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Expulsions de sans-abris : la confiscation des bien est-elle légale ?

Publié le 23 avril 2013 par Asse @ass69014555

Sylvie L

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Sdf, sans-abris, roms... Ils s'abritent comme ils peuvent, là où ils peuvent... Et aussi longtemps qu'ils le peuvent : c'est à dire aussi longtemps qu'on leur fiche la paix. Jusqu'à ce que la police ne débarque pour les expulser et... se saisir ou même jeter tentes (quand ils en ont), duvets, couvertures, vêtements...
Les associations et les collectifs sont furieuses : outre le gaspillage du matériel dont dépend la survie de ceux de la rue, elles peuvent être condamnées parce qu'elles en demeurent souvent propriétaires (DAL, 12 000 € d'amendes...).

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A-t-on le droit de confisquer - quand ce n'est pas détruire sur place - les maigres biens de ceux qui n'ont plus rien ?

Après maintes recherches sur la toile, les seuls articles que j'ai trouvé qui évoquent les raisons de ces saisies sont ceux qui régissent « l'abandon d'ordures, dechets, matériaux et autres objets ». Dur à digérer... Comment oser qualifier - et traiter comme telles - les maigres possessions de ceux qui n'ont pas le minimum ?

Notamment régit par

  • Art. R 632-1 du Code Pénal - Hors le cas prévu par l'article R. 635-8, est puni de l'amende prévue pour les contraventions de la 2e classe le fait de déposer, d'abandonner, de jeter ou de déverser, en lieu public ou privé, à l'exception des emplacements désignés à cet effet par l'autorité administrative compétente, des ordures, déchets, déjections, matériaux, liquides insalubres ou tout autre objet de quelque nature qu'il soit, y compris en urinant sur la voie publique, si ces faits ne sont pas accomplis par la personne ayant la jouissance du lieu ou avec son autorisation.

    Est puni de la même peine le fait de déposer ou d'abandonner sur la voie publique des ordures, déchets, matériaux ou tout autre objet de quelque nature qu'il soit, en vue de leur enlèvement par le service de collecte, sans respecter les conditions fixées par l'autorité administrative compétente, notamment en matière de jours et d'horaires de collecte ou de tri des ordures.
  • Article R 541-76 du Code de l'environnement - Les personnes morales peuvent être déclarées responsables pénalement, dans les conditions prévues par l'article 121-2, des infractions définies au présent article.

Evacuation de la place de la fraternité, cité... par lemondefr

Rue 89 - 03 08 2007

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Avenue Parmentier, 21h00. Trois bénévoles et une salariée de Médecins du Monde préparent des sandwiches et du café chaud en prévision de la tournée quotidienne qu’ils effectuent dans les rues de Paris pour venir en aide aux SDF. Ce soir, une maraude est prévue à la périphérie de Paris, porte de Bagnolet et sous le Pont Marie dans le quatrième arrondissement. Les « campeurs » ont, en effet, prévenu l’association d’un passage de la police les sommant de partir.


Il n’est pas loin de minuit. Sous le Pont Marie, c’est la consternation. A l’exception d’une tente, toutes les autres ont disparu. Jean, SDF, accourt : « les flics sont passés ! » Il a perdu sa tente et ses effets personnels qu’il doit aller récupérer au commissariat du quatrième arrondissement.

Tandis qu’Audrey, bénévole, s’affaire et passe des coups de fil afin d’avertir Graciela Robert, responsable de la mission SDF, Jean se désole. Son discours, pas toujours clair, dit une chose : perdre sa tente est la promesse d’une réinsertion incertaine. D’autant plus qu’aucune proposition de relogement n’a été proposée par les confisqueurs de tentes.

Assez rapidement, décision est prise de porter plainte. Après tout, les tentes appartiennent à Médecins du Monde. Cap sur le commissariat du quatrième arrondissement où elles sont consignées. Là, l’explication tombe : « La préfecture de police a ordonné le retrait de toutes les tentes à Paris. Si vous les réinstallez, on viendra les retirer. »

Les bénévoles s’enquièrent de la question du relogement : « Il y a des solutions d’hébergement d’urgence. Dans nos locaux par exemple. Les SDF peuvent aussi être pris en charge par la Bapsa (cette Brigade d’assistance aux personnes sans abri dépend de la préfecture de police). Mais là, il n’y a pas d’opération grand froid ». Ni de canicule, fait observer Jean. En clair, la préfecture de police retire les tentes et c’est tout.

