Le Monde.fr | 15.04.2013: http://www.lemonde.fr/politique/article/2013/04/15/jouanno-sur-le-mariage-pour-tous-ce-ne-sont-pas-des-manifestations-mais-de-l-intimidation_3160191_823448.html
Chantal Jouanno, sénatrice UDI de Paris, qui a voté le texte ouvrant le mariage aux couples de même sexe, condamne dans un entretien au Monde.fr, la "violence" et"l'intimidation" de la part des opposants au mariage pour tous et invite tous les responsables politiques à "appeler au calme" et visant indirectement Jean-François Copé, elle déclare : "ceux qui cautionnent par le silence ces mouvements remettent en cause la démocratie".Comment expliquez-vous la radicalisation des opposants au mariage pour tous ?
J'ai conscience que le gouvernement n'a rien fait pour apaiser les choses, et l'accélération du calendrier d'examen n'a rien arrangé. Mais certains, ou plutôt certaines comme Frigide Barjot – même si elle est un peu dépassée par les événements – ou Christine Boutin, en appelant au "sang" ou à la "guerre civile", tentent très clairement de faire de la récupération politique et médiatique, et c'est absolument inacceptable.
Pour vous le gouvernement porte une responsabilité dans cette escalade ?Depuis le départ le gouvernement aurait pu trouver un texte consensuel. Il n'a rien fait. Mais ce n'est pas le problème : je respecte totalement ce texte d'abord parce que je suis pour, et que je pense que ce n'est pas un texte partisan, c'est un texte qui dépasse les clivages politiques. Mais surtout, c'est un texte issu de l'exercice de la démocratie ! Le Président a été clairement élu avec ce programme. Il n'y a rien à dire sur ce point là, on n'a pas à contester le fondement démocratique de cette loi, même si encore une fois sur la méthode, on pouvait mieux faire.La droite, notamment l'UMP, a-t-elle une responsabilité ? Jean-François Copé devrait-il appeler au calme ?Il est prioritaire et urgentissime que les responsables politiques, qu'ils soient pour ou contre, appellent au calme. Ceux qui encouragent ce qui se passe, et ceux qui défilent avec leurs écharpes tricolores, ne se rendent pas compte que l'on est en train de bafouer, de piétiner la démocratie dans ses fondements. Il y a une vraie différence entre manifester, qui est un droit constitutionnel, et intimider, utiliser la violence, ce qui n'a aucun fondement démocratique. La démocratie s'exerce à l'Assemblée nationale, au Sénat. Elle ne s'exerce ni dans la violence, ni dans l'intimidation. Ceux qui cautionnent par le silence ou s'associent à ces mouvements sont clairement en train de remettre en cause la démocratie. Parce que ces mouvements contestent la légitimité même des élus.Cela pourrait creuser un fossé entre un centre droit et une droite radicalisée ?Au centre-droit, on appelle à la responsabilité, au calme et à l'apaisement. Si aujourd'hui l'UMP ou la droite s'engouffre dans cette montée de la violence, on ne se retrouvera pas sur les fondamentaux. C'est grave ce qu'il se passe. Vraiment grave. Quand on poursuit une intellectuelle, que l'on vient au domicile privé de parlementaires, ce ne sont pas des manifestations, mais des intimidations. Je n'ai jamais vu ça.Vous-même êtes la cible d'opposants au mariage homosexuel...Je reçois des tonnes de lettres chez moi, au Sénat. Quand les gens diffusent mon adresse personnelle, ils me mettent en danger, mais ils mettent en danger mes enfants ! Et ces personnes disent défendre la famille ! Mais quelle conception de la famille ont-ils ?C'est tout de même hallucinant que la police doive protéger des parlementaires.Pourquoi vous visent-ils ?Je ne plie pas, je ne me tais pas. Je ne me suis pas abstenue sur ce texte et j'argumente avec des positions de droite. Je me suis beaucoup exprimée sur ce texte et depuis longtemps.Pensez-vous que les élus de la droite parlementaire devraient continuerde participer à ces manifestations ?Aujourd'hui non, pas sur ce texte, compte tenu des débordements, la violence de ces manifestations, leur caractère intégriste. Je n'aurais pas dit cela avant. On a tous les moyens de s'exprimer, par les médias ou autres, de s'opposer au gouvernement, de dire qu'il a pris ce débat à l'envers. Et la violence de la rue fait que notre responsabilité est d'appeler au calme.
Abel Mestre