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Hépatite a, vacciner ou pas ?

Publié le 05 janvier 2013 par Dominique Le Houézec

HÉPATITE A, VACCINER OU PAS ?La vaccination contre l’hépatite A est fréquemment recommandée à l’occasion de voyages. Que  faut il en penser ?


L’hépatite A est une  maladie qui a beaucoup de points communs avec la  poliomyélite. Bien sûr, elle n’atteint pas le système nerveux et n’est pas  grave, mais elle pose du point de vue épidémiologique des problèmes analogues.

Il est essentiel pour ces deux maladies de distinguer nettement entre l’infection et la maladie. Il y a une hépatite-infection et une hépatite-maladie, comme il y a une poliomyélite-infection et une poliomyélite-maladie.
Lorsque dans un pays, il n’y a pas de circulation de virus il n’y a pas d’infection et il n’y a pas de maladie. Lorsque à l’inverse, il y a beaucoup de virus qui circulent, l’infection est la règle et cela très tôt au  cours de la  vie. Les nourrissons et les jeunes enfants sont infectés très tôt à un âge où ils ne font pas de maladie apparente. L’infection à un âge où ils sont encore protégés par les anticorps maternels n’est pas suivie de maladie  mais elle entraîne une immunisation durable.

Il y a donc deux situations au cours desquelles la maladie est rare : celle  où il n’y a pas de virus et celle où il y a énormément de  virus en circulation. La situation la pire étant la situation intermédiaire.


HÉPATITE A, VACCINER OU PAS ?Le risque de faire  la  maladie dessine une courbe en cloche.On comprend que dans certains  pays l’amélioration des conditions d’hygiène peut aggraver la situation.
Et l’histoire de la poliomyélite  illustre parfaitement ce paradoxe : Ce sont les pays les plus  développés (pays scandinaves, USA) qui ont vu exploser les cas de  poliomyélite paralytique dans  les années 1920- 1940


L’hépatite A est-elle une maladie grave ?

Dans la très grande majorité des cas l’hépatite A est une maladie bénigne. Elle est très souvent inapparente chez les jeunes enfants ou n’entraîne que des troubles modérés et peu durables : un vomissement, un manque d’appétit pendant un ou deux jours, une sieste plus longue 1 ou 2 jours (expérience personnelle lors d’une épidémie à la  maternité de Bénouville).

HÉPATITE A, VACCINER OU PAS ?
Chez  l’adulte, elle reste pour  l’essentiel une affection bénigne dans plus de 80% des cas, mais il existe des formes où les manifestations sont gênantes et prolongées avec une fatigue pendant un mois notamment. Il existe aussi des formes graves. Ces formes sont rares et surviennent surtout lorsque le foie est préalablement lésé, mais on peut voir de façon très rare des formes graves chez un sujet antérieurement sain.

Faut-il vacciner tout le monde ?

Le Pilly 2012, maladies infectieuses et tropicales, répond "Une vaccination préventive généralisée paraît disproportionnée". Mais il ne dit pas  pourquoi cela paraît disproportionné. Ensuite, il énumère de nombreux  cas où une vaccination ciblée est proposée.

Cette attitude revient à dire que certaines personnes doivent être  vaccinées, mais les auteurs ne disent pas quelle proportion (approximative) de la population devrait être vaccinée et ils ne se  demandent pas non plus si cette vaccination d’une partie de la population  aura ou non des répercussions sur la partie non vaccinée de celle-ci.
Un livre destiné aux étudiants en médecine qui ne se  préoccupe que de l’aspect individuel, c’est regrettable mais c’est habituel. La médecine a  longtemps été envisagée comme la  réparation de l’individu malade ou même comme  réparation d’un organe malade. Les notions de  prévention, d’épidémiologie, d’évaluation et de santé publique lui ont longtemps été largement étrangères.

Mais l’absence d’intérêt pour  la santé publique est plus choquant quand il se manifeste dans un livre tel que le Guide des vaccinations 2012. Ce guide ne propose pas non plus la vaccination de tous,  mais il ne dit pas pourquoi et surtout il l’énonce d’une façon assez étrange. "La vaccination n’est pas obligatoire, mais peut être recommandée pour protéger l’individu à risque, c’est-à-dire toute personne non immune exposée, lors de ses activités professionnelles, à l’occasion de voyages ou séjours dans des pays d’endémie ou du fait de la survenue d’un cas dans son entourage". Ensuite, il donne quelques précisions qui ne modifient en rien le message.


