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CHRONIQUE POLITIQUE DU PEROU, AVRIL 2013 Avancées démocratiques et autres bonnes nouvelles

Publié le 16 avril 2013 par Slal


CHRONIQUE POLITIQUE DU PÉROU, AVRIL 2013

Avancées démocratiques et autres bonnes nouvelles

Mariella Villasante Cervello
(IFEA, IDEHPUCP, Lima)
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Depuis le début de l'année, on attendait avec une grande impatience les résultats de la consultation électorale qui devait décider du sort de la maire de Lima, Susana Villarán. Les enjeux de cette procédure de « revocatoria » étaient de taille, les forces politiques s'étant en effet divisées entre les tenants des idées de la gauche, du centre et de la droite démocratique et ceux de la droite anti démocratique, populiste et mafieuse. Le 17 mars, la maire de Lima a remporté la consultation avec 51,52% contre 48,48% de voix. Certes, des résultats trop serrés, qui nous rappellent ceux obtenus par Ollanta Humala en 2011. La polarisation entre les forces en présence dépassait de loin l'enjeu de la mairie de Lima, même si celle-ci est un lieu de pouvoir très important sur le plan national. En effet, ce qui se jouait était la capacité d'une faction populiste, manipulée par des politiciens indignes, de compromettre les énormes changements entrepris par la maire Villarán, destinés à transformer les effroyables conditions de transport, d'administration municipale et de commerce des denrées de base dans une ville de près de 10 millions d'habitants. Parallèlement, se jouait la capacité des forces démocrates liméniennes à défendre les travaux en cours, et à soutenir leur maire au-delà des appartenances partisanes. Voilà pourquoi l'on peut dire que le soutien massif obtenu par la maire, et son triomphe, sont autant de preuves concrètes de démocratie dans le pays.

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>br> La maire Susana Villarán, Archives de La República
Les tenants de l'exclusion de la maire de Lima ont utilisé des thèmes populistes anciens dans le milieu politique péruvien afin de capter les voix des secteurs pauvres et populaires de Lima ; ils ont ainsi accusé la maire d'appartenir à l'élite blanche, arrogante et « bling bling » du pays. Alors que le principal porte-parole des groupes de pression, Marco Tulio, un petit fonctionnaire sans charisme, se présentait comme « le métis avec lequel s'identifie la majorité de la population de Lima ». Nous voilà à nouveau dans l'opposition « raciale » si porteuse dans un pays qui considère encore que la couleur de la peau détermine en quelque sorte la position politique des personnes, et leur statut social. Certains politiciens du vieux parti APRA ont soutenu ce discours racialiste et anti-politique : ainsi Mauricio Mulder a qualifié la maire « d'arrogante, élitiste et pituca ». L'ancien président Alan García a lui aussi apporté son soutien officieux à ces manières de voir indignes. Mais tous ces efforts ont été vains car non seulement la procédure de revocatoria constituait une imposture qui n'avait aucune raison d'être appliquée — car il était évident qu'aucune faute grave n'avait été commise par la maire Villarán —, mais de plus, les groupes mafieux de la ville ont sous-estimé le réveil des valeurs démocratiques au sein de tous les secteurs de la population. Contre les oppositions simplistes et instrumentalisées sur les thèmes : « blancs/métis », « riches/pauvres », ou « aristocrates/petit peuple », nombre de dirigeants de la droite, du centre et de la gauche, ont lancé une campagne de reconnaissance des travaux de la maire Villarán, faisant valoir le danger lié au désordre et à la perte de stabilité que pourrait impliquer son exclusion. Certains analystes, comme Martín Tanaka [La República du 24 mars], dénoncent les « erreurs » commises par la maire, dont le manque de communication et d'action politique, ou la surestimation des soutiens et des capacités à faire face aux accusations. Je considère pour ma part qu'aucun autre maire n'a proposé autant de projets de transformation et d'amélioration des services pour Lima, et que c'était pour ces raisons qu'elle a été attaquée de la sorte. Les groupes de pouvoir qui régnaient en maîtres dans le transport ou dans les services des marchés publics n'allaient plus continuer à jouir de leurs privilèges illégaux, et c'est pour cela qu'ils ont déniché un porte-parole, le triste personnage Marco Tulio, pour organiser l'exclusion de la maire de Lima.
Cette consultation électorale, et la campagne qui l'a précédée, ont été placées sous le signe d'un renouveau des valeurs démocratiques, et c'est cela qu'il faut souligner, au-delà des enjeux qui concernent la ville de Lima, et au-delà même des recompositions politiques au sein des divers partis politiques qui ont déjà commencé.

