ensemble canadien. Marois ne tient pas compte du fait qu’elle dirige un gouvernement minoritaire, que son parti n’a recueilli que 31,95% du suffrage populaire a l’élection et que les sondages actuels indiquent que 70% des Québécois et Québécoises s’opposent à la séparation. Il est scandaleux dans ces circonstances qu’elle utilise les fonds publics pour favoriser son option politique.
Lors du récent weekend, les différents mouvements et partis indépendantistes ont adopté ensemble une résolution qui remplace dorénavant le mot « souveraineté » par « indépendance ». C’est l’ex-PM Landry qui a affirmé « il faut utiliser les vrais mots pour dire ce que l’on pense vraiment ». Dans la même logique, on doit donc parler dorénavant de « gouvernance indépendantiste ».
Mais, en fait, ces groupes ne réclament pas l’indépendance du peuple français du Canada mais la séparation du Québec et c’est Bouchard, qui a mené de main-de-maître le comité du OUI lors du dernier référendum, qui l’a confirmé en reconnaissant « Oui, nous sommes des séparatistes ». Donc, les vrais mots pour qualifier le projet péquiste sont : la « gouvernance séparatiste ».
Là où le mât blesse davantage, c’est au niveau du choix des membres de la Commission. Ils se doivent d’être compétents et sans préjugés. Ils auront à écouter de multiples Québécois et syndicats de toutes opinions politiques et faire la part des choses dans leurs analyses et leurs recommandations. Or, le président choisi est l’ex-chef du Bloc Québécois à Ottawa, Jean Duceppe, qui se montre toujours révolté contre le fédéral, quelque soit le sujet. L’autre tête de la Commission est l’ex-ministre péquiste Rita Dionne-Marsolais. Quant aux deux autres commissaires, malgré qu’ils aient été de hauts fonctionnaires, leurs sympathies politiques sont bien connues. Avec des commissaires comme ça, nul ne pourra se porter garant que les opinions qui seront émises devant la Commission seront bien pesées, sous-pesées et non teintées.
À mon avis, on connait d’avance les conclusions de la Commission : ce sera contre le fédéral. Trop souvent des études de gouvernements péquistes ont conclu, quelque soit le sujet, dans le même sens: le Québec est en mauvaise position au Canada et avec la séparation il ne pourra que gagner. En fait, c’est de la propagande payée par le gouvernement qui n’a pas lieu d’être.
Pauline Marois fait une erreur importante avec sa « gouvernance séparatiste ». Elle dit vouloir répéter l’exercice pour plusieurs autres sujets. Non seulement, sa première Commission n’a pas de légitimité, les commissaires manquent de crédibilité puisque leur objectivité peut être mise en question.
Je suis favorable à la création de Commissions d’enquêtes sur des sujets d’importance capitale pour tous les Québécois, à la condition que le gouvernement choisisse des personnes qualifiées et neutres pour les diriger. Cela permettra aux Québécois d’être mieux renseignés et plus à même de juger des situations qui se présentent. Pour ce faire, la PM Marois devra oublier son concept de « gouvernance séparatiste », qui est injuste et antidémocratique.
Claude Dupras