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Le crowdfunding, ou comment nos dirigeants pourraient mobiliser leur patrimoine dans l’économie réelle

Publié le 23 avril 2013 par Eldon

 Le crowdfunding, ou comment nos dirigeants pourraient mobiliser leur patrimoine dans léconomie réelleD’Olivier Toutin paru sur Le HuffingtonPost

L’affaire très médiatisée de Jérôme Cahuzac, qui a entraîné la publication récente des patrimoines de nos dirigeants ministériels, met en exergue, selon le regard que l’on y porte, des informations qui vont bien au-delà des chiffres.

L’organisation des assises de l’entrepreneuriat début 2013 et la volonté affichée du gouvernement de développer l’esprit entrepreneurial chez les jeunes trouve un écho dont la résonnance peut parfois sonner faux, comme c’est le cas lorsque nous portons notre attention sur la nature du patrimoine détenu par nos 38 ministres.

Dit autrement, comment peut-on encourager et soutenir l’initiative entrepreneuriale lorsque seulement 4 des 38 patrimoines mis sur le banc public se traduisent par de l’argent placé dans l’économie réelle, au service des entreprises?

Ce constat est symbolique, certes, mais d’autant plus affligeant lorsque l’on observe par exemple les difficultés actuelles rencontrées par les entrepreneurs pour obtenir les financements nécessaires pour démarrer ou développer leur entreprise.

« Un peu d’audace que diable! » titrait il y a quelques mois le journaliste du Washington PostEdouard Cody, qui décrivait dans son article les difficultés rencontrées par un entrepreneur toulousain pour tenter d’obtenir les fonds lui permettant de démarrer son activité pourtant prometteuse (Courrier International n°1140 12 septembre 2012).

La baisse des ressources, une opportunité pour repenser les échanges économiques

Les difficultés d’accès aux ressources économiques proposées traditionnellement par les banques ont paradoxalement favorisé la naissance de nouvelles initiatives visant à aider les entrepreneurs à acquérir tout ou partie du capital nécessaire pour démarrer ou développer leur activité. Parmi elles, le crowdfunding devient un réel phénomène de société.

Son principe, simple, repose sur la mise en relation directe des apporteurs de fonds avec des entrepreneurs via des plateformes internet. « Vous aimez l’activité que je souhaite développer? Alors soutenez-moi en apportant le capital que vous pouvez ou que vous souhaitez! »

Différentes formes de financements participatifs coexistent: à côté de la classique charité qui n’attend rien en retour exceptée une satisfaction morale personnelle, se disputent maintenant l’espérance d’une récompense -généralement l’un des produits financés- le remboursement d’un prêt consenti avec ou sans intérêt et, plus novatrice, la prise de participation dans le capital de l’entreprise soutenue.

Actuellement, une plateforme de crowdfunding apparaît chaque jour dans le monde pour dépasser le nombre de 500 début 2013. Selon une étude Massolution publiée le 8 avril dernier, 16,9% des activités financées sur les 308 plateformes étudiées concernaient le business et l’entrepreneuriat, ce qui ouvre de vastes perspectives.

Ce système de financement participatif n’est pas nouveau. Par exemple, les tontines présentes depuis très longtemps dans de nombreux pays -notamment africains- fondaient le principe de l’échange et de la réciprocité sur la robustesse de la relation de proximité: « Je te prête de l’argent en tant qu’ami ou membre de la famille pour que tu l’investisses dans l’achat de bétail ou l’ouverture d’un commerce et tu t’engages en contrepartie à rembourser cet argent pour qu’il puisse ensuite profiter aux autres membres du groupe ».

Aujourd’hui, les possibilités offertes par les NTIC redéfinissent les relations de proximité entre les entrepreneurs et leurs financeurs. Comme le soulignait Marshall Mac Luhan il y a déjà plusieurs décennies, nous vivons dans « un village planétaire ». Un financeur potentiel peut ainsi soutenir l’activité qu’il souhaite, même s’il ne connaît pas directement l’entrepreneur ou si l’entreprise se trouve à l’autre bout de la planète.

