C’est à vous, femmes et hommes, homosexuels français de tous les temps qui nous ont précédés ;
C’est à vous, femmes et hommes homosexuels français, qui avez dû assumer, cacher ou protéger votre différence et vos amours durant de si longues années ;
C’est à vous, femmes et hommes homosexuels français, qui durant la seconde guerre mondiale avez été victimes de déportations, de tortures, de mutilations ou d’expériences scientifiques ;
C’est à vous, femmes et hommes homosexuels français, que cette lettre s’adresse et vers qui nos pensées s’envolent au moment où la France, notre pays, vous rend enfin la justice qui vous est due.
Nous, qui vous avons succédé, nous avons observé la lente évolution des mentalités de notre société. Il aura fallu attendre le 27 juillet 1982 pour que l’homosexualité ne soit plus un délit en France. Il aura fallu attendre toujours, 1997 pour que l’OMS retire l’homosexualité de sa liste des maladies mentales. Il aura fallu attendre encore, le 15 novembre 1999 pour que soit adopté le Pacte Civil de Solidarité ouvrant à une timide reconnaissance des couples homosexuels.
Il aura fallu attendre enfin, ce 23 avril 2013 pour que la France reconnaisse une pleine et entière égalité entre les couples et familles hétérosexuels ou homosexuels.
Désormais, la République Française que vous avez aimée, autant que nous l’aimons, reconnaît à tous ses citoyens, tous ses enfants, la Liberté de naître et de demeurer égaux en droits.
La Liberté de ne plus vivre cachés. La Liberté de ne plus se sentir discriminés. La Liberté d’aimer et d’être respectés. La Liberté pour deux femmes ou deux hommes d’élever leurs enfants sans être contraints de justifier une évidence. La Liberté d’être des citoyens soumis aux mêmes devoirs et, désormais, aux mêmes droits que tous les autres.
Cette Loi pour « le mariage pour tous » et l’adoption d’enfants par des couples de même sexe sera, nous l’espérons, le plus bel hommage et la plus grande reconnaissance que nous pouvions vous apporter.
Nous, homosexuels français qui vous avons succédé, nous n’avons pas subi les outrages, les humiliations ou les blessures dans les mêmes termes que les vôtres. Nous nous sommes confrontés aux violences de notre temps.
Nous n’avons pas tout réussi, mais peut-être que ceux qui nous succéderont nous rendront justice à leur tour en se souvenant que nous avons participé et contribué à gommer une non-conformité de l’Histoire.
Notre mission était de faire en sorte que nos enfants, que tous les enfants de la France d’aujourd’hui et de demain, n’aient pas à rougir de leurs propres amours, n’aient pas à renier la différence qui peut être la leur et mieux encore, qu’ils n’aient plus de questions à se poser.
Notre devoir était de ne pas oublier, de ne jamais oublier, de saluer et de remercier toutes les femmes et tous les hommes français homosexuels qui nous ont précédés.
Nous espérons que de là où vous êtes, femmes et hommes français homosexuels de tous les temps, nous avons réussi à vous rendre la fierté dont vous n’avez jamais bénéficié et donné définitivement les moyens de vivre en paix.
La Liberté et l’Egalité dont nous bénéficions en France, aujourd’hui, c’est à vous que nous les devons. C’est la juste récompense de tous les combats que vous avez mené.