Bonnes perspectives macro économiques pour 2013-2014
La Banque de Crédit du Pérou a estimé que les perspectives d'investissement pour 2013-2014 se sont améliorées, ce qui permettra une augmentation du PIB qui devrait atteindre 6,3% cette année. Comme les années précédentes, c'est le secteur de la construction qui montre le plus de vigueur, suivi par le secteur de mines, pour lequel on prévoit un retour prochain des conflits sociaux. Le Projet Conga (Cajamarca) en particulier est arrêté depuis plusieurs mois, mais Gregorio Santos, dirigeant du Front de défense de Cajamarca, a annoncé le retour des demandes sociales au mois d'avril.
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Santos, Archives de La República
Pour rechercher de nouveaux investissements pour le pays, le président Humala s'est rendu en Chine du 3 au 10 avril ; la Chine est devenue en effet le premier partenaire commercial du Pérou, et le pays asiatique est l'un des plus importants investisseurs étrangers, notamment dans le secteur minier. Humala a obtenu que les investissements soient étendus à d'autres secteurs, dont l'agriculture et le tourisme. En outre, une dizaine de conventions ont été signées dans les cadres du Traité de libre commerce, de l'éducation (la Chine a augmenté le nombre de bourses annuelles pour les jeunes Péruviens à une cinquantaine par an, et un Centre de développement de science et de technologie sera financé au Pérou) et des échanges commerciaux. Le président Humala a participé également au Forum de Boao (île de Hainan), et il a obtenu un don de 40 millions de yuans. L'Asie constitue une priorité pour le Pérou, dont les échanges se sont étendus avec le Japon et la Corée, et prochainement le Vietnam.
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Ollanta en Chine, Archives de La República
Restructuration de la police : contre la corruption et l'insécurité
Depuis 2011, le président avait promis de s'occuper d'une restructuration profonde de la police et de l'armée en général (on y reviendra). Les choses avancent. En février dernier, l'Inspection générale de la Police nationale a annoncé avoir ouvert des procès, en 2011 et 2012, contre plus de 12 mille policiers et officiers, pour des délits de séquestration, trafic de drogues, vols, extorsions, assassinats, viols sexuels, violence domestique, entre autres. Plus de la moitié des dénonciations font l'objet d'enquêtes en cours et correspondent à des cas de corruption. Il s'agit de vols systématiques d'essence, vols de l'argent destiné à l'alimentation dans les commissariats. D'autres cas concernent le paiement de per diem pour des missions inexistantes (par exemple le colonel Agurto García). Les dénonciations pour des coimas (bakchichs), notamment chez les policiers de la route sont légion. En 2012, 340 officiers ont été envoyés à la retraite pour des accusations de trafic de drogue et de corruption.
Au début du mois de mars, le directeur de la police, le général Raúl Salazar, a présenté sa démission au ministre de l'Intérieur, Wilfredo Pedraza, pour « éviter d'autres mauvais traitements à l'institution » [La República du 6 mars]. Le général Salazar avait fait preuve ces derniers mois d'un manque de tact politique en défendant une plus grande proximité avec le président Humala que le ministre de l'Intérieur. On a dénoncé également sa proximité avec un cousin de la première dame, Nadine Heredia, qui l'aurait recommandé au poste qu'il occupait. Cette situation personnelle du général Salazar a empiré depuis le début de l'année alors que le taux d'insécurité et les crimes ont augmenté considérablement dans la capitale, suscitant d'âpres critiques de la population contre le directeur de la police, jugé incompétent.

Le président Humala a nommé un nouveau directeur, le général Jorge Flores, ancien inspecteur général de la police qui avait entrepris de restructurer l'institution depuis 2011. Il est chargé de centrer son action sur la lutte contre la criminalité organisée. Humala a annoncé également la création d'une Direction nationale de sécurité citoyenne, dont la fonction sera de prévenir les délits et les actes de corruption au sein de la police nationale. D'autre part, les salaires des policiers et leurs équipements seront améliorés. Enfin, les procédures de dépôt de plaintes dans les commissariats seront modernisées.
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Général Flores, directeur de la police nationale, Archives de La República
Avancées dans l'application de la justice pénale
Il est intéressant de constater que malgré les problèmes structuraux de la justice péruvienne, des avancées y ont été également enregistrées au cours des derniers mois.