Les déterminants motivant l’apporteur de capital se sont donc élargis. En d’autres termes, le processus de « don et de contre-don » rendu célèbre par les travaux de l’anthropologue français Marcel Mauss (lire notamment « Essai sur le Don ») n’a pas disparu mais a muté en même temps que notre société et les systèmes de communication qui régissent en partie les liens entre individus.

Le crowdfunding, une manière de redonner du sens aux relations économiques

Dans le crowdfunding, la « donation » de capital pour un entrepreneur (qui ne figure pas nécessairement dans le réseau de connaissances du donateur) s’accompagne inévitablement d’une « contre donation » dont les mobiles demeurent encore méconnus. Quoi qu’il en soit, l’acte de placer du capital, quel qu’en soit le montant, résulte d’une réflexion menée par le financeur.

Autrement dit, celui-ci, par son acte de donation, donne du sens en attendant, plus tard, un contre-don, qu’il soit financier ou moral. Le financement par la foule contribue donc à la formation de nouvelles communautés de « donneurs » et de « contre donneurs » régies par des relations d’intérêt moral, financier ou affectif illustrées par le partage de passions communes.

C’est le cas par exemple pour la jeune start-up I Am La Mode portée par Alexandre et Jérôme, respectivement anciens étudiants de l’ESC Dijon et des Mines de Saint-Etienne, et passionnés de mode. Leur plateforme de crowdfunding a pour objectif de permettre aux entrepreneurs de la mode et aux financeurs intéressés par le soutien d’activités créatives et innovantes de se rencontrer. (Voir le schéma du concept)

Plus généralement, ce type de plateforme a pour but de démultiplier les opportunités de « connexion positive » entre entrepreneurs et financeurs en alliant des vertus très pédagogiques. Dans le cas présent, ces deux diplômés aux profils complémentaires ont décidé de ne pas s’arrêter là: ils accompagnent les designers dans la phase de production, ce qui favorise notamment une optimisation des process de fabrication, et leur permet de vendre leur production en ligne (crowdsupply).

Voilà qui replace ainsi la relation du don et du contre-don dans un schéma plus traditionnel en permettant à un public élargi d’acquérir contre de l’argent des productions originales et, par voie de conséquence, de contribuer in fine à la croissance d’entreprises innovantes. Les activités de don et de contre-don inhérentes encouragent également ce type d’initiatives entrepreneuriales qui, par l’activité de crowdfunding, déclenche une résonnance économique allant bien au-delà des retombées de l’investissement individuel.

L’initiative entrepreneuriale, piste d’implication pour nos dirigeants

Le crowdfunding représente un outil financier dans une boîte à outils qui s’enrichit peu à peu pour tenter d’apporter de nouvelles alternatives financières aux difficultés d’accès aux ressources. Son expansion vertigineuse pourrait permettre de pallier le ralentissement des investissements debusiness angels qui, pour la première fois en 12 ans, ont connu un net recul, ne dépassant pas les 40 millions d’euros. Il s’agit également de redonner du sens à l’activité économique en accordant plus de « crédit » à la robustesse des relations humaines dans l’éthique des affaires.

Mais ces initiatives doivent-elles seulement relever d’une initiative citoyenne coupée de l’implication de ses dirigeants? Selon un nouveau sondage LH2-Le Nouvel Observateur du 16 avril, 70% des français n’ont pas confiance dans les hommes et les femmes politiques (+4 points par rapport à 2010).

Une plus grande implication citoyenne de nos dirigeants, par exemple en soutenant personnellement l’initiative entrepreneuriale, même si elle demeure au final symbolique afin d’éviter tout risque de conflit d’intérêts, est une piste particulièrement pertinente pour permettre d’améliorer les relations avec les citoyens qui les élisent.

Source: The HuffingtonPost


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