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Cancer de l'enfant et environnement

Publié le 12 avril 2013 par Dominique Le Houézec
CANCER DE L'ENFANT ET ENVIRONNEMENT

Les  cancers chez l’enfant, ou tout au moins certaines formes de cancers, augmentent-ils de fréquence ?Certains médias grand public affirment que oui et citent des  facteurs environnementaux (dioxine, pesticides, radiations électro-magnétiques…)Les livres médicaux et l’enseignement en faculté sont par contre plus réservés.



CANCER DE L'ENFANT ET ENVIRONNEMENT

Incidence des cancers de l'enfant USA (3)


En m’appuyant principalement sur deux livres de bonne qualité -"Épidémiologie des cancers de l’enfant" de Dominique Sommelet (1) et "Cancers de l’enfant" de Chantal Kalifa (2)- je voudrais m’interroger :
-Pourquoi les facultés de médecine sont-elles si peu "agressives" en matière de cancérologie,  
-Pourquoi sont-elles si frileuses dans l’abord de ce problème,   
-Pourquoi ne se donnent-elles pas pour objectif de former des médecins compétents et motivés à lutter contre les maladies, mais aussi contre les facteurs qui conduisent à ces maladies ?
Quelques exemples :


1. Le mélanome et les ultra-violets.

On sait que l’exposition au soleil favorise les mélanomes. Ce risque lié aux rayons ultraviolets n’est pas abordé dans le livre de D. Sommelet avec la justification suivante : "Les expositions aux rayonnements ultraviolets, qui font partie des radiations non ionisantes, n’ont pas été abordées ici car aucun élément ne permet aujourd'hui de les mettre en cause dans le risque de cancer chez l'enfant (les mélanomes cutanés se  manifestent généralement à l'âge adulte)."Ceci ne me semble pas acceptable pour plusieurs raisons :
-Les  mélanomes chez l’enfant sont rares mais ils existent, du moins si l’on en  croit le livre de C. Kalifa (page 343) "Il (le mélanome) représente 3 % des cancers du sujet de moins de 20 ans."
-Si un enfant "fabrique" un cancer du fait d’expositions excessives au soleil et s’il ne développe un mélanome qu’à l’âge adulte, il est de la responsabilité de la pédiatrie et des pédiatres d’en tenir compte, de l’enseigner et de se sentir concernés par la prévention de ces cancers.
2. Le Distilbène et les adénocarcinomes à cellules claires du vagin. 
Si l’on s’intéresse à ces adénocarcinomes vaginaux liés à la prise de Distilbène chez la mère, on a du mal à trouver des informations dans l'ouvrage de C. Kalifa. En effet, il n’y a dans l’index ni la rubrique adénocarcinomes à cellules claires du vagin ni de mention du Distilbène ou du diéthylstilbestrol. 
On ne trouve dans ce livre que deux phrases concernant cette molécule -page 6- "Le diéthylstilbestrol administré pendant la période 1940-1977 à des millions de femmes enceintes en prévention théorique du risque de fausse couche, s’est révélé être un puissant cancérogène trans-placentaire responsable chez les filles exposées in utero, d'adénocarcinomes vaginaux à cellules claires à partir de la puberté jusqu’à 30 ans environ. Il ne semble pas que d'autres excès de cancers précoces aient été enregistrés, notamment chez le garçon. L'utilisation du diélhylstilbestrol chez la femme enceinte est interdite en France depuis 1977."
On lit un peu plus loin -page 241- : "En ce qui concerne les adénocarcinomes à cellules claires du vagin liés à la prise de diéthylstilboestrol (DES) par la mère au cours des trois premiers mois de la grossesse, le risque est devenu insignifiant puisque ce médicament n’est plus administré depuis plus de 20 ans »

CANCER DE L'ENFANT ET ENVIRONNEMENT
Dans le livre de D. Sommelet -page 347- il n'y a qu'une vingtaine de lignes et notamment celles-ci : "C'est l'exemple le plus ancien et le plus emblématique de cancérogecnèse prénatale. Le diéthylstilbestrol (DES : Distilbène®, Cycladiene, Stilboestrol®) a été prescrit en France entre 1948 et 1981 pour limiter les risques d'avortements attribués à un défaut de sécrétion de progestérone (posologie : 5 à 25 mg/jour entre la 6ème et la 35ème semaine), et ceci en dépit d'études cliniques préalables très controversées et de modèles animaux laissant présager ce qui fut observé en clinique humaine, notamment en cas de traitement entre la 6ème et la 17ème semaine."
L'appréciation exprimée ainsi "en dépit d'études cliniques préalables très controversées" est soit un extraordinaire euphémisme, soit une absolue contre-vérité. Il n’y a pas eu des études très controversées et s’il y en avait eu, il serait bon de les citer. En revanche, il y a eu, et cela dès le tout début de cette histoire (en 1953), une étude randomisée d’excellente qualité qui avait clairement établi l’inefficacité de ce traitement (4).