Le scandale de l'entreprise israélienne Global CST et l'armée péruvienne
Les récentes restructurations au sein de l'armée ont aussi révélé un grave cas de corruption impliquant une entreprise israélienne et l'armée durant le gouvernement d'Alan García. En effet, en octobre 2009, un contrat secret, pour 40 millions de soles, fut signé entre l'entreprise Global CST et le commandement conjoint des forces armées pour recevoir de l'assistance technique spécialisée pour entraîner des soldats d'élite de la région en état d'urgence du VRAEM (Vallée des fleuves Apurímac, Ene et Mantaro). Or, la Contraloría general de la República et le Ministère public ont découvert que le contrat n'a pas été respecté et qu'il fut entaché d'irrégularités flagrantes. Les instructeurs étaient de jeunes recrues de l'armée israélienne, avec peu ou aucune expérience de terrain, qui sont restés travailler au Pérou avec des visas de tourisme ; en outre, leurs cours n'atteignaient pas le niveau de ceux qui étaient dispensés dans les écoles militaires péruviennes ; le contrat initial fut revalorisé au profit de l'entreprise israélienne dont le directeur est le général Israel Baruch Ziv. Le ministère public a déjà mis en examen 14 hauts fonctionnaires, dont 2 vice-ministres de la Défense et 12 hauts officiers des forces armées. Les dénonciations et les mises en examen doivent se poursuivre, y compris parmi les fonctionnaires civils, dont l'ancien ministre de la Défense Rafael Rey, en fonction lors de la signature du contrat douteux.

Alan García devra répondre devant la justice : cas El Frontón et libération de délinquants
Depuis janvier 2012, une commission d'enquête du Parlement, présidée par Sergio Tejada (Gana Perú), exerce son droit de contrôle de la gestion de l'ancien président Alan García et de ses ministres pour plusieurs dénonciations de mauvaise gestion et de corruption. Dans ce cadre, les biens immobiliers et les comptes bancaires des fonctionnaires ont été gelés, et García devra justifier des moyens d'acquisition de ses récents biens immobiliers à Lima [La República du 6 février].

En janvier 2013, le ministère public a présenté devant la Chambre pénale nationale une accusation portant sur le massacre de 118 prisonniers dans l'île de El Frontón, les 18 et 19 juin 1986 [sur un total de 244 prisonniers tués, 124 à Lurigancho et 2 à Santa Barbara]. Les accusés sont 33 membres de la Marine de guerre, dont 4 officiers. Cependant, le fondement central de cette accusation est la qualification des délits en tant que crimes contre l'humanité et la reconstruction de la chaîne de commandement qui a permis leur accomplissement. Dans ce cadre, plusieurs membres du gouvernement et le président Alan García seraient déclarés responsables [La República du 8 janvier].

En avril, Alan García devra répondre également devant la justice pour avoir autorisé la libération de 5 500 délinquants, dont 400 environ étaient des narcotrafiquants. Durant leurs mandats, les ministres de la Justice, Aurelio Pastor et Rosario Fernández ont libéré 1 692 et 3 259 personnes respectivement. Pastor s'est excusé en affirmant qu'il n'avait rien fait d'autre que de suivre les recommandations du président. Alan García devra répondre de ces accusations et s'expliquer sur les grâces présidentielles irrégulières durant son mandat [La República du 1er avril]. Lors de ses premières déclarations, il a annoncé qu'il ne regrettait rien car ces libérations avaient été guidées par la « compassion » [La República du 2 avril]. Plus tard, il a accusé le gouvernement de s'acharner contre lui dans le but de l'exclure de la course présidentielle de 2016.
Les projets de García de revenir à la politique à l'occasion des élections présidentielles de 2016 semblent donc bien compromis, d'autant plus qu'il a pris des positions douteuses sur plusieurs affaires : il s'est déclaré contre la maire Villarán, il a minimisé les amnisties accordées aux délinquants et maintenant il vient de faire pression sur le président Humala pour qu'il accorde l'amnistie à l'ancien dictateur Fujimori. García se montre donc égal à lui-même, arrogant et cynique.
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García devant la Commission du parlement, Archives de La República
Violations des droits de l'homme et justice pénale
Les poursuites contre les violations des droits de l'homme commis durant la période de la guerre interne n'ont pas été enterrées mais restent à l'ordre du jour pour le Ministère public, ce qui est fort louable dans le contexte péruvien et latino-américain. Ainsi, au mois de mars, la Procureure Delia Espinoza a requis la perpétuité à l'encontre de Vladimiro Montesinos, du général Hermoza Ríos, et du chef du groupe paramilitaire Colina, Santiago Martín Rivas, pour la séquestration et l'assassinat de l'agente des Services de renseignements de l'armée, Mariella Barreto Riofano le 22 mars 1997. Cet assassinat, classé crime contre l'humanité, faisait partie du « Plan Tigre 96 » destiné à éliminer les personnes qui avaient fourni des informations à la presse sur les assassinats de Barrios Altos [15 morts] et La Cantuta [10 morts], pour lesquels Alberto Fujimori et Vladimiro Montesinos ont été condamnés à 25 ans de prison. Le pouvoir judiciaire doit maintenant fixer la date de la première audience et celle du début du procès.

