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Le déjeuner dans le pré

Publié le 19 avril 2013 par Montaigu
Coquelicots

" Le bonheur est-il dans le pré ?" Peut-être avez vous conservé un souvenir ému de ce film où Michel Serrault et Eddy Mitchell se renvoyaient la balle pour notre plus grand… bonheur,  sur fond de confit de canard et autres plaisirs de la table du sud-ouest.

Ce titre a fourni le thème d’un déjeuner d' " Hélène’s network". Cependant  le confit n’était pas à l’honneur et  même si dans le film il est dit que " le confit n’est pas gras ", malgré tout c’est un peu lourd et plus propice à la sieste qu’à un débat. Une salade de pâtes a fait l’affaire.

Bref nous avons parlé du bonheur, cette petite chose que nous recherchons que ce soit sous la forme de "petit" ou de "grand" bonheur  ou  celui doté d’ un "b" majuscule. 

Deux questions ont fourni le point de départ de cette intéressante conversation : le bonheur est-il une notion purement passive que l’on reçoit comme une manne céleste ou est-il de notre responsabilité ?

 Petit exercice d’étymologie. 

Bonheur vient de « bon eür « . Eür est issu d’un mot latin augurium qui signifie " accroissement accordé par les dieux à une entreprise". De ce mot sont tirés : s’accroître , croître, auteur, autoriser.

Le bonheur est un état durable de plénitude et de satisfaction, où esprit et corps sont en équilibre et d’où la souffrance, l’inquiétude et le trouble sont absents.

C’est l’aboutissement d’une construction qui s’accroît durablement et dont nous sommes l’auteur. Ce n’est pas une joie passagère.

Le bonheur est un absolu.

 Un peu de philosophie. 

Selon Epicure, le bonheur est le plaisir en repos de l’âme qui naît spontanément de la satisfaction des désirs naturels et nécessaires dont les deux plus importants, outre la sécurité et la santé, sont la sagesse et l’amitié. " Il est impossible d’être heureux sans être sage ".

Pour Spinoza, le bonheur est inséparable de la vertu. La vertu est une force morale. C’est le contraire de la joie active et de la passion.

Kant : le concept de bonheur est un concept si indéterminé, que, malgré le désir qu’a tout homme d’arriver à être heureux, personne ne peut jamais dire en termes précis et cohérents ce que véritablement il désire et veut. Le bonheur est un idéal non de la raison mais de l’imagination.

Difficile, n'est-ce pas? Quelques observations s'imposent.

Force est de constater que nous sommes confrontés à des états de rupture continuels, dans le temps, d’une journée à l’autre, mais aussi d’une période à une autre et d’un environnement à un autre : familial, professionnel, amical. Le tout pimenté de hauts et de bas. Nous ne nous situons jamais dans la durée, "cet état durable". Tout au plus constatons nous des instants que probablement nous appelons "bonheur" alors qu'il ne s'agirait que de joie ou joies.

La plénitude et la satisfaction  que nous pouvons ressentir sont des notions éminemment subjectives et ce qui y concourt à nos yeux n'est jamais fixe. Ce qui est vrai aujourd'hui ne le sera peut-être pas demain. Mais de source sûre nous savons que l’inquiétude, le stress, la souffrance nous empêchent de ressentir un bien être. 

Le bonheur est donc une notion relative comme le  constate Kant quand il nous  parle de ce concept si indéterminé parce que l’homme ne sait pas ce qu’il veut. N’étant pas guidé par la raison mais plutôt par ses émotions, il se trouve dans l’incapacité de mettre en action l’exercice de sa volonté et  donner une réponse à " je veux". Il ne peux donc être "auteur" de son bonheur.

Autre conséquence, ne sachant dire " je veux ", nous ne pouvons dire avec certitude ce que sont " nos désirs naturels et nécessaires " d’ Epicure. La connaissance, la liberté, la santé, la richesse, une longue vie..

le 18ème siècle.

A ce bonheur individuel et spirituel, s'ajoute la définition apportée par le 18ème siècle qui en a fait  un fait politique.

La déclaration d’indépendance des Etats-Unis a ainsi inscrit la recherche du bonheur comme un droit  inaliénable de l’homme au même titre que la vie et la liberté.

La Révolution française reprit cette idée. Il est ainsi postulé, dans la constitution de 1793,  que « le but de la société est le bonheur commun ».   De ce principe est issu le concept de l’Etat providence. Pendant les trente glorieuses, l’idée du bonheur s’est pleinement manifestée dans les pays dits développés où la croissance économique a fait émerger une société de loisirs sensée correspondre aux attentes de bonheur des citoyens. "Je consomme donc je suis heureux". Notion collective et passive, un droit,  qui porte en soi tous les germes de l'insatisfaction. La durée n'étant nullement garantie.

Le bonheur, notion tellement exigeante,  nous serait-il refusé?

Pascal nous ayant seriné que tous les hommes cherchent à être heureux, comment imaginer trouver ce but? Comment être l'auteur d'un état qui s'apparenterait au bonheur? 

Peut-être en créant son pré au moyen d'une attitude volontaire, d'une posture.

Certains l’imaginent par défaut : " si je ne suis pas malheureux et bien, je suis heureux". Si nous ne sommes pas soumis à la solitude,  la maladie, la souffrance, les tourments, la misère , nous pouvons nous considérer dans un début de bonheur par absence de malheur. 

Certains adoptent ce mantra : "le bonheur serait là où on le met". Partant du principe que c'est un équilibre précaire entre avantages et inconvénients. Qu’il s’agit de prendre en compte davantage l’existant que le manque, le verre à moitié plein plus qu'à moitié vide.

Le tout  inscrit dans une relation au  monde. Ce que nous donnons et ce que nous recevons de cet échange, nous portent vers le bonheur, celui des autres et le nôtre. 

Mais Epicure nous parle aussi du plaisir en repos de l’âme, une forme de paix intérieure. Je m’autorise à penser que l’empathie que nous avons pour nous-mêmes est la clé de notre bonheur. Cette forme de sagesse qui nous permet de nous tourner vers le monde en répondant au principe : "tu aimeras les autres comme toi-même".

 Je dois conclure que ce déjeuner fut un pur instant de bonheur...


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