Par ailleurs, je ne comprends pas l’utilité de préciser la  posologie (posologie : 5 à 25 mg/jour entre la 6ème et la 35ème semaine) d’un traitement inefficace et dangereux. Les étudiants devraient savoir que ce traitement était inefficace et dangereux. Ils devraient avoir quelques idées des facteurs qui ont conduit à cette erreur grave, mais je ne vois pas l’utilité de donner des précisions sur la posologie d’un traitement totalement injustifié.

3. Radiations ionisantes et cancer de la 

thyroïde


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Incidence du cancer de la thyroïde au Bélarus (6)

Après l’accident de Tchernobyl (1986), il y a eu une augmentation considérable des cancers de la thyroïde. Le taux de cancer  thyroïdien est 20 fois plus élevé au Bélarus que dans le  reste de  l’Europe comme l'écrit D. Sommelet - page 66 -
Mais y a-t-il eu une augmentation en France ? Un média grand public répond  positivement (5) : "En Corse, après Tchernobyl, on a assisté à une nette augmentation de la fréquence des cancers thyroïdiens..."
Mais le livre de C. Kalifa n’aborde pas cette question. Il parle de Tchernobyl -page 328- mais de  façon imprécise et il ne parle pas du tout de l’augmentation ou de la non augmentation des cas de cancers de la thyroïde en France en relation avec cet accident. Ce livre comporte même -page 328- cette phrase étonnante : "L’incidence annuelle du cancer de la thyroïde est 0,5 à 1 cas par million d’enfants et varie peu dans différents pays."
"Varie peu dans différents pays." Cela signifie-t-il que l'incidence varie peu entre France et Bélarus ? Cela signifie-t-il que cela a peu varié au Bélarus avant et après Tchernobyl ? Dans  les deux cas ce serait inexact.
4. Perturbateurs endocriniens et cancers du testicule

On peut lire sur le site Wikipedia (7) : "L’incidence du cancer du testicule augmente depuis plusieurs décennies dans un certain nombre de pays européens. Il y aurait une corrélation entre la présence de perturbateurs endocriniens et les malformations de l'appareil reproducteur, par exemple entre la présence de pesticides et la cryptorchidie ou entre des composés de type bisphénol A ou dioxines et l’hypospadias."
Le mot perturbateur endocrinien ne figure pas dans l’index du livre de C. Kalifa. Et pour le mot pesticide, on est renvoyé -page 187- page où les pesticides sont évoqués à propos du rôle de l’environnement dans la prédisposition au néphroblastome.  "De très rares études cas-témoins ont suggéré le rôle d’une exposition parentale aux pesticides, à certains anesthésiques ou analgésiques et à l’irradiation prénatale. Mais aucune de ces hypothèses n’a été confirmée jusqu’à maintenant.
A noter que "De très rares études cas-témoins" sont évoquées sans aucune  référence. Le lecteur étant placé dans la situation de consommateur. L’auteur pense, s’exprime et le lecteur accepte tout ce qui lui est dit.
Si les auteurs avaient donné les références de ces études, le lecteur aurait pu constater que ces études sont pauvres, que le recueil de données ne s'est amélioré que depuis peu mais qu’il reste très imparfait et que les chercheurs ont très peu de  moyens pour faire des recherches épidémiologiques de qualité.
CANCER DE L'ENFANT ET ENVIRONNEMENT


Dans L’Espresso du 11 décembre 2008, Emiliano Fittipaldi écrit sous le titre "SOS bambini" (SOS enfants) ceci : "Les cancers de l’enfant augmentent de 2 % chaque année en Italie. Avec des pics effrayants à proximité des aires industrielles ou polluées. Du fait du smog et des pesticides. Et de la contamination de la chaîne alimentaire."
En italien, pics effrayants se dit "picchi spaventosi". En quelle langue faut-il parler pour que les facultés de médecine comprennent qu’il y a là un problème sérieux et qu’il serait important de l’aborder sérieusement ?


Jean-Pierre LELLOUCHE
(1) "Epidémiologie des cancers de l’enfant." Dominique Sommelet, Jacqueline Clavel,  Brigitte Lacour. Springer 2009
(2)"Cancers de l’enfant." Chantal Kalifa, Odile Oberlin, François Pein, Olivier Hartmann, Jean Lemerle. Medecine Sciences Flammarion 2008
(3) National Cancer Institute. Surveillance Epidemiology and End Results (1975-2009)
(4) Dieckmann WJ, Davis ME, Rynkiewicz LM, Pottinger RE. "Does the administration of diethylstilbestrol during pregnancy have therapeutic value?". Am. J. Obstet. Gynecol. 1953, 66 (5): 1062–81(5) Michel Philips "Au sujet des nodules thyroïdiens chez les enfants de Fukushima" Médiapart. 27 août 2012
(6) Youri Bandajevsky "Situation écologique, problème démographique et santé des populations au Bélarus et dans les pays voisins"(7) Perturbateur endocrinien. Wikipedia

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