Il reste cependant encore des efforts à faire pour rétablir les droits des proches des victimes de la violence d'État pendant la guerre interne. En effet, le directeur de l'Équipe péruvienne d'anthropologie légale (EPAF), José Pablo Baraybar, a déclaré que de nombreux cas d'abus des forces de l'ordre n'avaient toujours pas été résolus. Les proches des victimes ont ainsi créé l'Association justice pour tous, présidée par le père de Gerson Falla, un jeune qui fut arrêté et tué dans un commissariat. L'association compte environ 200 familles. Par ailleurs, l'EPAF estime que le nombre de disparus durant le conflit armé s'élève à 15 000 personnes, dont 2 000 ont été exhumées mais seulement 1 000 ont pu être identifiées. Le travail à accomplir reste donc très important [La República du 1er mars].
Le Système interaméricain des droits de l'homme s'affirme au sein de l'OEA
Un long processus de réflexion sur les modalités de fonctionnement du Système interaméricain des droits humains (SIDH) vient de se terminer avec une résolution consensuelle des pays membres de l'OEA pour renforcer et améliorer son fonctionnement. Depuis 2011, les pays du groupe ALBA (Alianza bolivariana para los pueblos de nuestra América, Equateur et Venezuela) avaient remis en question le SIDH, en s'opposant en particulier à son rôle de surveillance des violations des droits de l'homme, concrétisée par la Cour interaméricaine des droits humains (CIDH). L'Équateur et le Venezuela, rejoints par la Bolivie et le Nicaragua, ont tenté de remettre en question le mode de financement extérieur du SIDH et de la CIDH, et ont critiqué de manière outrancière la Relatoría de Libertad de Expresión, qu'ils considéraient être une « instance d'ingérence » dans les affaires internes de leurs États. Des États qui connaissent une dose importante d'autoritarisme, de censure de la liberté d'expression et des méthodes répressives de gouvernance. Or, ces tentatives se sont soldées par un échec. La majorité des pays ont ratifié le rôle central du SIDH et de la CIDH dans le renforcement de la démocratie ; le système de financement extérieur est maintenu (avec la participation de 30% de l'Union européenne), mais plusieurs pays (Pérou, Argentine, Chili et Canada) se sont engagés à apporter des financements volontaires pour atteindre l'autofinancement dans le futur ; et le processus de dialogue continue.

D'autre part, reprenant une plainte des pays de l'ALBA, le ministre des Relations extérieures du Pérou, Rafael Roncagliolo, a suggéré de changer le siège de l'OEA, actuellement à Washington, et de le transférer dans un pays sud-américain, comme par exemple le Pérou. Diego García Sayán, président de la Cour interaméricaine des droits humains (dont le siège se trouve à San José de Costa Rica), a soutenu cette proposition, signalant que la plupart de cas examinés se situent en Amérique du Sud ; il s'est également félicité du renforcement du SIDH « malgré les voix extrêmes qui se sont exprimées, comme il est normal dans un cadre démocratique » [La República du 24 mars].
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Session de l'OEA, Archives de La República
Situation des groupes terroristes du VRAEM
Les senderistes de la région de la Vallée des fleuves Apurímac, Ene et Mantaro ont continué leurs activités terroristes. Le 20 mars, un groupe de senderistes du groupe des frères Quispe Palomino, a fait une incursion dans les communautés de Marcavalle, Balcón et La Soledad (Huachocolpa, Tayacaja, Huancavelica), et ont détruit trois antennes relais de téléphonie mobile. Cette action aurait été menée par le groupe du « camarada Antonio », qui a réuni la population avant de commettre l'attentat pour leur expliquer qu'ils agissaient de la sorte afin d'éviter que les forces de l'ordre ne puissent intercepter leurs communications. La police anti-terroriste et les forces armées utilisent une autre stratégie dans la région du VRAEM depuis juin 2012 ; les senderistes sont infiltrés, leurs campements identifiés, et c'est après cela que les interventions sont organisées. De cette manière, entre juillet 2012 et le 27 février 2013, les opérations Auberge, Nouveau horizon, Mantaro et Ocaso rojo furent lancées au cours desquelles 22 senderistes furent capturés et 2 furent abattus, dont le « camarada William ».