HÉPATITE A, VACCINER OU PAS ?
Cette formulation est étrange parce que la vaccination n’est pas  obligatoire, c’est une  évidence qui ne mérite pas d’être rappelée, sauf pour ceux qui confondent ce qui est  souhaitable, ce qui est indiqué et ce qui est obligatoire.

Plus concrètement dire ce n’est pas  obligatoire permet de ne pas  affronter  sérieusement  la question qui est : est ce souhaitable, et si oui dans quels cas ?
Mais c’est la suite du texte qui témoigne de l’irresponsabilité en matière de santé publique des  responsables de ce texte (qui sont en même temps, il faut le rappeler  pour le déplorer, ceux qui sont en charge de conduire la politique  sanitaire de notre beau pays). 
Ils écrivent "Le risque de contracter une forme grave d’hépatite A doit aussi être pris en considération. La sévérité de la maladie s’accentue avec l’âge. Il existe aussi des formes graves chez l’enfant : 25 % des hépatites aiguës graves de l’enfant sont dues au VHA".
Je ne sais pas d’où vient ce 25 % et les auteurs ne le disent pas. Mais admettons qu’un quart des hépatites graves soient dues au virus de l’hépatite A, cela serait un argument plus fort pour la vaccination si le  nombre total des hépatites graves était élevé. Mais là encore, ce texte ne  nous le dit pas. On ne sait donc pas combien il y a d’hépatites graves, on ne sait pas non plus combien il y a d’hépatites A graves, mais on sait, ou du moins on est prié de croire,  qu’elles représentent 25 % du  total des cas.
Si j’y insiste, c’est parce que ceci est fondamental. Il est très important de savoir s’il y a des cas graves et combien. Ce qu’écrivent les rédacteurs du Guide des vaccinations me semble sur ce point irresponsable.
Dans un avis du HCSP ou Haut Conseil de la santé publique (qu'ils citent eux-mêmes), il est écrit, ce qui est nettement plus  prudent et plus juste : "L’hépatite A est habituellement bénigne, mais peut cependant être à l’origine de formes graves (exceptionnellement mortelles, frappant alors surtout les patients affectés par une pathologie hépatique chronique). Les formes symptomatiques, d’évolution prolongée, et les formes graves sont plus fréquentes chez l’adulte". 

L'OMS apporte à ce sujet également des données plus proches de la réalité de terrain : "Les enfants de moins de six ans ne présentent en général aucun symptôme visible et seuls 10% d’entre eux développent un ictère. Parmi les enfants plus âgés et les adultes, l’infection provoque en général des symptômes plus graves, un ictère survenant dans plus de 70% des cas".
Dans une expertise collective de 1997 sur les hépatites virales (1), l'INSERM fournit des données épidémiologiques plus précises sur ce risque de mortalité : "Elle dépend de l'âge du malade et, peut-être, de l'état antérieur du foie (infection par le VHB ou autre infection chronique). L'étude de Hadler (2) a permis de constater que la mortalité, qui est de de 0,004% chez les enfants de 5 à 15 ans, atteint 2% environ chez les adultes de plus de 45 ans. Ce fait a également été observé en Grande-Bretagne (3)".

Je  crois  pour  ma  part (mais ce serait à des experts confirmés et à des sociétés savantes de pédiatrie et de pathologie infectieuse de donner  leur avis) que les hépatites A graves chez l’enfant sont absolument  exceptionnelles. Je crois que les  évoquer dans le cadre d’une réflexion sur les indications de la vaccination, c’est faire preuve de beaucoup de  légèreté. Je crois que d'y associer un pourcentage (25%) dont on ne sait d’où il vient, c’est pousser le bouchon une peu loin (pour employer une  expression triviale mais qui dans ce contexte est bien adaptée).
Jean-Pierre LELLOUCHE
(1) Hépatites virales. Dépistage, prévention, traitement. Expertise collective. Editions INSERM 1997
(2) HADLER SC. Global impact of hepatitis A virus infection changing paterns. In : Viral hepatitis and liver disease. Hollinger FB, Lemon SM, Margolis HS. Eds. Baltimore : Williams and Wilkins 1991, 76-81
(3) FORBES A, WILLIAMS R. Changing epidemiology and clinical aspects of hepatitis A. Br Med Bull 1990, 46 : 303-318

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