Il est peu pertinent d'expliquer l'écart de croissance entre les États-Unis et l'Europe par les différences entre les politiques de la Fed et de la BCE.
Par Vladimir Vodarevski.

Cependant, ce dossier n'explique pas en quoi la politique de la Fed serait plus efficace que celle de la BCE, et serait la responsable de la croissance aux États-Unis. La principale différence entre les banques centrales réside dans le fait que la Fed intervient plus directement sur les marchés financiers. Elle rachète directement des titres d’État, des titres hypothécaires. La politique de la BCE consiste plus à prêter des liquidités aux banques. Notons que les banques apportent en échange des titres, comme des titres d’État par exemple. Ce qui réduit un peu la différence.
L'explication des différences entre les deux politiques tient aux différences entre les modes de financement des entreprises de part et d'autre de l'Atlantique. L'économie des États-Unis se finance plus sur les marchés financiers. La stratégie de la Fed est donc de faire baisser les taux sur ces marchés. En achetant des obligations d’État, elle fait baisser les taux des obligations, entraînant les taux des obligations privées. En rachetant des titres hypothécaires, elle fait baisser les taux de ces titres, encourageant les prêts hypothécaires (et les restructurations de crédits hypothécaires).
En Europe, l'économie est plus financée par les banques. Logiquement, la BCE fournit à ces dernières des liquidités pour toujours éviter que les taux de crédits n'augmentent, et pour éviter un crédit crunch, c'est-à-dire une pénurie de crédit.
Les politiques des deux banques centrales semblent avoir les mêmes effets. Des deux côtés de l'Atlantique, les taux d'intérêt de crédit ou de financement obligataire sont très bas. En Europe, le financement par les marchés financiers est en croissance, profitant de taux bas. Par exemple, le groupe Auchan, qui ne passe pas pour aimer s'endetter, a effectué un emprunt obligataire pour se financer. Des deux côtés de l'Atlantique, les entreprises sont attentives à leur trésorerie, et quand elles en ont, en gardent une bonne partie plutôt que d'investir.
Il est donc difficile d'expliquer la croissance économique des États-Unis par les différences entre les politiques de la Fed et de la BCE. Les objectifs des deux banques sont largement les mêmes, les moyens diffèrent car les économies sont différentes.
Il faut donc regarder les autres différences entre la zone euro et les USA pour expliquer la croissance. Serait-ce la plus forte flexibilité de l'économie ? Les entreprises peuvent se restructurer plus rapidement, les salaires baisser, tandis que dans le même temps la productivité par tête augmente. Serait-ce le marché financier, plus développé, qui finance plus facilement de nouvelles entreprises ? Serait-ce les impôts sur les plus values, plus faibles qu'en France, même s'ils ont été augmentés début 2013, qui expliquent l'investissement dans de nouvelles entreprises ? Serait-ce le gaz de schiste, qui crée des emplois pour son exploitation, et permet un développement industriel grâce à la baisse des coûts de l'énergie qu'il induit ?
Mais ce sont là des sujets autrement plus polémiques que de disserter sur les politiques des banques centrales !
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