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Grand Saint – Pierre : Entretien avec Hervé Beuze

Publié le 15 avril 2013 par Aicasc @aica_sc
Dans l'atelier du Morne Rouge

Dans l’atelier du Morne Rouge

Après Anabell Guerrero et Claude Cauquil, Hervé Beuze est le troisième artiste à présenter son projet de totems pour la ville de Saint -Pierre.

Peux- tu présenter ton projet de totems à la fois sur le plan conceptuel et technique ?

Hervé Beuze

Dans l'atelier du Morne Rouge

Dans l’atelier du Morne Rouge

Je présente ce projet  Saint Pierre, Terre de jouissance, Terre de souffrance  en collaboration avec le designer Patrick Arneton.

Trois de nos propositions ont été retenues : Lizin kann’,  Digenèses,  Téllurik . Ce sont trois totems qui synthétisent trois moments clefs de l’histoire de cette ville de Saint-Pierre et au-delà l’histoire de la Martinique.

  Lizin kann’  qui signifie en français l’usine de canne à sucre est une colonne de quatre mètres  de haut. Elle se compose de deux parties distinctes. D’abord à un mètre du sol une imbrication de rouages et de formes géométriques peinte en noir qui représente la machinerie de l’usine. La partie haute a une forme conique allongée et rappelle celle du pain de sucre, le conditionnement du sucre datant XVII et XVIII siècle. Sa surface est gravée d’entailles curvilignes ascendantes et peinte par endroit de noir, de jaune, d’orange et de rouge. Ce sont les couleurs de base d’un champ de canne en feu. C’est donc une pièce qui symbolise cette industrie cannière et par extension l’aventure européenne de transformation de l’espace des Amériques.

 Digenèses  est un concept tiré de l’œuvre philosophique d’Edouard Glissant. Il met l’accent sur les origines diverses de notre corps collectif. Je l’utilise à dessein pour signifier le fabuleux mélange des types humains d’origine diverses qui composait la ville de Saint-Pierre.

Cette sculpture cylindrique revêtue de  tissus corps ligaturés, amarrés, imbriqués rappelle les madras d’ antan ceinturant les robes traditionnelles de l’époque fastueuse de Saint Pierre.

Chaque parcelle de tissu corps  a une couleur de peau différente. L’ensemble évoquant un mouvement d’agglomération et d’explosion à venir.

Téllurik  est un titre franco-créole qui présente l’éruption de la montagne pelée. Le tronc vertical évoque l’aiguille de lave qui a précédé l’éruption. La surface totale sera peinte en noire et les sillons de cinq centimètres de profondeur seront rouges. Des bombes volcaniques de vingt centimètres de diamètre viendront se positionner de part et d’autre. Ils seront supportés par des tubes métalliques de cinq centimètres  de diamètre et de moins d’un mètre de long.

De l’esquisse à la réalisation, quelles surprises, quelles découvertes ?

HB  

La première surprise a été pour moi le fait d’avoir pu réaliser les

Maquette

Maquette

maquettes en argile d’un seul coup sans esquisse préalable. Ceci est dû, selon moi à la petite expérience que j’ai accumulé dans la réalisation de volume sur la thématique de l’histoire antillaise. Ensuite la découverte du matériau bois à grande échelle m’a complètement subjugué. Ce matériel possède un gros potentiel expressif qui va de l’aspect brut et massif à la douceur chaleureuse d’une peau humaine.

J’ai également découvert de nouveaux usages d’outils électriques comme la tronçonneuse, la meuleuse, le rabot, la ponceuse, et du gain en productivité par rapport aux outils conventionnels comme le marteau et les ciseaux à bois.

 Qu’apporte cette nouvelle expérience par rapport à tes réalisations antérieures dans l’espace public ?

HB

Cette expérience m’apporte des connaissances techniques sur ce matériau bois et sa pérennité en extérieur. Je retiens également des solutions logistiques intéressantes qui facilitent le travail et qui indiquent que toutes réalisations d’envergure nécessitent de mettre les moyens appropriés. Il me donne l’occasion par ailleurs de retrouver le vocabulaire de forme de mes premières créations de grande taille : la verticalité, l’opposition formes géométriques contre formes organiques. J’ai découvert également la conception et la réalisation collective. Faire de la création en binôme est une forme de partage de savoir et de savoir-faire qui aboutit à un dialogue fécond. Dans mes réalisations antérieures j’étais seul confronté aux espaces à modifiés.

 

L’expérience du travail en commun dans cet immense atelier a-t- il modifié ton projet par des échanges, des interactions ?

HB

Effectivement en plus de mon travail en binôme le fait de travailler en compagnie des autres artistes apporte une certaine émulation et des échanges riches tant au point de vue technique qu’au niveau des questions de sens.

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La réalisation effective de l’œuvre apporte nécessairement des modifications au projet. Car il y a un combat incessant entre le tangible et le sensible. Le tout est de trouver le bon compromis qui satisfait l’œil et le sens, mais, la difficulté augmente par contre avec la présence des autres créateurs car les avis divergent. Le travail se borne alors à une synthèse juste des propositions formulées.

Ce qu’il faut retenir également pour l’avenir c’est que la production artistique dans nos contrées gagnerait énormément avec des espaces de travail de ce type.  

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