Dans le texte précédent, j’évoquais un monde où la couleur bleue devrait être effacée de tous les tableaux, existants et à venir. Un texte de fiction, donc ? Oui, presque. Car un phénomène similaire touche aujourd’hui, non pas la création artistique mais la création parfumistique.
Depuis quelques années, des dermatologues et chercheurs bien intentionnés obtiennent que soient supprimés de l’orgue des parfumeurs toute une série de matières premières, et pas des moindres. Nous parlons ici de celles que l’on trouve dans certaines des plus grandes créations de la parfumerie.

Si vous êtes un lecteur non professionnel, vous allez penser que ce sont les notes de synthèse qui sont dans le collimateur des autorités et des institutions de régulation. Et si vous êtes un lecteur du métier, vous savez que ce sont, en grande majorité, les naturels.
Les matières premières de synthèse sont moins allergisantes que les matières premières naturelles. Leur développement donne lieu à tellement de tests préliminaires qu’elles ne soulèvent généralement pas de question. Alors oui, chers lecteurs, c’est bien la nature, celle qui donne le rhume des foins et qui gratouille qui pose souvent problème à nos législateurs et à leurs conseillers un brin paranoïaques. Et c’est donc la nature qu’au nom du principe de précaution on interdit de plus en plus dans les parfums : les huiles essentielles d’orange, de noix de muscade, de rose ou l’essence de lavande, pour n’en citer que quelques-uns, sont désormais infréquentables.
Un agent de l’inspection sanitaire m’a dit un jour que si mon principal critère d’alimentation était l’hygiène, alors il fallait que je mange uniquement dans les fast-food. Ce sont en effet les établissements de ce type qui sont les plus contrôlés et donc les plus surs de ce point de vue-là…
C’est ce genre de raisonnement, logique mais aberrant, que l’on applique aujourd’hui à la parfumerie. Le tout dans la méconnaissance des consommateurs qui trouvent que « leur parfum a changé », l’apathie des organisations professionnelles et l’indifférence de certains acteurs de ce métier qui pèsent pourtant lourd dans la balance commerciale.
(à suivre)
Hervé Mathieu – Fragrance Forward