Les causes de l’explosion de l’usine d’engrais de la ville de West, au Texas, n’ont aujourd’hui pas encore été déterminées. L'explosion rappelle les dangers de l'ammoniac. Mais en France, les incidents parfois graves sont nombreux et les mesures de sécurité tardent à venir. On sait que l’ammoniac stocké sur le site sous différentes formes, est au cœur de l’accident.
Pourquoi l’ammoniac est dangereux ,
Usines d’engrais
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En stocke-t-on en France ?
Combien en consomme-t-on ?
Quelles sont les mesures de sécurité prises sur place ? L’ammoniac est, dans des conditions de pression et de température normales, un gaz inodore soluble dans l’eau et très toxique pour l’homme. Il n’est pas explosif, mais peut le devenir si on le mélange à l’air dans certaines proportions. C’est ce gaz qui est utilisé pour fabriquer le nitrate d’ammonium. Il s’agit d’une poudre blanche soluble dans l’eau qui sert de fertilisant agricole à l’état naturel ou intégrée à des engrais. Elle est dangereuse quand elle est mélangée avec un combustible ou quand elle est chauffée à une température supérieure à 200°C.
- De nombreux accidents très graves
L’histoire industrielle de l’ammoniac et du nitrate d’ammonium est émaillée de nombreux et très graves accidents. Le premier d’entre eux a eu lieu en 1921
dans une usine BASF à Oppau en Allemagne, faisant 561 morts. En 1947, une explosion ravageait le cargo Grandchamp, dans le port de Texas City, faisant 581 morts et 3 500 blessés. C’est l’accident industriel le plus meurtrier de l’histoire des Etats-Unis. En France, la ville de Brest (Finistère) a également été marquée la même année par l’explosion de l’Ocean Liberty, qui a fait 25 morts et 5 000 blessés comme le rappelle ce document de l’époque :
Plus récemment, l’explosion de l’usine AZF à Toulouse en 2001 a fait 31 morts et 8 000 blessés.
Retrouvez la liste complète de ces très graves accidents ici et la liste des incidents moins importants ci-dessous - Où en produit-on en France ?
En France, huit usines produisent de l’ammoniac, du nitrate d’ammonium ou des engrais azotés. Nous les avons répertoriées sur la carte ci-dessous. A noter : une seule d’entre elles a mis en place un PPRT (Plan de prévention des risques technologiques). Ce document censé permettre de faire cohabiter au mieux une usine à risques et des habitations a pourtant été rendu obligatoire sur ce genre d’installation à la suite de l’explosion d’AZF. En effet, ces PPRT sont très complexes à mette en place comme nous l’expliquions
en janvier au moment de la fuite de gaz de l’usine Lubrizol à Rouen (Seine-Maritime). Or, les accidents sont toujours fréquents sur ces sites. Voilà qui peut relancer le débat sur la prévention des risques industriels en France :
- Grand-Quevilly (Seine-Maritime) :
Cette usine située près de Rouen dispose de deux cuves contenant chacune 1 000 litres d’ammoniac sous pression. 300 personnes travaillent sur ce site classé Seveso seuil haut qui peut produire plus de 3 millions de tonnes de fertilisants par an, selon GPN (filiale Total, anciennement appelée Grande paroisse). Ce site a connu de nombreux accidents : deux ont eu lieu en 1996, puis deux autres en 2000 et, en 2011, un incendie et une explosion ont éclaté dans une unité de production. Une école maternelle
est située à 500 mètres de l’usine mais le plan de prévention des risques technologiques (PPRT)
n’a pas encore été approuvé.
- Harfleur (Seine-Maritime)
L’usine appartient conjointement au Norvégien Yara et à GPN. Elle est classée en Seveso seuil haut. Elle compte 130 salariés et produit 600 000 tonnes de fertilisants par an. Là aussi, le PPRT est toujours en instruction.
- Grandpuits (Seine-et-Marne)
Cette usine, classée Seveso seuil haut, a la particularité d’être située juste à côté d’une raffinerie Total. 210 personnes y travaillent, et GPN annonce une capacité de production de 2,5 millions de tonnes de fertilisants et dérivés d’ammoniac par an. Plusieurs accidents sont à déplorer ces dernières années : trois fuites d’ammoniac en août 2009, dont l’une qui a blessé plusieurs salariés et a nécessité le déplacement de 300 riverains, une fuite d’ammonitrate qui a pollué un affluent de la Seine sur plusieurs kilomètres en septembre 2010 mais aussi un relâchement de dioxyde d’azote après une panne électrique en juin 2011. Là aussi, le PPRT n’a pas été validé.
L’usine appartient à la société Borealis (1). Elle compte 185 salariés et produit chaque jour 1 000 tonnes d’engrais et 750 tonnes d’ammoniac.
Elle jouxte le plus grand site chimique d’Alsace, a subi deux fuites en 1998 et un incendie en 2000 et est classée Seveso seuil haut.
Un PPRT y a été approuvé en 2010 : c’est la seule de notre liste dans ce cas.
- Montoir-de-Bretagne (Loire-Atlantique)
L’usine appartient au Norvégien Yara et se trouve à l’embouchure de la Loire. Le site se compose de trois unités de production : une usine d’acide nitrique, une usine d’engrais et une usine de nitrate, ainsi qu’une unité d’ammoniac et une unité de stockage de CO2. Il produit 600 000 tonnes de fertilisants par an. L’usine a connu deux accidents : le premier en 1998, le second ce mois-ci lorsqu’
un nuage d’oxyde d’azote s’est échappé du site. Le PPRT n’y a pas encore été approuvé.
Ribécourt (Oise) L’usine appartient conjointement à Yara et Prayon SA et est classée Seveso seuil haut. Elle produit 300 000 tonnes d’engrais par an. En 1994, une grave fuite a fait un mort et trois blessés. Le PPRT n’y a pas encore été approuvé.
L’usine appartient à Yara et est classée Seveso seuil haut, elle compte 90 salariés et comprend une usine d’acide nitrique (500 000 tonnes par an) et une usine d’ammonitrate ( 500 000 tonnes par an également). L’ammoniac y est stocké sous pression dans un réservoir de 20 000 tonnes. L’usine a vécu une longue série d’accidents en 1993, 1995, 1996, 1998, 1999 et 2000. Le PPRT n’y a pas été approuvé.
- Pardies (Pyrénées-Atlantiques)
L’usine appartient au Norvégien Yara et est classée Seveso seuil haut. Elle comprend une unité de production d’acide nitrique, ainsi qu’une unité de stockage d’ammoniac. Elle produit une centaine de milliers de tonnes de nitrate d’ammonium par an. L’usine a subi un accident grave en 2000 puis une fuite grave
faisant deux blessés dont un grave en octobre 2011. Elle exporte sa production via Port-la-Nouvelle (Aude) mais souhaiterait le faire via Bayonne (Pyrénées-Atlantiques),
ce que les élus locaux refusent. Le PPRT n’y a pas été approuvé. On trouve également plusieurs centaines de sites de dépôts d’engrais, consultables sur les sites des Directions régionales de l’environnement, de l’aménagement et du logement (Dreal), mais aussi des sites de production de nitrate d’ammonium destinés à la fabrication d’explosifs comme à Mazingarbe (Pas-de-Calais).
(1) Détenue par la Société d’investissements internationale de pétrole d’Abu Dhabi à hauteur de 64% et par la compagnie pétrolière autrichienne OMV à hauteur de 36%.
A lire aussi sur Terraeco.net : Explosion au Texas : les usines françaises sont-elles à l’abri ?