L'opération « Ocaso rojo » a été menée entre le 23 et le 27 février par les forces spéciales et la Direction contre le terrorisme (DIRCOTE) dans la région de Vizcatán (Ayahuanco, Huanta, Ayacucho). Il s'agissait de détruire les campements du « camarada Raúl », l'un des frères Quispe Palomino. Les forces de l'ordre ont bénéficié de l'aide de trois repentis qui les ont aidées à localiser les 8 campements utilisés par le groupe senderiste dans cette zone d'accès très difficile. Lors des affrontements, la « camarada Luisa » a trouvé la mort. Les saisies de matériel comportent des cahiers et des documents des réunions entre les chefs, dont « camarada Alipio », Orlando Borda, ainsi que des codes de communication. Les campements ont été détruits mais « Raúl » et ses complices purent s'échapper.
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Opération Ocaso Rojo, Archives de La República

Le 21 mars furent capturés quatre senderistes recherchés par la police pour leurs actions dans les régions de Piura et Cajamarca. Le « camarada Antoni », Salomón (o Filimón) Julca Parra, fut capturé à Jaén (Cajamarca) ; il était le chef du groupe Maray-Hualquiro et Tocto de Piura, responsable de l'assassinat de 16 policiers de Piura, et pour l'exécution de plus de 20 paysans et responsables locaux. Les trois autres terroristes furent capturés à Piura [La República du 21 mars]. Toujours au mois de mars, des repentis ex-senderistes ont reconnu leurs crimes dans la région du VRAEM et ils aident depuis lors les forces de l'ordre à capturer leurs anciens complices. Cinq d'entre eux ont été questionnés par La República après avoir participé aux opérations de 2012 et 2013. Leurs témoignages permettent de connaître les terribles conditions de vie dans lesquelles ils ont vécu et grandi dans les campements, soumis à l'endoctrinement et au maniement des armes, aux châtiments et aux violences des chefs. Les luttes internes se réglaient couramment par la torture et l'assassinat, les femmes étaient utilisées comme servantes sexuelles des chefs, dont le sanguinaire « camarada José », Víctor Quispe Palomino. Enfin, tous les témoignages s'accordent pour constater que le trafic de drogue est au centre des activités des frères Quispe Palomino [La República du 31 mars]. Précisons encore une retombée d'un crime commis par Víctor Quispe Palomino le 16 juillet 1984, lorsqu'il dirigea le massacre d'une centaine de personnes de la communauté de Soras (Ayacucho). L'ordre de ce massacre avait été donné par les dirigeants de Sentier Lumineux Osmán Morote et Margot Liendo, qui purgent une peine de 25 ans de prison. Or, le 2 avril, le procureur anti-terroriste Julio Galindo a annoncé qu'ils ne seraient pas libérés comme prévu en juin 2013, au terme de leur condamnation, car ils avaient été reconnus coupables, avec d'autres terroristes, d'être les commanditaires du massacre de Soras [La República du 2 avril].
Le MOVADEF renforce ses activités en Amérique Latine
Le groupe de façade du Sentier Lumineux — dirigé par Abimael Guzmán depuis sa prison —, Movimiento por la amnistía y los derechos fundamentales (MOVADEF), a augmenté ses activités publiques en Argentine, Mexique et Chili, en intervenant sans vergogne dans des manifestations de groupes de défense des droits de l'homme. C'est ainsi que, le 6 mars, les militants du Sentier Lumineux résidant à Buenos Aires ont participé à une réunion organisée par la Ligue argentine des droits de l'Homme, et se sont mis d'accord pour organiser une marche de protestation destinée à exiger le rejet de l'extradition imminente du dirigeant senderiste Rolando Echarri Pareja. Celui-ci a été capturé en décembre 2012 et il attend son transfert au Pérou. La manifestation devant l'Ambassade du Pérou a eu lieu le 12 mars, et le MOVADEF a obtenu le soutien de collectifs de défense des prisonniers politiques tels le Front de résistance nationale.

