Assurément avril 2013 s’impose comme le mois des chocs. Avril 2013, un mois choc ! Par sa brièveté et son allure d’onomatopée, ce mot est devenu en quelques jours l’emblème lexical de la vie publique. En se succédant à bonne cadence les chocs s’empilent les uns sur les autres au risque de ne laisser aucune trace sur le pare-choc arrière du char gouvernemental.
Choc de simplification
Immédiatement après le « choc de compétitivité » pour lequel il faudrait consulter les archives pour retrouver trace de ses intentions et de son argumentaire, il y eut le « choc de simplification ». C’est désormais acquis : les chocs sont annoncés. Auparavant, un choc se constatait et résultait à proprement parler d’une rencontre inattendue et brutale entre deux objets. D’imprévus et d'imprévisibles, ils deviennent un outil d’ajustement de la communication publique. Le choc, un outil tiré du sac pour le pique-nique communicationnel.
Le choc de simplification est une vraie trouvaille. Il faut rendre hommage aux conseillers com. qui ont élaboré la formule chic qui fait choc. Annoncé le 31 mars, et largement commenté par les médias dans les jours qui suivent, il mérite à lui seul une petite pause réflexive. Il concerne les procédures administratives. Le choc de simplification s’apparente à un train de mesures visant à diminuer les nombreuses normes qui pèsent sur l'activité économique. Le Premier ministre a rappelé que « le président de la République veut lever tous les obstacles administratifs qui brident l’activité économique ». Pour cela, le Comité interministériel pour la modernisation de l'action publique (Cimap) est créé.
Le choc de simplification est un ocni (Objet communicationnel non identifié). Il annonce des mesures d’urgence pour des dysfonctionnements connus depuis l’éternité administrative, toujours constatés et jamais traités. Les mesures choc pour soulager le millefeuille administratif et « diminuer les normes, et raccourcir les délais des démarches au bénéfice des collectivités locales, des entreprises et des particuliers » sont détaillées par la présidence le 28 mars. Ce n’est pas un traitement de choc qui est annoncé, ni un remède de cheval qui sera administré à l’administration souffreteuse mais des mesures d’ajustement que le bon sens citoyen avait depuis belle lurette bien exposé dans les rubriques Avis des lecteurs des quotidiens ou sur de nombreux forums et sites. On les rappelle brièvement : « rationnaliser les achats publics », « regrouper ou supprimer des agences de l’Etat », « procéder par ordonnances en matière d’urbanisme », « poursuivre l’évaluation des politiques publiques », « porter plainte par Internet ». On le voit le choc est modéré. Il ne devrait pas laisser trop de bosses là où il passe.
Le vrai choc (de simplification) est précisément le recours à l’hyperbole empruntée au discours de la publicité. Les qualités du produit mis en vente sont amplifiées par la mise en scène et par l’effet de l’annonce. Pour être efficace, la solennité des annonces doit être en conformité avec l’annonce des contenus. A quoi cela servirait de jouer dans la cour de la complexité si on veut faire vite ? Les communicants de l’Elysée en mettant au premier plan la simplification sans se poser la question du contexte ont sauté à pieds joints dans deux marigots desséchés pour cause de surchauffe. Le premier est le marigot de la démagogie. L’autre est celui de la facilité. Le plan com est éventé. Ça tombe bien, le choc suivant est en vue.
Choc de moralisation
L’affaire Cahusac a déclenché sur instigation de l’exécutif un « choc de moralisation ». L’expression n’est-elle pas emphatique ? De prime abord, elle apparaît comme une mesure précipitée. Le Premier ministre, en déplacement en Allemagne le 5 avril, le visage fermé, sonne la mobilisation : « Nous prendrons toutes les décisions les plus courageuses, les plus sévères qu'il faudra, pour faire reculer tous les risques d'atteinte à la loi, d'atteinte à la probité. Je peux vous dire que ce que je suis en train de préparer sera d'une très grande fermeté ». (Le Journal du Dimanche, 6 avril 2013).
Le choc de moralité est une nouvelle fois annoncé et construit. L’émotion est mauvaise conseillère. L’intention du choc est de créer un contre-feu à la dévastation Cahusac. A la hâte, des mesures sont proposées avec au final, il fallait s’y attendre, l’affiche du palmarès de la fortune des ministres. L’effet du choc de moralité escompté consiste donc en la publication des avoirs immobiliers et financiers des membres du gouvernement. Sans compter les commentaires qui en découlent. Cette publication, est-elle suffisante pour assainir la vie publique ? Certainement pas si elle reste la seule manifestation du besoin de moralisation impérieux de mettre en accord les mots de la vie publique et les actes qui font vivre cette vie publique.
Ce choc est à mettre au compte d’une communication publique irréfléchie et surtout crispée sur l’immédiateté. Il n’y a donc pas dans ces équipes une ou un conseiller assez à l’aise avec l’autorité pour expliquer les fondamentaux de la communication publique ? Un choc de communication serait nécessaire.
Laurent Wauquiez, un choc
Dernière entrée en scène de la vogue des chocs, voilà que Laurent Wauquiez, gouverneur adjoint de l’UMP, après l'attentat de Boston, s’en va braconner dans la très contestée théorie du choc des civilisations qui consiste « d'une certaine manière de s'attaquer à ce qui est notre mode de vie occidental ». En grand marathonien de la pensée humaniste, Laurent Wauquiez demande le report du débat sur le mariage homosexuel. (France Info, mardi 16 avril) : « ça serait incompréhensible que ça se passe autrement, qu'il y ait un changement dans l'ordre du jour à l'Assemblée nationale ».
Décidemment, la droite peine à concevoir une communication moderne et apaisée. Les amalgames et les insinuations sont toujours à portée de la main bien en vue dans la boîte à outils. Laurent Wauquiez est un adepte du choc des mots. Le choc, ce serait de faire monter le niveau d’un cran.
L’abus de chocs est néfaste à la communication publique. Il serait prudent que les politiques y réfléchissent au risque que l’onde choc ne produise pas les vagues escomptées. L'Etat de choc est aussi néfaste à la santé.