Médecins du Monde, depuis le lancement de l’opération en 2005, répertorie le nombre de tentes et passe régulièrement voir leurs occupants. La décision d’enlever toutes les tentes parisienne sonne la fin de l’opération. Maurizio, médecin bénévole, souligne qu’il ne s’agit en rien d’un règlement du problème : « ces tentes apportaient de la visibilité. En les retirant, la préfecture ne règle pas le fond du problème : la précarité, l’exclusion et l’urgence de reloger ces gens... »

Après discussion, la police accepte de rendre leurs tentes aux bénévoles. Une heure après, elles sont dans le camion. Jean a récupéré ses affaires. Mais peine perdue pour sa tente. Médecins du Monde ne la lui rendra pas. Ils lui remettent un duvet et le voilà reparti sous le pont.

Actualité du droit - Gilles Devers, avocat - 05 04 2013

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La défense des plus démunis de nos concitoyens vient de coller un magnifique râteau au Sinistre de l’Intérieur (Valls Manuel, Parti socialiste moral), pour ses destructions de camps de Roms. La préfecture du Rhône est condamnée pour une violation grave des libertés fondamentales… (Tribunal Administratif de Lyon, référé, 4 avril 2013, n° 1302164).

L’histoire est remarquable par la brutalité du ministère de l’Intérieur et par la qualité de la réaction.

Ça démarre ce jeudi 28 mars, avec l’arrivée des cars de CRS et des bulls pour démanteler un camp de Roms installé à Villeurbanne (Parti socialiste bobo).

Les maisons de 12 familles sont rasées par les bulldozers et cinquante personnes, dont vingt-cinq enfants, se trouvent à la rue, c'est-à-dire jetées dans le froid.

Mais peu importe… La préfecture applique la haute pensée de Valls (Accro aux white et aux blancos) : on met à exécution les décisions de justice. Donc, ce n’est pas moi, c’est l’autre, ie le juge judiciaire, qui a constaté l’occupation illicite d’un terrain. Tout le problème est qu’il y a un monde entre dire « il va falloir quitter ce terrain » et « comment gérer l’hébergement et la dignité des personnes ». C’est là un devoir de l’Etat, puissant dans les racines sociales de notre pays, mais du côté de la place Beauvau, la famille Sarko-Guéant-Valls s'égare dans le séparatisme juridique, en faisant joujou avec des conceptions bizarres…

Toutes les ONG impliquées l’ont dit et redit au gouvernement (Parti socialiste exemplaire) : détruire les maisons pour jeter les enfants à la rue, c’est violer la loi. Le Conseil des droits de l’homme de l’ONU, fait notable, a condamné la France pour ces pratiques.

Oui, mais les héros de la gochmole veulent faire les coqs devant l’UMP, et l’Etat sait pouvoir compter sur le soutien les élus locaux qui, pour ce secteur, baignent dans un assaisonnement saumâtre fait de socialisme frelaté et de franc-maçonnerie rance.

Donc, on vire les Roms la veille du week-end de Pâques,… et ça va passer comme une lettre à la poste.

Et ben non, pas de chance, tout s’est enrayé.

Les familles ont cherché où aller, mais toutes les portes étaient fermées et aucun service ne voulait prendre leurs appels. Le soir, elles ont trouvé refuge auprès du père Matthieu Thouvenot dans une salle paroissiale de Notre-Dame-des-Anges, dans le quartier de Gerland, à Lyon, avec ces mots de bienvenue si simples : « Je ne comprends pas comment on peut expulser des gens quand il n'y a aucune urgence. Ils étaient sur un terrain depuis plusieurs mois, je ne vois pas l'urgence qu'il y a à les faire partir sous la pluie et dans le froid ».

Le père avait déjà accueilli des familles en 2011, et l’affaire avait été bien gérée : « Les familles ont un logement, du boulot et les enfants vont à l'école ». Le cardinal Philippe Barbarin, archevêque de Lyon, est venu rendre visite : « Je suis venu ici pour leur dire qu'on les aime. Ils sont mieux ici que dans la rue. Vous avez vu comme il fait froid ces jours-ci ? » Dis donc, Valls, petit polisson, tu écoutes quand on te parle ?


