19 avril 2013
Le sous-titre de cette belle exposition se présente en forme de question : Des impressionnistes italiens ? Tout est dans le point d’interrogation.
Ces peintres italiens rétifs à l’académisme, révoltés, toscans mais également venus de toute la péninsule, de Venise à Naples furent actifs pendant toute la seconde moitié du XIXème siècle.
Mal connus en France à part les rares noms de ceux qui émigrèrent à Paris et connurent le succès comme le portraitiste Boldini, ils s’enthousiasmèrent pour la nouvelle école française des Troyon, Delacroix, Delaroche, Manet, Isabey, et surtout Edgar Degas.
Réunis dans un café de Florence, ils revendiquèrent rapidement le qualificatif de « macchiaioli » qui leur fut appliqué, pour le moins péjoratif puisque macchia signifie tache.
Ce qui les caractérise : une évidente poésie, un réalisme tranquille, la vie bourgeoise quotidienne, les combats sans pathos du Risorgimento (la « révolution » italienne) et des guerres garibaldiennés – plusieurs de ces artistes s’engagèrent pour l’unification de l‘Italie, certains y laissèrent leur vie - une exaltation de la lumière, ponctuée en effet de taches de couleurs, et l’utilisation fréquente de petits formats allongés (à l'italienne, bien entendu !). Ainsi, La Rotonde de Palmieri (Giovanni Fattori) qui sert d’affiche à l’exposition, ne mesure en fait que 12 cm sur 35 !Giuseppe Abbati, Cristiano Banti, Giovanni Boldini, Odoardo Borrani, Vincenzo Cabianca, Adriano Cecioni, Nino Costa, Vito d’Ancona, Serafino de Tivoli, Giovanni Fattori, Silvestro Lega, Diego Martelli, Antonio Puccinelli, Raffaello Sernesi, Télémaco Signorini, Federico Zandomeneghi sont les membres de cette école de peinture très proche, finalement, de l’âge d’or des impressionnistes mais qui conserve sa spécificité italienne. Pour nous Français, une délicieuse découverte. À mettre aussi en parallèle avec l'œuvre d'Eugène Boudin, le précurseur.
Et pour moi, beaucoup d’émotion quand je regarde certaines œuvres : ces paysages des rives du Pô, ces paysannes portant des fagots et surtout, cette femme pour laquelle sa patronne écrit une lettre : l’Analphabète de Odoardo Borrani, peinte en 1869. Cette femme, c’est un peu ma grand-mère Giuseppina Borsotto, si peu d’années les séparent que la forme des vêtements n’a pas fondamentalement changé. Comme aurait pu l’être aussi La porteuse d’eau à La Spezia de Telemaco Signorini.
Emotion encore devant les tableaux de genre : ces soldats français avec leur paquetage sur les épaules, les bersagliers en embuscade, l’horreur de la guerre avec Giovanni Fattori (Soldat démonté) qui évoque immédiatement Goya, la rigueur de La Sentinelle (encore Giovanni Fattori) : une extraordinaire utilisation de l’à-plat du mur et du chemin poudreux, les scènes de groupe, construites comme des tableaux de la Renaissance (La visite, de Silvestro Lega).
En visitée parcours, l’évocation du film « Senso » de Luchino Visconti, tourné en 1954, qui s’est largement inspiré des décors contemporains des macchiaioli.
Une bien utile mise en valeur d’artistes inconnus dans notre pays, à la fois si proche et à l’histoire si indissociable de celle de l’Italie. Un voyage dans le temps et l’espace, dans une lumière parcimonieuse et douce, à ne pas manquer.
Les Macchiaioli 1850 – 1874. Des impressionnistes italiens ? Exposition du Musée d’Orsay installée au musée de l’Orangerie, place de la Concorde, jusqu’au 22 juillet. Exposition également présentée à Madrid, Fondation MAPFRE, du 20 septembre 2013 au 5 janvier 2014.