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Hannah Arendt et la condition de l’homme

Publié le 21 avril 2013 par Christophefaurie
Hannah Arendt et la condition de l’homme Condition de l’homme moderne (Pocket, 2001). Voici un livre que je n’ai pas compris. Que veut réellement dire Hannah Arendt ? Parle-t-elle à une infime élite, seule capable de la comprendre ? J’ai essayé de me renseigner. Mais les jugements aseptisés que je lis chez les philosophes qui traitent de son œuvre ne me vont pas. La suite est une interprétation non autorisée et tendancieuse.
Une question fondamentale : qu’est-ce qui fait de nous des hommes ? A l’origine du livre est une question que nous ferions bien de nous poser, en urgence : qu’est qui fait de nous des hommes, et pas des légumes ? Tout le livre est bâti sur une hypothèse fondamentale : « l’homme » digne de ce nom a des caractéristiques uniques ; elles lui sont données par son environnement (il est « conditionné » pour être un homme). La question est extraordinairement importante, parce que si elle a effectivement une réponse, elle peut détruire d’entrée de jeu certains projets de société. En particulier le dernier que nous ayons subi : construire la société sur le principe du marché.
L’âge d’or : la Grèce (Athènes ?) présocratique L’homme semble avoir connu un instant d’épanouissement exceptionnel : la Grèce présocratique. La réponse à notre question s’y trouve. L’homme, digne de ce nom, est fait par l’action « politique ». Les affaires de la cité (la polis de politique) sont décidées par un débat au sein d’une petite élite d’égaux. Ils ne travaillent pas, ils ne sont que parole et action. Ils se sont élevés au dessus des appétits vils. Leur objectif ? L’immortalité. Celle de la cité, et de leurs actions, qui produisent cette immortalité. Autrement dit, la gloire. Sans dimension collective rien n’est possible. C’est elle qui définit la réalité. (La réalité est ce sur quoi s’accorde le groupe.) C’est surtout elle qui permet à l’homme d’être un homme. Son identité se révèle, a posteriori, par les résultats que son « action » a eus, au cours de sa vie. Donc de ce qu’en a fait le groupe. Point essentiel, et inquiétant : le résultat de l’action est imprévisible. Et agir, c’est naître, puisque c’est dans l’action que se construit l’identité. Mais, cette action politique n’est pas tout. Au dessus d’elle, après elle, il y a la « contemplation ». L’homme, arrivé à un certain stade de son développement personnel, va aller chercher la vérité au fond de lui-même, dans son « esprit ». Au bas de la pyramide du développement humain, se trouve le travailleur, esclave chez les Grecs. Il obéit exclusivement aux exigences physiologiques. Un rien au dessus est l’artisan. Lui, au moins, produit des objets, donc du un peu durable.
La chute, sans fin, de l’homme déchu L’histoire humaine est celle de la lutte entre l’homme et l’espèce. Cette dernière veut décérébrer l’homme. En faire un corps. Et elle n’en finit pas de gagner. Sa victoire commence avec Socrate, premier socialiste. Platon rêve d’un monde d’artisans. La religion catholique vide la contemplation de son sens, en la démocratisant. Mais le pire est la science. Avec Galilée et son télescope (victoire de l’artisan), l’homme découvre un monde nouveau. Il se met à douter de ses sens. Or c’étaient eux qui faisaient la véritable réalité. Du coup, il sombre dans le relativisme. Double effet pervers. Il transforme la signification « d’action » et de « contemplation ». L’action est maintenant expérience scientifique. Rien n’existe sans elle. La contemplation devient la recherche, à l’intérieur de soi, de modèles (mathématiques) qui expliquent l’expérience. Mais cela est auto réalisateur ! Ce que l’homme voit au fond de lui (cf. la psychologie) est l’effet de sa physiologie, l’expression de ses tripes, pas de son esprit. Du coup, il ne peut « comprendre » de ce qui l’entoure que ce qui correspond à ce modèle. Ce qu’il croit objectif ne l’est donc pas. Il est prisonnier de sa physiologie ! Il n’est plus qu’un élément d’un énorme tube digestif. Ce qui est étrange est que l’avilissement de l’homme est sans fond. La victoire de l’artisan a amené celle du travailleur (bête de somme). La division du travail a fait de nous des rouages d’un processus qui produit pour la consommation. Autrement dit rien d’immortel n’en sort. L’espèce a gagné. C’est d’ailleurs ce que signifie la victoire de l’économie. Chez les Grecs et les Romains, l’économie est la gestion de la maison. Or, ses préoccupations, alimentaires, régissent le monde moderne ! Pire, la machine menace de travailler à notre place. Nous privant ainsi de notre dernière raison d'être !
(Ce que cela m'inspire suit.)

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