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Movadef à Buenos Aires, Archives de La República

Le 8 mars, des militants du MOVADEF ont participé également à des marches pour la Journée de la femme organisées à Santiago de Chile et à Mexico, exprimant leurs revendications d'amnistie pour les chefs historiques du Sentier Lumineux et autres « prisonniers politiques ». Il est indéniable que ces manifestations se situent dans un contexte de globalisation du politique qui rend plus faciles et simples les appels aux jeunes militants à la recherche de « causes de lutte juste » en Amérique Latine, tout en méconnaissant l'histoire de violence et de destruction du senderisme au Pérou. Cette stratégie n'est pas nouvelle, le Parti communiste du Pérou-Sentier Lumineux l'a employée pendant de longues années en Europe et en Amérique Latine en se faisant passer par un mouvement révolutionnaire désireux d'instaurer un État communiste au Pérou. Des milliers de jeunes Péruviens sans lien avec leur pays, et de jeunes Européens et latino-américains, ont été bernés de la sorte, apportant leur soutien politique et leur argent pour soutenir « la cause senderiste ». Dans cette nouvelle phase d'activisme senderiste, le MOVADEF a diminué ses activités au Pérou, où le rejet est désormais public, et se tourne vers l'étranger en utilisant la vieille recette senderiste pour obtenir des appuis auprès de jeunes déracinés facilement manipulables. Les nouvelles technologies sont désormais au service de ces stratégies utilisées par tous les mouvements terroristes dans le monde. [Voir http://www.larepublica.pe/07-01-2013/movadef-usa-17-cuentas-de-facebook-para-difundir-sus-ideas].

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Infographie Réseaux Movadef, Archives de La República

Cela étant posé, l'État péruvien devra développer une campagne politique d'envergure propre à lutter contre la banalisation des idées terroristes du MOVADEF sur la scène internationale, aussi bien sur le plan des États que des associations de défense des droits humains.

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Pour clore cette chronique, on notera que la conjoncture actuelle est marquée par l'attente de la position finale des pouvoirs publics concernant la demande d'amnistie « pour des raisons humanitaires » de l'ancien dictateur Alberto Fujimori. La Commission spéciale des grâces présidentielles doit se prononcer rapidement et envoyer son rapport au président Humala qui devra prendre une décision définitive. Dans ce contexte, alors que les proches des victimes et divers organismes de défense des droits de l'homme se sont exprimés pour rejeter la demande d'amnistie, le cardinal Cipriani a osé, une fois encore, exprimer son soutien à Fujimori, un ami proche, et a demandé au président Humala d'accepter son amnistie [La República du 30 mars].

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Le Cardinal Cipriani avec Fujimori, vers 1992, Archives de La República

Néanmoins, une nouvelle récente a diminué fortement les chances d'obtention de cette amnistie : une commission spéciale de médecins a établi que la santé de Fujimori est stable et qu'il n'a plus de cancer avéré. Ainsi, la justification centrale de la demande d'amnistie, qui permettrait à Fujimori de sortir de sa prison dorée pour terminer ses jours en liberté, tombe à l'eau. C'est ce qu'a laissé comprendre l'ancien procureur Ronald Gamarra, pour qui le rapport des médecins déclarant que Fujimori est guéri de son cancer est suffisant pour clore l'affaire sans même avoir besoin de demander l'avis du président Humala. Néanmoins, la procédure suit son cours et les fujimoristes sont en train de déployer une nouvelle campagne mensongère pour défendre l'amnistie. Ainsi, comme le note le congressiste Javier Diez Canseco, ils affirment que « 55% de la population péruvienne est en faveur de l'amnistie pour un ancien président qu'on ne devrait pas laisser mourir en prison », et, d'autre part, ils soutiennent que « le président Humala peut concéder la grâce présidentielle à qui il veut, sans limite d'aucune sorte. » Ce sont des arguments fallacieux, bien entendu. [Voir l'article de Diez Canseco, http://www.larepublica.pe/columnistas/contracorriente/no-hay-razones-humanitarias-eticas-ni-juridicas-para-conceder-el-indulto-fujimori-07-04-2013]. Une grâce du président Humala à Fujimori impliquerait un recul de la démocratie et un précédent honteux pour l'impunité des criminels jugés. Espérons que la raison et la dignité l'emportent sur les considérations de politique politicienne.

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