Ensuite, ça a enchaîné avec la remarquable réactivité du MRAP et des réseaux. Deux avocates ont passé le week-end à recevoir les familles, préparer les dossiers, rédiger les actes… Mardi tout était prêt : douze requêtes en référé ont été enregistrées devant le tribunal administratif de Lyon. Chapeau à ses grandes amies que sont Céline Amar et Myriame Matari. Là, la défense, ça veut dire quelque  chose…

La procédure utilisée, c’est le référé-liberté de l’article L. 521- 2 du Code de Justice administrative : « Saisi d'une demande en ce sens justifiée par l'urgence, le juge des référés peut ordonner toutes mesures nécessaires à la sauvegarde d'une liberté fondamentale à laquelle une personne morale de droit public ou un organisme de droit privé chargé de la gestion d'un service public aurait porté, dans l'exercice d'un de ses pouvoirs, une atteinte grave et manifestement illégale. Le juge des référés se prononce dans un délai de quarante-huit heures ».

Les avocates demandaient au juge de constater les violations graves des droits fondamentaux – le logement et la dignité –  et d’ordonner au préfet du Rhône de trouver à ces familles un hébergement, sous astreinte financière. Et ces deux étoiles de la défense d’ajouter – évidente vérité – qu’il existait des fonds européens affectés qui n’étaient pas utilisés, car l’Etat refuse cette politique d’intégration. Tu piges, Valls (Parti socialiste désintégré) ?  


Le préfet a répondu par une conférence de presse mercredi matin. Je vous laisse apprécier : « Il ne s'agit pas de personnes en détresse puisqu'elles sont hébergées par la paroisse. J'ai garanti que je ne les expulserai pas de la paroisse ». Ça n’a pas faire rire tout le monde...

La salle paroissiale a été libérée, car elle est affectée au service d’une école, et les familles, le prêtre et leurs amis ont campé la nuit sous les fenêtres du tribunal. « On a apporté à manger et j'ai amené mon duvet. Je ne pouvais plus matériellement les héberger et je ne voulais pas les abandonner », a expliqué le Père Matthieu Thouvenot.

Hier après-midi, le tribunal administratif a fait droit à la demande des Roms. Il a condamné l’Etat à reloger 10 des 12 familles, soit une cinquantaine de personnes, sous astreinte de 75 euros par jour de retard.

Le juge rappelle le principe issu de l’article 345-2 du Code de l’action sociale et des familles : « Il appartient aux autorités de l’Etat de mettre en œuvre le droit à l’hébergement d’urgence reconnu par la loi à toute personne sans abri, qui se trouve en situation de détresse médicale, psychique ou sociale ».

Le dossier laissait apparaître que l’Etat n’avait pas apporté la moindre réponse aux demandes d’hébergement d’urgence. Il n’a même pas été répondu au téléphone…

Le juge estime que « si le préfet fait valoir qu’en dépit des efforts accomplis par les services de l’Etat pour accroître les places disponibles dans les centres d’hébergement d’urgence (…), les capacités d’accueil en urgence sont saturées, cette circonstance ne saurait justifier qu’aucune solution ne puisse être offerte à une famille sans abri, composée d’enfants en bas âge, compte tenu des conséquences graves pour ces enfants ».

Il poursuit : « La carence de l’Etat dans son obligation d’assurer un hébergement d’urgence à des personnes sans abri est caractérisée et constitutive d’une atteinte grave et manifestement illégale à une liberté fondamentale des requérants ».

Ce n’est qu’une ordonnance de référé, mais les motifs sont d’une telle solidité que la jurisprudence a été faite. Bravo ! Valls ne peut démanteler que s’il offre une solution de remplacement, et l’Etat va devoir se résoudre à mettre en œuvre les politiques d’intégration prévues par l’Europe, et financées. Le discours débile sur « les Roms qui ne veulent pas s’intégrer » s’est scratché sur la loi.

C’est une nouvelle contribution des plus démunis à la construction de notre Etat de droit. Franchement, ça vaut bien une bonne fête !


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